La Presse Bisontine 59 - Octobre 2005

L’ÉCONOMI E

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T HISE Des menaces de licenciements Transports Valnet : “En ce moment, nous roulons à perte”

Avec la récente flambée du prix des carburants et des conditions de travail et de concurrence devenues féroces, l’entreprise dirigée par Fernand Valnet a vu sa rentabi- lité chuter ces derniers mois. Son dirigeant tire la son- nette d’alarme et tente de limiter les dégâts actuels.

L a Presse Bisontine : Quelles sont les conséquences directes des hausses successives du prix du gasoil sur votre activité ? Fernand Valnet : Nous avons une flotte de 30 camions. Chaque camion fait environ 10 000 km par mois. Pour faire tourner les 30 camions, il nous faut 80 000 litres de gasoil par mois, soit près d’un million de litres par

Luxembourg en profitent pour faire le plein là-bas, ce qui chan- ge déjà pasmal de choses. Nous sommes en cemoment dans une concurrence atroce. Certains transporteurs locaux passent chez mes clients pour essayer de les attirer en cassant les prix. Il n’y a pas assez de solidarité dans la profession. L.P.B. : Comment gérez-vous la concur- rence sur le plan européen ? F.V. : C’est impossible. Nous nous différencions par le service que nous apportons à nos clients, notre proximité, la qualité de nos prestations. Pour le reste, nous ne luttons pas à armes égales. Un chauffeur polonais coûte à son employeur 500 euros par mois, charges comprises. À titre de comparaison, un chauf-

janvier et le 30 avril 2005, nous avons enregistré précisément 39 580 euros de pertes. Alors que l’activité est en augmen- tation depuis l’année dernière. Au 30 avril 2004, le chiffre d’af- faires annuel de l’entreprise était de 907 000 euros. Au 30 avril dernier, le bilan annuel s’élevait à 952 290 euros de chiffre, une hausse de plus de

an. Sur les trois der- niers mois, le poste gasoil a subi une augmentation de 48 000 euros pour nous. Il y a deux ans, le gasoil était à 0,60 euro le litre (hors taxes), il est

45 000 euros, soit 21 %. Mais les charges liées au poste gasoil ont tout plombé. L.P.B. : L’équilibre de votre entreprise est en danger ?

“Il n’y a pas assez de solida-

rité dans la profession.”

Fernand Valnet, 57 ans, se donne encore

avant de revendre son entreprise, ou de

louer ses locaux pour une autre activité.

ce est une des plus strictes, notamment sur le temps de tra- vail. Un chauffeur portugais fait 70 heures par semaine. Chez

aujourd’hui à 0,90 euro. Entre le 1 er janvier 2005 et le 9 sep- tembre 2005, le prix du gasoil a augmenté de 18,50 %. L.P.B. : Avez-vous des possibilités de réagir ? F.V. : Dès le mois de mars, nous avons réussi à répercuter les hausses à hauteur de 4 %, ce qui est largement insuffisant. Pour s’en sortir, il faudrait aug- menter nos tarifs de 7 à 8 %, c’est impossible d’imposer cela à nos clients. En ce moment, nous roulons à perte. L.P.B. : Vous voulez dire que vous perdez de l’argent quand vos chauf- feurs sont sur la route ? F.V. : Exactement. Entre le 1 er

F.V. : Soit il faut que nous fas- sions moins de kilomètres, soit il faut rentabiliser les lignes. Nous en sommes à essayer de supprimer des parties sur auto- route au profit des routes natio- nales sans péages. Car le coût de l’autoroute représente tout demême 4,53%de notre chiffre d’affaires, c’est loin d’être négli- geable, même si le poste gasoil représente à lui seul 21 %. Si ça continue sur cette pente, nous finirons par être obligés de licen- cier. L.P.B. : Vos collègues sont dans la même situation ? F.V. : Certainement, à la nuan- ce près que certains qui ont des agences en Belgique ou au

nous, un chauffeur ne peut pas faire plus de 9 heures de conduite par jour. Exemple : un de mes chauffeurs part sur Toulouse vers 14 heures. après 9 heures de route

feur français est payé environ 2 500 euros, auxquels il faut ajouter autant de charges, soit 5 000 euros au total. Le pire, c’est que des transporteurs de la région, ceux

“Un chauffeur polonais coûte

500 euros par mois.”

(entrecoupées de pauses), il est obligé de dormir et arrive là-bas le lendemain. Il continue à rou- ler, mais ne pourra pas forcé- ment tout charger le jourmême car après 16 heures, il n’y a plus personne pour réceptionner. Il est donc souvent obligé de repas- ser une nuit sur place. Il char- ge mais ne peut pas remonter directement car il est obligé de faire une pause. Au final, tout ce temps immobilisé coûte très cher et nous pénalise par rap- port aux autres pays. L.P.B. : Le gouvernement semble avan- cer, notamment avec l’annonce d’une augmentation des dégrèvements de taxes ? F.V. : Ces dégrèvements de taxe professionnelle étaient d’envi- ron 300 euros par camion, ils devraient passer à 1 000. Le problème, c’est que cela ne concerne que les petits tonnages, les camions de 7,5 tonnes. Sur mes 30 camions, un seul fait 7,5 tonnes ! Les autres sont tous de 21 et 38 tonnes, et ceux-là ne sont pas inclus dans la mesu- re. Pourtant, le transport aurait vraiment de l’avenir dans notre pays, mais encore faut-il lui lais- ser les moyens de vivre. O Propos recueillis par J.-F.H.

qui ont une antenne à l’étran- ger, emploient désormais des chauffeurs polonais pour faire du transport en France ! Il n’y a plus de règle, c’est aberrant. L.P.B. : Vous n’êtes donc pas sur un pied d’égalité ? F.V. : La réglementation enFran-

L’entreprise a plusieurs hangars destinés notamment au stockage de la marchandise pour leurs clients. Zoom L’entreprise Valnet en bref

régulières spécifiques. Val- net travaille essentiellement pour l’industrie et l’agro-ali- mentaire. Son plus gros client, qui représente aujourd’hui 60 % de l’activité, est le grou- pe Guillin Emballages à Ornans. L’entreprise fami- liale n’ayant pas de repre- neurs après Fernand l’actuel dirigeant, elle pourrait être reprise par un groupe, d’ici 5 ans. “À moins que nous soyons obligés d’arrêter avant, si la situation empire enco- re” déplore le responsable.

La société a été fondée en 1946 par le père de Fernand Valnet. Installée à Rigney, elle s’est installée en 1978 à Thise, sur la route de Mar- chaux, dans les anciens entre- pôts Cédis. Deux entités dis- tinctes appartiennent à la société Valnet : Transports Valnet et Franche-Comté Transfret, une société d’af- frètement. L’entreprise Trans- ports Valnet emploie 30 sala- riés dont 25 chauffeurs qui sillonnent toutes les régions de France avec des lignes

La société Valnet dispose d’une flotte de 30 camions, dont la plupart sont équipés de semi-remorques.

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