La Presse Bisontine 58 - Septembre 2005

R ÉACTION Un franc-maçon se confie “Ne pas mettre du secret là où il n’y en a pas” 12 LE DOSSIER Le Bisontin Philippe-Jean Bohl est franc-maçon. Il fait partie de “la Réelle fraternité”, l’une des 12 loges de la capitale. À visage décou- vert, il a accepté de témoigner pour La Presse Bisontine de ses moti- vations et des raisons qui l’ont poussé à devenir “frère”.

L a Presse Bisontine : Comment devient-on franc-maçon à Besançon ? Philippe-Jean Bohl : Les gens qui veulent devenir francs-maçons se portent volontaires. Mais en général, c’est par cooptation ou par connaissance interposée qu’on le devient. Le critère prin- cipal d’admission est l’honnê- teté morale et intellectuelle. Les gens qui entreraient en loge pour des raisons intéressées ou douteuses n’y restent pas car ils ne s’intègrent pas. En ce qui me concerne, je suis francs-maçons depuis une quin-

zaine d’années. J’ai été le “véné- rable” de ma loge à plusieurs reprises. Avant son initiation, il y a un entretien devant un

qui entoure les nom des francs- maçons ? P.-J.B. : Il n’y a pas d’obligation de secret dans ce domaine mais la plupart des obédiences recommandent en effet de ne pas dévoiler l’identité des maçons. On ne doit pas révé- ler le nom des frères car on sait que ça a pu par le passé, cau- ser pas mal de souci aux maçons. Ceci dit, il ne faut pas mettre du secret là où il n’y en a pas. O Propos recueillis par J.-F.H.

maçonnerie ? P.-J.B. : Grâce aux travaux qu’on y fait, à la discipline liée au rituel, tout cela se traduit à

l’extérieur par une certaine forme de rayonne- ment, un

jury. L’impétrant, yeux bandés, est alors sous le feu des questions. C’est un exercice un peu pénible

“La franc-maçonnerie, une certaine élévation d’âme.”

comportement plus noble, une certaine élévation d’âme. Je l’ai constaté chez beaucoup de frères. L.P.B. : Ne pensez-vous pas qu’il serait plus sain de lever le secret

pour certainsmais qui est indis- pensable. Être franc-maçon demande de la patience, de la persévérance et une grande motivation.

Philippe-Jean Bohl, franc-maçon depuis une quinzaine d’années : “Pourquoi camoufler son appartenance quand on n’a rien à cacher ?”

L.P.B. : Que vous apporte la franc-

I NTERVIEW Membre du conseil de l’ordre du G.O. Michel Delanoë : “Nous sommes dans une société déboussolée”

L a Presse Bisontine : Comment est structuré le Grand Orient de France ? Michel Delanoë : Il est composé de trois organes importants. Le convent, d’abord, constitué d’un délégué de chaque loge (il y a 1 200 loges duG.O. en Fran- ce et à l’étranger). Le prochain se réunit fin août. C’est en quelque sorte l’assemblée géné- rale statutaire duGrand Orient qui détient notamment le pou- voir de contrôler le conseil de l’ordre, deuxième organe, dont je suis un des 35 membres élus. Le conseil de l’ordre est l’organe exécutif et adminis- tratif de l’obédience. On super- vise notamment la création des nouvelles loges. Enfin, il y a les congrès régionaux qui déterminent les orientations régionales du Grand Orient. L.P.B. : Le conseil de l’ordre dis- pose d’un bureau, comme toute association ? M.D. : Ce bureau exerce les fonctions administratives. J’en suis le grand secrétaire géné- ral adjoint. Le président est le grand maître de la loge, réélu tous les ans. (N.D.L.R. : le nouveau grand maître du G.O. est Gérard Pappalardo. Le précédent, Bernard Brand- meyer, a été désavoué par ses pairs au cours de son deuxiè- me mandat d’un an, pour man-

Le Bisontin Michel Delanoë est actuelle- ment le grand secrétaire général adjoint du Grand Orient de France, la principale obédience maçonnique française. Il nous éclaire sur le fonctionnement interne de cette fédération riche de 47 000 membres.

est remboursée 72 euros. On nous paye aussi les déplace- ments et les repas (25 euros maximum). Tout cela sur jus- tificatif. Comme dans la plu- part des associations, il y a une totale interdiction de rémunération pour les diri- geants. L.P.B. : Le G.O. gère un gros parc immobiler ?

L.P.B. : Les francs-maçons disent faire le bien, notamment à travers des dons aux œuvres. Qu’en est-il réellement ? M.D. : Dans chaque loge, il y a un frère dit “hospitalier” qui recueille des dons, fait la quê- te à la fin des tenues avec ce qu’on appelle “le tronc de la veuve”. La plupart du temps, c’est pour des œuvres carita- tives. Tous les ans par exemple, on fait un don aux Restos du Cœur. D’ailleurs, les œuvres nous sollicitent régulièrement. L.P.B. : La franc-maçonnerie ne serait pas un peu en panne d’idées ? M.D. : C’est en partie exact. Nous sommes dans une socié- té déboussolée où les gens ne savent plus à quel saint se vouer. Forcément, la franc- maçonnerie est à l’image de la société dans laquelle elle se trouve. Il y a en France une crise générale de la pensée et de la réflexion, c’est indéniable. Mais en même temps, les tra- vaux restent de très grande qualité. Et ceux qui disent que la franc-maçonnerie est en panne d’idées sont ceux qui souhaiteraient qu’elle se posi- tionne dans le débat politique. Or, ce n’est pas son rôle. O Propos recueillis par J.-F.H.

quements constatés en matiè- re de gestion). L.P.B. : Il semble y avoir de vrais conflits d’intérêts au niveau natio- nal. On est bien loin des idéaux maçonniques ! M.D. : Je le reconnais. Faire partie de la direction du G.O., c’est un poste prestigieux. Cer- tains d’entre nous ont le goût

des honneurs et des récompenses. Les ambitions per- sonnelles, l’orgueil, tout cela existe chez nous comme ailleurs, c’est humain.

M.D. : Les choses sont très claires. Le G.O. a une filiale à 100 %, la Sogefim, qui est effet propriétaire d’un important patrimoine immo-

“Les ambitions personnelles, l’orgueil, tout cela existe.”

bilier dans toute la France, dont 3 immeubles à Paris. Mais nous ne faisons pas de spéculation. Tous ces immeubles sont les bâtiments qui abritent les temples. L.P.B. : Comment évitez-vous les dérives ? M.D. : À l’intérieur de l’ordre, il y a une justice organisée, sur trois niveaux, depuis le niveau local. Si un frère com- met quelque chose de contrai- re à notre éthique, il peut être traduit devant la justice maçonnique. Nous excluons sur le plan national, une cen- taine de frères par an.

L.P.B. : Et l’argent dans tout ça. Avec un budget annuel qui avoisine les 10 millions d’euros, comment est géré le G.O. ? M.D. : Le budget du G.O. est composé d’une partie des 350 euros de cotisation annuelle que les frères payent à leur loge. Pour ce qui est des dépenses, le Grand Orient doit payer le salaire d’une qua- rantaine de personnes tra- vaillant au siège de l’obédience à Paris (secrétaires, gardiens, etc.). Les membres du bureau ne sont pas payés, ils sont jus- te défrayés. L.P.B. : À quelle hauteur ? M.D. : Une nuit à Paris nous

Au sol du temple bisontin, le “pavé mosaïque”.

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