La Presse Bisontine 56 - Juin 2005

UN QUARTI ER À L’HONNEUR

par T.C.

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Le commerce vous va si bien ! Tout le long de la rue Battant s’égrènent les commerces indépendants en tout genre. Aux numé- ros 95-97, se trouve une des plus vieilles enseignes de la ville : les chaussures Mouillebec. P ORTRAIT Chaussures Mouillebec En passant par… Battant

Brigitte Mouillebec est la dernière du nom à assurer la pérennité du magasin.

L e commerce est une des particularités de la rue Battant qui en compte une centaine. Mais à la différence du centre-ville, enva- hi par les franchises et les enseignes nationales, les pas- de-porte sont ici indépendants. C’est suffisamment rare pour être signalé. “Nous sommes les derniers Indiens” lance Christian Mourey, président de l’association des commer- çants de la rue. On trouve de tout à Battant ! Il suffit d’arpenter la chaus- sée pour en attester. Maga- sins vestimentaires, modèles r édu i t s , car t e s po s t a l e s anciennes, informatique, jeux vidéos, meubles design , chaus- sures, métiers de bouche, musique, kebab, l’ensemble

des passants s’exclamer devant la vitrine “Oh Mouillebec, ça existe encore, c’est là que je venais acheter mes chaussures quand j’étais jeune.” Ce magasin a traversé l’his- toire du quartier. Il était déjà là quand Battant était habi- té par de grandes familles. Il a vu l’époque où les vieux dis- cutaient sur leur pas de por- te, et lançaient des bonbons aux gamins qui les aidaient à rentrer leur chaise dans leur appartement. Quand “Titine”, “Tajule” et “Négus”, “les S.D.F. de l’époque” animaient la rue. Battant était un village. Mais l’épopée Mouillebec risque de s’arrêter là. Brigitte, un jour prendra sa retraite, et pour l’instant dans la famille, il n’y a pas de repreneur. O

n’a pas mangé la consigne. Épaulée depuis 8 ans au maga- sin par Michel, toute sa vie elle s’est rendue disponible pour la clientèle. “La boutique c’est ma vie, mais c’est aussi un aiguillon, car même si par- fois on est moins motivé pour aller au travail, il faut quand même être présent” et rester d’humeur constante. L’aventure Mouillebec n’au- rait sans doute pas duré jus- qu’ici sans une qualité de pro- duit et un respect du client. C’est une des recettes du com- merce indépendant. Des géné- rations d’enfants qui sont deve- n u s p a r e n t s p u i s grands-parents sont venus se chausser dans ce magasin du haut de la rue Battant. Bri- gitte sourit quand elle entend

te avec ses deux sœurs. Mais c’est elle qui prendra la suite de son père Robert. Lui était ébéniste de formation avant d’être un vendeur de chaus- sures. L’homme devait même intégrer l’école Boulle à Paris, mais la guerre en décidera autrement. Cela ne l’empê- chera pas de s’adonner à sa passion pour le bois. En 1949, il refera dans ce matériau la devanture extérieure du com- merce qui n’a pas changé depuis, et des meubles qui agrémentent l’espace de ven- te. Le style semble indémo- dable. “C’est mon père qui m’a appris les rudiments du métier. Je me souviens qu’il écrivait chaque jour en haut de mon carnet de travail “le client d’abord.” Brigitte Mouillebec chacun pourrait y trouver un espace d’expression. Dans cet- te idée, on perçoit un peu de ce que fut la raison d’être du 6, à la différence près que ce futur outil “a le mérite de n’ap- partenir à personne. Alors que le 6, tout le monde cherchait à se l’approprier. Cette fois- ci, chacun pourra s’impliquer comme il le souhaite et deman- der par exemple à occuper un espace de façon temporaire.” Les acteurs du monde asso- ciatif de Battant devront apprendre à cohabiter dans cet espace mutualisable en attendant que la ville s’enga- semble immobilier du numé- ro 6 de la rue de la Madeleine. C’est en tout cas le souhait de la plupart des habitants du quartier. “Les Bains-douches ne sont qu’une opération tiroir” affirme Jean Zerlauth. Une mise en bouche de ce que devrait être demain le futur visage de Battant. ge dans un vaste projet de réhabilita- tion de l’en-

son. Car ici rien ne se perd. “Dans la famille, on ne sait pas jeter” dit-elle en souriant. L’essentiel est de s’y retrou- ver dans ce petit désordre organisé. Sur les murs de son bureau sont épinglées des pho- tos de la rue au début du siècle

forme un joyeux mélange hété- roclite. C’est aussi dans cette partie de la ville que perdu- rent encore les commerces les plus anciens de Besançon. Brigitte Mouillebec est la digne héritière d’un long passé fami- lial. Elle représente la qua-

dernier. Au fond, dans les étagères, sont cor- rectement rangés les classeurs qui témoi- gnent de l’activité de quatre générations de commerçants. Dans la réserve, sont

trième génération à tenir le magasin de chaussures fondé en 1897 par son arrière- grand-père Isidor Requet. Il était sabo- tier aux 95-97 de la rue Battant. Si l’adres-

“Dans la famille, on ne sait pas jeter.”

stockées des chaussures qui correspondent à toutes ces époques. Un vrai musée ! Le destin de Brigitte était tout tracé. Le métier de la chaus- sure, elle est tombée dedans depuis qu’elle est toute peti-

se est toujours la même, le magasin a changé de nom quand “ma grand-mère a épou- sé un Mouillebec.” À l’arrière de la boutique, notre gérante garde précieusement toutes les archives de la mai-

Les Bains-douches passent avant la rénovation du 6 La ville va rénover les Bains-douches pour en faire un espace culturel où se côtoie- ront les associations de Battant. R ÉNOVATION 800 000 euros L a ville de Besançon va investir 800 000 euros dans la rénovation des

taient aussi l’école, tient dans cette initiative municipale un motif de satisfaction. Ce pro- jet va dans le bon sens pour le conseil de quartier dont le “principal cheval de bataille est de promouvoir le dévelop- pement de Battant sous toutes ses formes” annonce son co- président, Jean Zerlauth. La rénovation des Bains- douches devrait contribuer à favoriser les échanges dans ce quartier qui en a besoin. “Battant est à une période charnière. Nous évoluerons favorablement quand nous serons parvenus à y recréer de la vie sociale. ché du dimanche et les cafés avec un point d’ancrage pla- ce Marulaz, génèrent de la vie sociale. En dehors de cela, les gens ont peu l’occasion de se rencontrer” constate Jean Zer- lauth. Une fois réhabilitée, la struc- ture devrait fonctionner com- me un carrefour culturel où Actuellement, seul le mar-

mairie. Le calendrier n’est pas enco- re arrêté. Cependant, l’en- semble devrait être opéra- tionnel “en 2007.” À l’intérieur, “les cabines de douche et de bain vont être détruites, car elles ne présentent de toute façon pas un intérêt histo- rique majeur.” Le monde associatif local qui s’était ému, voire opposé à la fermeture des bâtiments du 6, rue de laMadeleine qui abri-

Bains-douches de Battant fer- més depuis août 2004. Le bâti- ment de 1911, accolé à l’égli- se de la Madeleine, est un des plus emblématiques du quar- tier. La municipalité projet- te de faire de ce lieu fermé au public une “maison pour les animations et un espace d’accueil des associations” confirment les services de la

Jean Zerlauth : “Parvenir à recréer du lien social.”

conseil de quartier “est repous- sé jusqu’aux calendes grecques” et que “Jean-Louis Fousseret botte en touche en réhabilitant d’abord les Bains- douches et laisse pourrir la situation du 6.” Mais la ville a-t-elle les moyens d’une telle ambition ? À l’heu- re où la municipalité est déjà engagée sur la réhabilitation de l’îlot Pasteur, il est impro- bable qu’elle mène de front un projet similaire de l’autre côté du pont Battant. O

Les plus optimistes osent croi- re encore en la transforma- tion du 6 en une sorte de pla- ce de village dynamique agrémentée de commerces et de services, avec des com- munications possibles avec le 11 de la rue Battant. Un idéal, un projet fort et struc- turant pour le quartier. Mais cette fois-ci, on ne parle plus de délais. Les plus pessimistes disent même que ce dossier qui a conduit à la démission prématurée du précédent

“Jean-Louis Fousseret botte en touche.”

Les Bains-douches seront opérationnels en 2007.

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