La Presse Bisontine 60 - Novembre 2005

L’ÉCONOMI E

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Jean-Paul Guérin, directeur régional de la Caisse des Dépôts : “Il faut faire sauter les verrous et communiquer” F INANCES Partenaire des collectivités et des bailleurs sociaux

Le directeur de la Caisse des Dépôts et des Consignations de Franche-Comté explique les grandes missions de cet organisme bancaire qui participe à des missions d’intérêt général. L a Presse Bisontine : La Cais- se des Dépôts et des Consi- gnations est un organisme financier. Vous avez pignon L.P.B. : À quoi correspond le déve- loppement territorial ?

donneur d’ordres. C’est lui fixe notre carnet de route et désigne les secteurs dans lesquels nous devons intervenir financière- ment. Il nous délivre de nou- veaux mandats en fonction des priorités publiques. Par exemple, il nous demande de mettre des crédits sur les maisons de l’em- ploi. Géographiquement, chaque direction régionale a sous sa responsabilité un secteur qui correspond à une région admi- nistrative comme la Franche- Comté. L.P.B. : Quels sont donc précisément les domaines dans lesquels vous inter- venez ? J.-P.G. : Nous sommes mobilisés sur trois métiers : le service bancaire, les fonds d’épargne et le développement territorial. L.P.B. : Qu’entendez-vous par servi- ce bancaire ? J.-P.G. : En plus de la centrali- sation de l’épargne, nous sommes la banque du service public de la justice. Cela signi- fie que nous avons en charge, pour les notaires, les huissiers, et les administrateurs judi- ciaires, tous les fonds régle- mentés dans lesquels ils sont impliqués. Par exemple, dans une transaction immobilière entre particuliers et validée par un notaire, tous les fonds vont transiter systématiquement par la Caisse des Dépôts et des Consignations. Notre devise est “la Foi Publique”. À ce titre, nous sommes garants du bon transfert de ces fonds. - Création en 1816. - Le groupe Caisse des Dépôts gère l’épargne des Français. En 2004, leur encours représentait 225 milliards d’euros. - Dans le cadre de sa mis- sion de banquier de service public, le dépôt s’élevait fin 2004 à 49milliards d’euros. -Dans le cadre des retraites, elle gère d’importants régimes publics par répar- tition pour les salariés de l’État, des collectivités locales et des établisse- ments hospitaliers. Soit 2,6 millions de pensionnés. - Elle a différentes filiales : Icade (immobilier) et la société nationale immobi- lière, C.D.C. Entreprise et des filiales de service (Transdev, Egis, Compa- gnie des Alpes et V.V.F.). - Bilan consolidé de la C.D.C. en 2004 : 188 mil- liards d’euros. La Caisse des Dépôts en France

et une partie de l’épargne régle- mentée (Codevi, L.E.P.) collec- tés par tout le réseau bancai- re. Sur ces ressources garanties par l’État, on accorde des prêts, pour soutenir les actions de la politique de la ville (rénovation urbaine) et l’habitat social. Nous prêtons donc à des taux préfé-

J.-P.G. : Nous sommes parte- naires financiers des outils qui génèrent du développement économique dans la région. Par exemple, derrière les zones franches urbaines comme à Planoise, il y a la Caisse des Dépôts. À travers des outils d’aide aux entreprises, nous sommes enmesure de faire une offre de prêt aux sociétés qui vont s’installer là-bas. Autre exemple à Pontarlier cette fois. La C.D.C. est partenaire de Cit’y Parc, la société qui va assurer la reconversion éco- nomique de l’ancien site de F.C.I. L.P.B. : De la même manière, vous êtes présents dans des secteurs très variés ? J.-P.G. : Nous avons deux façons d’intervenir soit par le biais de sociétés d’économie mixte (je précise que la C.D.C. est par- tenaire de la plupart des S.E.M.), soit avec des parte- naires privés par exemple com- me c’est le cas à Pontarlier dans la reconversion d’un site indus- triel. Dans ce cas, on trouve un modèle économique afin de créer un contexte favorable à un développement et on va chercher ensuite des entre- prises pour que l’outil que nous avons mis en place soit ren- table. L.P.B. : Finalement, dans quel cadre la C.D.C. ne peut pas intervenir finan- cièrement ? J.-P.G. : La Caisse des Dépôts ne peut pas s’inscrire dans un projet s’il est en contradiction avec la politique locale, l’inté- rêt général. L.P.B. : Votre priorité est donc de soutenir financièrement les projets des collectivités ? J.-P.G. : Nous travaillons sur un certain nombre de dossiers avec la Région, le Département, et toutes les agglo- mérations. Nous sommes notamment partenaires de la Société d’équipement du Doubs (S.E.D.D.) Nous détenons 45% du capital de la S.A.I.E.M.B. La C.D.C. intervient également dans les projets d'équipements touristiques, elle est déjà pré- sente à la S.E.M. Citadelle et à l’institut Nicolas-Ledoux. Au total, ce sont 7 millions d’eu- ros qui sont mobilisés dans le capital des sociétés dont nous nous sommes partenaires. L.P.B. : Il arrive que la C.D.C. soit actionnaire à 100% de sociétés ? J.-P.G. : C’est le cas pour des filiales au sein du groupe mais elle est le plus souvent mino- ritaire tout en étant le premier partenaire financier.

sur rue, mais n’accueillez pas le public. Peut-on dire que la C.D.C. est une banque ? Jean-Paul Guérin : Non, ce n’est pas une banque. Mais un éta-

rentiels des fonds aux collectivités locales et aux bailleurs sociaux, mais dans des champs qui sont très cadrés. Sur Besançon, nos 4 clients, bailleurs

blissement finan- cier public qui s’inscrit dans la durée dans le sens ou il gère des fonds et s’engage finan- cièrement dans un certain nombre d’actions qui

“Mobiliser des fonds

pour relancer une activité.”

sociaux, sont Habitat 25, la S.A.I.E.M.B., l’office public de Besançon et la S.A.F.C.Actuel- lement enFranche-Comté, nous avons 1,2milliard d’euros d’en- cours qui correspondent à tous les prêts que l’on a accordés depuis plusieurs années. L’im- mobilier locatif est par ailleurs notre principal secteur d’in- vestissement. L.P.B. : Connaissez-vous le nombre de livrets A centralisés par la C.D.C. de Franche-Comté ? J.-P.G. : Non, puisque tout est centralisé à l’échelle nationale. L.P.B. : La C.D.C. est un organisme public. Vous êtes en quelque sorte le bras financier de l’État. De quelle indépendance disposez-vous par rap- port à l’institution ? J.-P.G. : Nous sommes à la fois dans l’État et à côté de l’État, car la Caisse des Dépôts est sous la protection du parlement. Néanmoins, l’État reste notre S.O.D.E.B. (Territoire-de-Bel- fort). Les 3 sociétés de loge- ment locatif local social sont : la S.A.E.I.M.B., la S.A.F.C. et I.D.E.H.A. Elle est enfin présente dans une société de gestion d’équi- pement touristique : la S.E.M. de la Citadelle. - Pour le financement d’entre- prises, la C.D.C. est présente dans trois plates-formes d’ini- tiative locale : Cré-Entre- prendre, Jura initiatives, Hau- te-Saône initiatives qui distribuent des prêts d’hon- neur aux très petites entre- prises. Elle est aussi présente dans une société de capital risque régional : le C.I.F.C. (capital investissement Franche-Comté). - Plus de 2 000 logements sociaux bénéficient chaque année en Franche-Comté du financement de la Caisse des Dépôts, soit près de 60millions d’euros investis sur trois ans.

impactent sur le développe- ment économique local et l’aménagement du territoire. L.P.B. : Alors êtes-vous concurrente des banques classiques ? J.-P.G. : Par certains côtés oui, dans le sens où nous sommes un organisme financeur. Mais nous ne faisons pas d’offres de prêts sur des champs d’actions qui ne sont pas les nôtres, mais sur le logement social et la réno- vation urbaine et les grandes infrastructures. Nous sommes le numéro 1 en France du finan- cement du logement social basé sur les fonds collectés dans le cadre de l’épargne populaire. L.P.B. : Vous pouvez préciser ? J.-P.G. : L’essence même de la Caisse des Dépôts et des Consi- gnations est de centraliser la collecte de l’épargne publique : livrets A distribués par les Caisses d’Épargne, La Poste, le livret bleu du Crédit Mutuel, - La direction régionale emploie 15 personnes. - La C.D.C. est le numéro 1 du financement du logement social. - La Caisse des Dépôts est le banquier de proximité du ser- vice public de la justice (notaires, huissiers, admi- nistrateurs judiciaires) et d’organismes d’intérêt géné- ral (sociétés d’économie mix- te, organismes de logement social). - Partenaire de collectivités locales comme investisseur. Pour le développement local et l’immobilier locatif aux entreprises, la C.D.C. est pré- sente en Franche-Comté à tra- vers 11 sociétés locales, dépar- tementales et régionales. Les trois sociétés d’immobilier locatif d’entreprise sont : Action 70, Batifranc, Sempat 90. Les trois sociétés d’amé- nagement sont : la S.E.D.D. (Doubs), la S.O.C.A.D. (Jura et Haute-Saône) et la

Jean-Paul Guérin : “La Franche-Comté est un territoire qui a des atouts, mais il y a un problème de marketing territorial.”

dement et de jouer notre rôle d’investisseur institutionnel. Je vous rappelle que nous sommes actionnaires dans les plus grands groupes français. Le dernier tiers est réservé au développement local. Chaque année, nous sommes amenés à soutenir financièrement des projets locaux. L.P.B. : Quel regard portez-vous sur l’évolution économique de la Franche-Comté ? J.-P.G. : La Franche-Comté est un territoire qui a des atouts et une culture du travail. En revanche, elle n’est pas visible. Je pense qu’il y a un problème de marketing territorial. Par exemple, de novembre à jan- vier dernier, avant que je pren- ne mon poste à Besançon je n’ai pas vu un seul article sur cette région dans la presse éco- nomique. Quand il y en avait, c’était pour annoncer des mau- vaises nouvelles telles que les difficultés rencontrées par Alstom ou Augé. D’autres régions considérées comme plus modestes font parler de leurs projets et de toutes les initia- tives innovantes qu’elles génè- rent et qui pourtant existent aussi ici. Néanmoins, je pen- se que les choses vont bouger en Franche-Comté. J’en veux pour preuve tout le travail réa- lisé sur les pôles de compéti- tivité qui est révélateur d’une volonté d’exister. J’ai bon espoir pour la Franche-Comté car on assiste à une prise de conscien- ce de la part des acteurs poli- tiques et économiques. Il faut faire sauter les verrous et com- muniquer. O Propos recueillis par T.C.

L.P.B. : La Caisse des Dépôts inter- vient quand une structure est en péril ? J.-P.G. : Attention, nous ne sommes pas des philanthropes. Nous sommes prêts à mobili- ser des fonds pour relancer une activité. Mais quand l’outil a atteint le seuil de rentabilité escompté, nous retirons nos actifs pour les investir ailleurs. L.P.B. : Vous évoquez en priorité le développement économique. Avez- vous des indications sur les retom- bées liées à votre action ? J.-P.G. : La C.D.C. a un pro- gramme d’accompagnement des très petites entreprises (moins de 20 salariés) et de tout ce qui fait référence à l’éco- nomie solidaire. Nous pouvons soutenir des projets par le biais de prêts d’honneur. C’est plus gner 135 créations d’entreprises en Franche-Comté et 420 autres en coopération avec Oséo-B.D.P.M.E. sur un fonds financé par la C.D.C. L.P.B. : Comment sont utilisés les excédents de la C.D.C. ? J.-P.G. : Tous les ans si on fait le bilan, les dividendes de la C.D.C. se répartissent en trois tiers. Le premier tiers des sommes est perçu directement par l’État. En 2004, cela cor- respond à plus de 512 millions d’euros. Le second tiers reste en fonds propres à la Caisse des Dépôts. Cette marge de manœuvre financière nous per- met demobiliser des fonds rapi- de 3 millions d’euros qui ont été mobilisés dans ces actions- là et qui ont per- mis d’accompa-

Repères La Caisse des Dépôts en Franche-Comté

“Nous ne sommes pas des philanthropes.”

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