La Presse Bisontine 61 - Décembre 2005

29 REPORTAGE

dés.” Directrice du musée depuis trois ans, Claire Stoullig doit répondre à près de 600 demandes par an de prêts d’œuvres éma- nant d’autres musées, la moitié à peine sont acceptés. 6 000 des- sins - ce qui fait de Besançon le deuxième musée derrière le Louvre dans ce domaine - , dont une belle collection Fragonard, autant de peintures, 300 000 objets archéologiques divers auxquels s’ajoutent chaque année de nou- velles acquisitions, “car un musée qui n’acquiert pas meurt.” Ce patrimoine considérable, Clai- re Stoullig s’est donnée pour mis- sion de le faire connaître au plus grand nombre. “Il faut faire vivre le musée, l’ouvrir au public. Ne pas en faire un blockhaus ” , affir- me-t-elle. Gratuité le dimanche, ateliers artistiques, partenariats avec les scolaires, spectacles d’escrime ou de théâtre, tous les moyens sont bons pour inciter le public à fran- chir les portes du musée. “Il n’y a pas que la visite guidée tradi- tionnelle pour rentrer en contact avec les œuvres, il y a beaucoup de choses à inventer. Il n’y a pas une seule lecture d’un tableau. Notre gros travail, nous conser- vateurs, c’est de bien montrer, par un bon accrochage, des notices explicatives, donner les moyens de rentrer dans les expositions” , poursuit Claire Stoullig. En 2004, le musée a accueilli 46 000 visiteurs. 23 % de plus que l’année précédente. À côté des col- lections permanentes, il y a aus- si les expositions temporaires. En 2006, une exposition des œuvres de Fragonard, puis sur les décou- vertes archéologiques bisontines sont en préparation. Un travail de fourmi, “deux ans de négocia- tions avec les grands musées pour obtenir certaines pièces.” ■

la restauration des tableaux les plus récents, à partir des impres- sionnistes. Il y a alors un peu une perte demétier. Les peintres, avant, broyaient eux-mêmes leurs pig- ments. Avec l’apparition des tubes de peinture et des toiles prêtes à l’emploi de la fin du XIX ème siècle, chacun peut se lancer. Résultat, on a maintenant parfois de très graves problèmes de déplaquage de la couche picturale.” “Les Bisontins l’ignorent mais le musée des beaux arts est un grand musée. Nous avons des tableaux importants, qui sont très deman-

toire de l’art, pour connaître les techniques de l’époque du tableau” , explique Mélanie. Sur le chevalet devant elle, le por- trait d’une jeune femme dumilieu du XIX ème siècle attend de retrou- ver son cadre. Le vernis était deve- nu “complètement jaune car oxy- dé” , masquant le jeu des couleurs pastel du tableau. Avec précau- tion, Mélanie a enlevé une couche du vernis avec du dissolvant. “Contrairement à ce qu’on pour- rait penser, les peintures les plus anciennes ne sont pas toujours les plus abîmées. Le plus difficile, c’est

Le temps mais aussi les accidents lors du stockage ou du transport des tableaux peuvent endommager les œuvres.

Faire venir le grand public au musée, c’est la priorité de la directrice. “Il n’y a pas que la visite guidée traditionnelle pour rentrer en contact avec les œuvres, il y a beaucoup de choses à inven- ter ”, affirme Claire Stoullig.

Jeudi après-midi. Aucun musée ne peut fonctionner sans gardien. Ce sont souvent eux seuls que le visiteur rencontre. “Il faut avoir le regard à droi- te, à gauche. On fait office de gendarme, ce n’est pas toujours bien vu. Mais intellectuellement, c’est vraiment gratifiant de tra- vailler ici.” Régine, 58 ans, gardienne depuis deux ans, ne quitte pas des yeux le groupe d’une vingtaine de personnes qui arpente l’expo- sition. Et qui de temps en temps s’approche un peu trop près des tableaux. Dans l’ensemble du musée, ils sont douze gardiens, à veiller sur les œuvres et à tenir propre les espaces d’ex- position. “Un métier de patien- ce. Car certains jours, on ne voit personne” , reconnaît le gardien chef. Dans l’entrée, près de la cais- se, une petite boutique propo- se des moulages, des copies des œuvres présentées. Des sta- tuettes égyptiennes de chats ou de divinités, des têtes et des lampes à huile gréco-romaines, une vierge à l’enfant médiéva- le, le buste de Victor Hugo et un ours polaire d’un sculpteur contemporain… Toutes les pièces sont fabriquées à Besan- çon, dans l’atelier de moulage du musée. Ils ne sont que trois ou quatre ateliers municipaux dans toute la France. À l’origine spécialisé dans la restauration demosaïques, celui de Besançon se concentre

Surveiller les allées et venues des visiteurs, pour éviter toute dégradation des œuvres. C’est le travail de Régine, l’une des gardiennes du musée.

même. Une fois l’empreinte de la statue réalisée en silicone, le moule est rempli de plâtre ou de résine. Avec une règle d’or, pour renforcer l’illusion, “essayer de respecter au mieux le poids initial de l’objet” , affirment les mouleurs. Il ne reste plus ensui- te, une fois la copie démoulée,

encore tout blancs. Ils sont deux à travailler à l’atelier, pour pro- duire près de 600 pièces par an. Des copies principalement d’œuvres exposées à Besançon, vendues ensuite aumusée. Par- fois, les mouleurs travaillent aussi pour d’autres musées, livrent des crânes d’ours en rési- ne à la Citadelle ou cette plaque à l’inscription gallo-romaine, plus vraie que nature, conser- vée au musée de Lons-le-Sau- nier et dont le double trône fiè- rement au-dessus de la porte. Le principe est, lui, toujours le

désormais uniquement aux copies de statues. “Les pièces sont plus ou moins difficiles à réaliser. Tout dépend de la pati- ne. Reproduire le bronze par exemple, quand il y a plusieurs reflets différents du vert aumar- ron, cela peut parfois être très complexe. Mais le but est tou- jours de s’approcher le plus pos- sible de l’original.” Alexandre Rioton a aligné devant lui des têtes de chatte d’Égypte antique et une demi- douzaine de scarabées sacrés, à peine sortis de leur moule et

à la peindre et la pati- ner. Une petite touche de cire pour vieillir enco- re plus, copie et modè- le se confondent alors.

Dans l’atelier de moulage du musée, la patine est l’opération la plus délicate. C’est elle qui donne à la copie l’aspect vieilli et la texture de l’original.

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