La Presse Bisontine 60 - Novembre 2005

7 L’ÉVÉNEMENT

A PPARTEMENT Des charges trimestrielles de 190 euros

R EPÈRES La résidence de Georges Gruillot Un appartement à usages multiples Le logement de la rue Charles Nodier est aussi la propriété du Conseil général. Ses présidents successifs l’ont tour à tour habi- té ou utilisé pour organiser des réceptions.

Bien qu’ayant sa résidence principale au centre-ville de Besançon, Claude Jeannerot a décidé d’utiliser un appartement de fonction de la rue Nodier. Pour être en règle, il a signé un bail de location. Des travaux de rénova- tion seraient en cours pour le transformer intégralement. Le président du Conseil général paye son loyer

L aisser les clés d’un appar- tement appartenant à une collectivité publique à un de ses enfants relève-t-il de l’abus ? Certainement. Cela n’apparaîtrait pas aussi scan- daleux si cette pratique n’avait pas abouti à un drame. Les faits remontent au 2 août 2003. Le jeune Teddy Eugénie est un ami de Charles Girard, fils de l’ancien président du Conseil général aujourd’hui décédé. Cette soirée d’été très arrosée pour Charles Girard et sa bande de copains s’est ter- minée dans l’appartement de la rue Charles Nodier. Alcool et drogue circulent abondam- ment. La fin de soirée tourne au drame : Teddy Eugénie vio- le, dans une chambre de l’ap- prtement, une jeune fille qui avait été conviée à terminer la soirée là. Le violeur a été condamné le 8 septembre der- nier à 6 ans de réclusion par la cour d’assises du Doubs. Fait exceptionnel : un des princi- paux témoins, Charles Girard, Charles Nodier était géré par la préfecture du Doubs. “Le point de départ, c’est Edgar Faure qui cherchait un appar- tement de fonction. L’utilisait- il ? Je n’en sais rien, rappor- te un ancien conseiller général de Besançon. Peut-être en sa qualité d’ancien président de l’Assemblée Nationale ou d’an- cien président du conseil.” Tou- jours est-il que l’existence et l’utilisation de cet apparte- ment sont passées inaperçues jusqu’à ce que Georges Gruillot, président du Conseil général du Doubs après 1982, en fas- se sa résidence bisontine. Au cours de ses mandats succes- sifs, l’ancien chef de l’exécu- tif départemental a fait réa- liser de nombreux travaux dans l’appartement où il logeait avec sa famille. “L’apparte- ment avait été refait avec beau- coup de goût par Georges Gruillot. Il avait notamment fait aménager une magnifique laverie pour plus de 150 000 F de l’époque. Plusieurs femmes A vant les lois de décen- tralisation de 1982, l’appartement de la rue

de ménage s’occupaient de l’en- tretien de l’appartement” ajou- te un autre témoin de l’époque Gruillot. “Le linge de la famil- le Gruillot arrivait régulière- ment.” Le président Gruillot utilisait également l’apparte- ment de la rue Nodier pour des réceptions privées. “Il nous invitait tous les ans, nous et nos épouses, pour un repas convivial” rapporte cet ancien élu. Le précédent président du Conseil général du Doubs, Claude Girard, avait rompu avec cette habitude d’habiter l’appartement de fonction. Ce dernier avait établi sa rési- dence principale à Lantenne- Vertière dans son canton d’Au- deux. Cependant, Claude Girard avait fait de ce loge- ment un lieu de réception. Enfin Claude Jeannerot, l’ac- tuel président, l’a déjà utilisé à plusieurs reprises depuis son élection en avril 2004, notamment pour recevoir des personnalités. Et cet été, il a décidé de louer l’appartement voisin à titre privé. O J.-F.H.

A FFAIRE Les deux volets dissociés Le dramatique épisode du viol perpétré dans l’appartement de la rue Nodier par un copain du fils de feu Claude Girard, a mis en lumière les abus d’un système aux contours trop flous. Les dérives du système

L’immeuble se situe à quelques dizaines de mètres de la préfecture et du Conseil général du Doubs.

L a question n’a pas été abordée en séance publique du Conseil général, sans doute pour éviter des débats interminables sur un sujet rendu sensible par les récentes dérives dont on a eu connaissance sur le plan natio- nal, l’affaire Gaymard en étant l’illustration suprême. C’est donc au cours d’une commission per- manente, non publique, que le sujet a été tranché le 12 juillet dernier. Au sommaire de cette réunion entre élus, la location d’un appartement sis au 2 rue Cahrles Nodier à Besançon. “Monsieur Claude Jeannerot sollicite la location à titre privatif d’un appartement situé 2 rue Nodier à Besançon” résume l’ordre du jour.

Il s’agit d’un appartement de type 5, situé au 2 ème étage et combles de l’im- meuble, d’une superficie de 180 m 2 . Des travaux auraient débuté pour rénover les peintures et le sol de ce logement qui selon nos sources, doit être transformé en un confortable loft. Par ailleurs, le président aurait demandé lors d’une précédente commission per- manente de relier les lignes télé- phoniques de l’appartement au réseau du Conseil général, avant de retirer cette demande. Cet appartement du 2, rue Nodier a été sollicité par Claude Jean- nerot “à usage d’habitation exclu- sivement.” La location a pris effet au 1 er septembre dernier. Après débat, les élus sont tombés d’accord sur un loyer de 11 700 euros par an, payable trimestriel-

lement et à terme échu, soit 975 euros par mois, selon estimation des services fiscaux. Les charges feront l’objet d’une provision trimestrielle de 190 euros. Ce loyer paraît en dessous du marché loca- tif bisontin. À titre de comparaison, une agence bisontine vient de louer rue Gam- betta un 180 m 2 pour 1 100 euros par mois, “un tarif très attractif” selon le loueur. Si Claude Jeannerot a pris soin de se conformer à la loi (voir encart ci-des- sous), la méthode dérange l’opposition. “C’est tout à fait logique qu’il paye un loyer. ce qui est plus gênant, c’est que cette question n’ait pas été abordée en séance publique” déplore Jean-Fran- çois Longeot, responsable du groupe Doubs Avenir. O J.-F.H.

ne s’est pas présenté à l’au- dience. Il n’était pourtant appe- lé que comme témoin. Cette affaire de viol a pourtant été dissociée des faits de consom- mation de drogue. Et le par- quet a décidé de ne pas pour- suivre les jeunes pour usage de stupéfiants. Les quantités sai- sies dans l’appartement - 1 g de cocaïne et 15 g de haschich - seraient en dessous du pla- fond à partir duquel la justice est censée poursuivre ! L’ins- truction, confiée à un juge pari- sien, s’est perdue dans les cou- loirs de la justice, le volet stupéfiant a été enterré… “C’est un refus de poursuivre d’op- portunité, uniquement lié à la personne du jeune concerné” commente une source proche de la justice bisontine.

Ce loyer paraît en dessous du marché locatif.

E n ce qui concerne le Conseil général, c’est l’article L 3123- 19-2 du code général des collectivités locales (inséré par la loi nº 2002-276 du 27 février 2002) qui réglemente l’utilisation des logements de fonction. Que dit le pas le cas de Georges Gruillot ni de Claude Girard -, n’aurait pas droit à un logement de fonction. Pour se mettre en règle avec les dispositions de la loi, Claude Jean- nerot a décidé de solliciter un bail en bonne et due forme. Que dit la loi concernant les logements de fonction ? texte ? “Lorsque la résidence per- sonnelle du président du Conseil général se situe en dehors de l’ag- glomération comprenant la com- mune chef-lieu du département et que le domaine du départe- ment comprend un logement de fonction, le Conseil général peut fixer par délibération les modali- tés selon lesquelles ce logement lui est affecté.” A contrario , un président de Conseil général qui habite l’agglomération - c’est le cas deClaude Jeannerot, ce n’était

L’ancien président aurait interdit son fils d’utiliser l’ap- partement duConseil général. Il en avait pourtant la clé… O J.-F.H.

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