La Presse Bisontine 60 - Novembre 2005

L’ INTERVI EW DU MOIS

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F INANCES PUBLIQUES Pour une réforme de l’État Jacques Marseille : “Il faut arrêter de dire que notre modèle est formidable” Alors que le budget 2006 est passe d’être voté à l’Assemblée, Jacques Marseille, professeur à l’Uni- versité Paris I-Sorbonne préconise une réforme radicale de l’État en diminuant drastiquement les dépenses publiques. Il vient de publier sur le sujet “le Grand gaspillage” aux éditions Tempus.

l’emploi soit protégé mais la personne. C’est paradoxal, mais plus on facilite le licen- ciement, plus on va créer d’em- plois. C’est pourquoi on a si peu d’emplois en France. Il faut par contre aider la per- sonne quand elle est sans emploi, continuer à lui verser de l’argent. Il faut arrêter de dire que notre modèle social est formidable et regarder ce qui se fait ailleurs et ce qui marche. Arrêtons d’être arro- gants et faisons preuve d’un peu plus de bon sens. O Propos recueillis par S.D. mesures pour réduire leurs dépenses publiques de moi- tié ont vu leur taux de chô- mage se diviser par deux.” Pour Jacques Marseille, professeur à l’Université Paris 1-Sorbonne, il faut un “remède de cheval. Tous les pays qui ont pris des

L a Presse Bisontine : Au prin- temps, le ministre de l’Éco- nomie Thierry Breton affir- mait que la France vivait “au-dessus de ces moyens.” Est-ce une opinion que vous partagez ? Jacques Marseille : On peut répondre oui. De façon plus éla- borée, les intérêts de la dette de la France sont pratiquement équivalents à l’impôt sur le revenu. Mais il y a aussi une autre lecture. Car la dette repré- sente 65 % du produit intérieur brut de la France. Et il y a des pays qui font beaucoup plus encore, comme l’Italie. En fait, on pourrait comparer la ques- tion au cholestérol. Comme il y a du bon et du mauvais cho- lestérol, il y a une bonne et une mauvaise dette. La bonne det- te, c’est celle qui sert à prépa- rer l’avenir par des investis- sements dans la recherche, l’équipement, la défense aus- si. Ce sont des investissements dont on peut dire qu’ils profi- teront à nos enfants. La mau-

de la dépense publique, il y a du grain à moudre. La dette de la France devrait s’élever l’année prochaine à 1 200milliards d’eu- ros. Si la banque centrale euro- péenne venait à augmenter ne serait-ce que de 1%ses taux d’in- térêt - ce qui peut toujours arri- ver -, c’est 12 milliards d’euros qu’il faudrait rembourser en plus. Un cinquième de la recet- te de l’impôt sur le revenu. L.P.B. : Est-ce que la décentralisa- tion a eu un impact sur les finances de l’État ? J.M. : Je ne suis pas sûr que la régionalisation a permis de fai- re des bénéfices. S’il n’y a pas de déconcentration des services, vous alourdissez les structures administratives. La France qui a une tradition jacobine a vou- lu donner du pouvoir aux Régions mais sans renoncer à l’État central. Cela fait un tas de mille-feuilles et les mille- feuilles coûtent cher.

L.P.B. : Sur la question de l’emploi cette fois, que pensez-vous du contrat nouvelle embauche mis en place à la rentrée ? J.M. : Je ne pense pas que ça puisse bouger le fond des choses. Le problème de l’emploi, c’est la faiblesse des services. Si on avait en France lamême struc- ture d’emploi qu’aux États- Unis, on aurait 3,4 millions d’emplois en plus. Si on prend le modèle danois, ce serait 1,8 million en plus. Si chaque Fran- çais consommait 3 heures de service par semaine à raison de 20 euros, que ce soit des heures de repassage, du baby sitting , de l’aide à la person- ne…, 2 millions d’emplois seraient créés. Pratiquement le nombre de chômeurs enFran- ce aujourd’hui. L.P.B. : Vous proposez de l’emploi précaire… J.M. : Les emplois de service sont nécessairement précaires. Ce qu’il faut ce n’est pas que

adopté ce remède, qui ont pris des mesures révolutionnaires pour réduire leurs dépenses publiques de moitié ont vu leur taux de chômage se diviser par deux. Il y a une très forte cor- rélation entre les deux. L.P.B. : L’une de ses annonces concer- ne les impôts. Le gouvernement pro- met une baisse des impôts à partir de 2007 et un plafonnement du taux d’imposition. Est-ce que cela va vrai- ment dans le bon sens ? J.M. : Ça ne sert à rien de dimi- nuer les impôts, c’est prendre le problème à l’envers. Le problè- me, ce n’est pas la recette mais la dépense. Si vous diminuez les impôts, sans diminuer les dépenses, leproblèmeaugmente. Et ce qui a été annoncé a un impact négligeablepour le contri- buable. C’est plus une mesure d’annonce électorale. Un des objectifsduplafonnement à60%, c’est de réformer sans le dire l’I.S.F. à laquelle personne n’ose s’attaquer. Il y aun tel gaspillage

vaise dette, c’est au contraire celle de la France, qui sert essentiellement à payer la rémunération et la retraite des fonctionnaires et à rembour- ser l’intérêt de la dette. Quand les dépenses de fonctionnement l’emportent sur les dépenses d’avenir, c’est mauvais. Ce n’est pas le niveau de dette en soi. Les États-Unis ont une dette supérieure à celle de la Fran- ce, mais ils investissent plus, ont une situation de plein emploi. Alors qu’ici, on a un taux de chômage élevé, une compétitivité et une croissan- ce de plus en plus faible. Il y a des mesures qui s’imposent. L.P.B. : Et que pensez-vous des mesures annoncées par le gouver- nement pour le budget 2006 ? J.M. : Il ne faudrait pas envisa- ger des mesures homéopa- thiques, comme réduire de 5 000 le nombre de fonctionnaires. On est mûr pour un remède de cheval. Et tous les pays qui ont

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