La Presse Bisontine 60 - Novembre 2005

BESANÇON

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M ÉDECINE

Elle a fait ses études à la faculté de Besançon

a voulu prendre le large. Il y a un monde au-delà de nos frontières. En 2000, juste après sa thèse, la jeune médecin a fait ses bagages pour partir arpenter cette terre pétrie d’in- égalités et d’appel à l’aide. Après tout, peut-être aurait- on besoin d’elle ailleurs, sous De la réalité à la télé pour un médecin bisontin À 33 ans, Sandra Deleule est médecin urgentiste. Une profession qui l’a condui- te à s’engager aux côtés de Médecins sans Frontières, mais aussi à assurer l’as- sistance sanitaire sur des émissions de télé-réalité comme Koh-Lanta. d’altitude. Sur place, le confort est sommaire. “Quand je suis arrivée, je me suis dit que je n’y arriverais pas. C’était sale, il n’y avait pas d’eau, pas d’élec- tricité, ça sentait mauvais, l’air était humide. Mais après une bonne nuit de repos, c’était parti, tout allait mieux.”

“J e suis médecin géné- raliste avec une spé- cialité urgentiste et médecine de catas- trophe.” Sandra Deleule est désormais attachée aux ser- vices des urgences de Belfort après avoir fait ses études de médecine à Besançon. À 33 ans, elle n’en serait peut-être pas là si en 1989, elle n’avait pas participé à ce voyage humanitaire au Burkina-Faso organisé par son lycée. Pen- dant ce périple à travers l’Afrique, elle a passé le plus clair de son temps à observer le médecin qui accompagnait l’expédition. De cette première approche est née la vocation pour un métier de contact qui plus tard va l’em- mener dans les campagnes les plus reculées de la Chine aux côtés de Médecins sans Fron- tières (M.S.F.). “J’ai toujours voulu faire de l’humanitaire” dit-elle. Mais de là à tout lâcher pour une mission de plusieurs mois en terre inconnue, tous les jeunes étudiants en méde- cine, aussi attirés soient-ils par l’aventure, ne sont pas prêts à le faire. Sandra Deleule a sauté le pas. Après avoir passé de longues années entre son bureau et les bancs de la fac de Besan- çon pour suivre des études astreignantes et qui finissent “par vous fermer l’esprit” , elle

adaptée à cette campagne où l’on vit par-delà la misère. “Les médecins chinois sont épa- tants. Je n’avais pas envie de rentrer. Je ne me suis jamais senti aussi bien. Pourtant, par- tout où j’étais, il n’y avait aucun confort.” Finalement, Sandra Deleule a trouvé son équilibre loin du rythme trépidant d’une exis- tence d’urgentiste. Elle n’ex- clut pas aujourd’hui de repar- tir pour d’autres missions avec Médecins sans Frontières. Mais dans l’immédiat, si ce n’est pas avec M.S.F. ce sera peut-être avec Média-Médic, une société pour laquelle elle collabore depuis cette année. Cette structure assure l’as- sistance sanitaire sur des émissions de télé-réalité. Cet été, sur votre petit écran, vous avez peut-être aperçu Sandra Deleule dans l’émission Koh- Lanta. Elle est partie un mois en Nouvelle-Calédonie pour les besoins du jeu. “Je gérais l’assistance médicale pour une centaine de personnes, qu’il s’agisse des techniciens où des participants à l’émission. C’était très différents de l’hu- manitaire.” L’expérience est aux antipodes de son voyage en Chine. “Franchement, dans ce métier, je m’éclate, mais c’est presque un peu trop speed. ” O T.C.

Un des objectifs de la mission de M.S.F. était de for- mer des village doctors (médecins au pied nu)

d’autres latitudes. “J’avais dit à M.S.F. que je leur accordais six mois de mon temps. L’organisation m’a

“Franchement, dans ce métier, je m’éclate.”

capable d’aller vacciner et pro- diguer les premiers soins aux personnes isolées dans la cam- pagne. Mais au quotidien, il faut gérer la tuberculose, une flopée de maladies tropicales, des cancers, le S.I.D.A. Il faut s’adapter, trouver les moyens de contourner la bar- rière de la langue. “Au début, on a aucun repère.” Mais le travail se fait. “Ce que j’aime dans l’humanitaire, c’est qu’on ne pratique pas que de la méde- cine. Il y a toute une infor- mation à mettre en place pour expliquer l’importance de l’hy- giène par exemple.” Le quotidien, c’est aussi la pression d’un système qui contrôle tout. “Toutes les com- munications sont écoutées, tous les courriers sont ouverts et les mails lus par les autorités locales” explique-t-elle. Mal- gré tout, Sandra Deleule s’est

envoyé en Chine” raconte San- dra Deleule. Elle restera fina- lement sept mois dans la peti- te bourgade de Danian dans la province du Guanxi. Plus qu’un dépaysement, c’est une gifle émotionnelle et cul- turelle qu’elle reçoit à son arri- vée. Elle découvre dans cette campagne à “9 heures de voi- ture du premier hôpital” , la réalité d’une Chine qui sur- vit. Une image à l’opposé de celle que l’on a de ce pays en passe de devenir une des pre- mières puissances écono- miques mondiales. Les cou- lisses sont moins réjouissantes. Les habitants du Guanxi sont des paysans qui vivent de la culture de la terre. “Ils gagnent 25 euros par an. C’est le prix d’une année d’école pour un enfant” raconte Sandra qui a débarqué dans le petit dis- pensaire du village à 2 500 m

Sandra Deleule a passé sept mois dans une campagne reculée de Chine.

H UMANITAIRE Association des enfants de l’Adrar

Une association de Bouclans pour les enfants mauritaniens Infirmière au C.H.U. de Besançon, Bernadette Multrier se rend ces jours-ci en Mauritanie pour cinq semaines. L’infirmière, fon- datrice de l’association humanitaire des enfants de l’Adrar, apporte avec elle médicaments et ordinateurs pour les écoliers.

S ur la photo, on la voit dans un petit village, quelque part dans la région de l’Adrar au Nord de la Mauritanie, assise à côté d’un garçonnet noir au regard un peu inquiet. Une bel- le histoire pour elle. L’enfant avait mal aux dents, ne vou- lait pas être soigné, par peur des piqûres. “Il était très agres- sif au début. Et puis peu à peu on l’a apprivoisé” raconte Ber- nadette Multrier. L’infirmière du C.H.U. de Besançon est tombée dans l’ai- de humanitaire un peu par hasard, aux détours de vacances. C’était en 2000, dans le Nord de la Mauritanie. “À la fin du séjour, les gens m’ont dit de revenir. Je l’ai fait.” La voix est énergique, Bernadet- te Multrier parle à toute vites- se, pour ne pas perdre de temps. Son agenda est surchargé. À la fin dumois d’octobre, dans quelques semaines, elle s’en- vole pour la Mauritanie. Elle doit y rester cinq semaines. Avec elle, elle emporte les médi-

de l’Adrar” ne se limite pas à l’aide d’urgence. Dans ses bagages, Bernadette Multrier emmène cette fois trois ordi- nateurs et leurs imprimantes, anciennes machines des col- lectivités locales remises à neuf et cédées à l’association à un prix dérisoire. Ils serviront à équiper le lycée de la région, à le relier à Internet. L’asso- ciation aide aussi une jeune femme à monter sa garderie d’enfants, met en place un sys-

caments récoltés par l’asso- ciation qu’elle a créée, “les enfants de l’Adrar”, du nom de cette région de Mauritanie, à la lisière du Sahara et du désert, à 500 km de la capita- le du pays, Nouakchott. Avec l’imminence du départ, “je suis un peu stressée” , avoue- t-elle. Les derniers préparatifs doivent encore être réglés, notamment la question de l’acheminement des médica- ments. “On a toujours besoin

tème de parrainage pour permettre à des enfants parmi les plus pauvres de se rendre à l’école. “Les besoins là-bas ne manquent pas” , ajoute Berna- dette. Avec le temps, elle s’est liée d’amitié avec les habitants, “qui l’ont tous bien

de médicaments, des antibiotiques, des antidiarrhéiques. Les enfants mal nourris sont sen- sibles à toutes les maladies. Mais le transport est toujours un problème à cau- se du coût” , affirme- t-elle. Sur le terrain, l’in-

Bernadette Multrier emmène trois ordinateurs et leurs imprimantes.

Ces prochains jours, Bernadette Multrier, 54 ans, infirmière au C.H.U. de Besançon part en mission humanitaire au Nord de la Mauritanie. Avec son association, elle doit mettre en place plusieursprojets concernant l’aide à l’enfance.

ciations sur place, “surtout pour suivre les traitements auprès des enfants” et “permettre une présence permanente sur le ter- rain.” Mais “notre but, ce n’est pas de rester longtemps. C’est au contraire que l’on n’ait plus besoin de nous, que les gens sur le terrain soient acteurs” , affir- me Bernadette Multrier. O S.D.

de présence sur le terrain, voit enfin ses projets se concréti- ser. Et les projets justement, elle n’en manque pas. Dans cette région désertique, aux besoins immenses, les O.N.G. sont pré- sentes de façon sporadique, au gré des campagnes de vacci- nation des uns et des autres. L’infirmière rêve de coordon- ner l’action des différentes asso-

du cabinet de consultation aux patientes.” Mais il a aussi fal- lu apprendre à négocier, à s’adapter à un autre rythme. “Il ne faut pas avoir l’esprit européen, et être patient. De toute manière, le temps tra- vaille pour nous. Il faut répondre aux réels besoins des gens et ne pas faire ce qui nous ferait plaisir” , reconnaît l’in- firmière, qui après quatre ans

accueillie.” Il y a ce garçon des rues, qui la suit comme son ombre dès qu’elle arrive dans la ville et “prend son rôle très au sérieux. Il ouvre la porte

firmière de Bouclans fait le tour des campements de nomades pour prodiguer pre- miers soins et cours d’hygiè- ne. Et l’association des “enfants

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