La Presse Bisontine 58 - Septembre 2005

DOSSIER

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Textes Jean-François Hauser

Photos Denis Maraux

La franc-maçonnerie bisontine lève un coin du voile

La franc-maçonnerie suscite toujours les fantasmes les plus débri- dés. Elle intrigue, elle fait peur ou fait sourire, elle ne laisse jamais indifférent. Définie comme une société philosophique et phi- lanthropique ayant pour objets la recherche de la vérité, la pra- tique de la morale et de la solidarité, elle dit travailler à l’amé- lioration morale et matérielle de la société. Vaste programme. Qu’en est-il vraiment ? Pour la première fois, les francs-maçons bisontins ont accepté de lever une partie du voile qui entoure ce mouvement de pensée qui sort du cadre traditionnel de l’or- ganisation politique, spirituelle ou associative française. Com- ment sont organisés les francs-maçons de Besançon, quelle est la nature de leurs “travaux”, où se réunissent-ils ? La Presse Bisontine a tenté de percer ce qui pour beaucoup de “profanes” relève d’un grand mystère. Et si la franc-maçonnerie ne déte- nait finalement pas tous les pouvoirs qu’on lui prête ?

P OUR MIEUX COMPRENDRE Qu’est-ce que la franc-maçonnerie ?

O RGANISATION 70 membres dans la principale loge La franc-maçonnerie bisontine est très active Leur nombre est estimé à environ 500 “frères” et “sœurs” à Besançon, répartis en une douzaine de loges différentes. La tradition maçonnique bisontine remonte à plus de 300 ans.

A ujourd’hui, la franc- maçonnerie se définit comme un ordre initia- tique au sein duquel se trans- met un rite, s’appuyant sur un

c’est quelque chose que l’on n’ar- rive pas vraiment à cerner” ajoute un autre “frère” bison- tin. AuMoyen-Âge, le mot “maçon”

L e chiffre peut sur- prendre pour le “non ini- tié”. Il existe à Besan- çon une douzaine de loges maçonniques différentes qui regroupent plusieurs centaines de membres, près de 600 selon nos estimations. Ces loges sont réparties en plusieurs obé- diences (fédérations). De la principale obédience française, le Grand Orient de France, dépendent trois loges (ou ateliers) à Besançon. La première est la plus ancien- ne. Son nom à rallonge - “Sin- cérité, parfaite union et constante amitié réunies” - s’explique par le fait qu’elle soit née de la fusion entre deux loges au XIX ème siècle. Deux autres loges dépendent donc du Grand Orient (G.O.) : “Fra- ternité 1877” et la loge “Proud- hon”. Deuxième obédience représentée à Besançon : la

désignait les ouvriers bâtisseurs de cathé- drales. Ils allaient alors d’un chantier à l’autre et se faisaient reconnaître par des mots et des signes que seuls eux maîtri- saient. Vers le XV ème

ensemble de symboles qui ont pour but d’éveiller en chaque initié, à partir d’un objet ou d’une repré- sentation matérielle, une idée qui l’aide à avancer, à cheminer intérieurement. Cet-

Elle n’a pas d’objectif matériel et concret.

te amélioration intérieure, le franc-maçon est censé la trans- poser à l’extérieur, par des actions bienfaisantes ou contri- buant à l’amélioration de la société. Voilà pour la théorie. Le “secret” qui entoure aux yeux du public la franc-maçon- nerie vient bien de là : que font les francs-maçons en loge, de quoi parlent-ils, pourquoi uti- lisent-ils tant de symboles et font-ils appel à tant de rites anciens ? “Le rituel lui-même est fait pour inclure dans sa pratique une certaine forme de secret. Mais ce n’est pas un secret impénétrable puisque des gens peuvent entrer en loge” justifie un franc-maçon bison- tin. “Le problème de la laïcité, l’émergence de l’islam, la bioé- thique, la question de l’eutha- nasie, ce sont autant de thèmes autour desquels nous débat- tons. S’il y a quelque chose de secret, c’est le rite que nous véhi- culons, les symboles utilisés, les cérémonies d’initiation. La particularité de la maçonne- rie, c’est qu’elle n’a pas d’ob- jectif matériel et concret. Cela justifie certainement le fait que

ou XVI ème siècle, la maçonne- rie dite “opérative” a glissé vers une maçonnerie “spécu- lative”, c’est-à-dire que des groupes d’individus ont com- mencé à se réunir et réfléchir à une société meilleure. C’est à Londres, en 1717, qu’a été créée la Grande Loge d’An- gleterre, première de ce type à travers le monde. Les prin- cipes maçonniques ont été codi- fiés en 1721 dans un document appelé les “Constitutions d’An- derson”, du nom d’un pasteur anglican chargé de les mettre en ordre. C’est un texte qui contient les grands principes maçonniques. En France, c’est au début du XVIII ème siècle qu’apparaissent les premières loges maçon- niques. Aujourd’hui, dans notre pays, on compte envi- ron 120 000 francs-maçons, dont 25 000 femmes. La prin- cipale obédience est le Grand Orient de France, avec 40 000 “frères”. Avec une douzaine de loges, Besançon compte donc aux alentours de 500 francs-maçons. O J.-F.H.

Quelques-uns des principes maçonniques.

milieu maçonnique, de contac- ter les obédiences qui ont leur siège à Paris pour entrer en contact avec une des loges bisontines. Curieuses pra- tiques pour des francs-maçons qui se défendent de cultiver le culte du secret ! Malgré ces obstacles appa- rents pour intégrer ce cercle pas si fermé que cela, la franc- maçonnerie poursuit son expansion sur le plan natio- nal. L’effectif global de 25 000 membres il y a une trentaine d’années, est passé à “environ 45 000” à l’heure actuelle. À Besançon, le nombre de maçons évolue aussi réguliè- rement. Entre 1 et 3 maçons nouveaux sont initiés tous les ans dans chacune des loges bisontines. O J.-F.H.

tines. Pourtant, elles sont toutes organisées sous le sta- tut des associations de type loi 1901. “Pour garantir une certaine discrétion, elles sont enregistrées en préfecture sous un autre nom que leur nom officiel” confie un franc-maçon bisontin. “Pour éviter tout pro- blème, la quasi-totalité des loges ont créé des associations parallèles” précise cet autre franc-maçon bisontin. Exemple d’un “nom d’emprunt” d’une des loges bisontines : le cercle Proudhon humanisme. La seu- le organisation maçonnique “visible” de l’extérieur est la société civile intitulée “la franc- maçonnerie bisontine”, char- gée de la gestion des locaux de la rue Zola. Pour le reste, il est nécessaire lorsque l’on ne connaît personne dans le

grande loge féminine de Fran- ce (composée exclusivement de femmes) dispose d’une loge à Besançon composée d’une trentaine de “sœurs”. La loge

la plus représentée de toutes est la loge “Sincérité”, la plus ancienne de la place, avec “environ 70 ins- crits actuellement.” Sa création remonte à 1764. Tout ce petit monde se réunit à

Grande Loge de France (G.L.F.), regroupant deux loges différentes : “la Réelle fraternité” et “Connaissance et pro- grès”. La Grande Loge Nationale Fran- çaise, troisième obé-

Enregistrées en préfecture sous un autre nom.

tour de rôle dans un seul et même endroit à Besançon : le temple maçonnique situé à l’angle des rues du Lycée et Émile-Zola. Si leur temple a pignon sur rue, aucune de ces loges maçonniques n’apparaît dans les annuaires, fût-ce même celui des associations bison-

dience présente à Besançon, totalise deux loges. Autre obé- dience : la grande loge tradi- tionnelle et symbolique Opé- ra, dispose d’un atelier à Besançon. Le Droit humain mixte international (obédience mixte) a deux loges dans la capitale comtoise. Dernière obédience représentée : la

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