La Presse Bisontine 56 - Juin 2005

22 REPORTAGE

Récit Solène Davesne

24 HEURES AVEC… L’ armée de terre

Ils font partie du 7 ème bataillon du train de Besançon pour la plupart, sont cuisiniers, mécaniciens, secrétaires… dans l’armée. Même si tous ont suivi une formation mili- taire initiale, ils sont depuis rarement sur le terrain. Au camp militaire de Valdahon, deux sections, sous les ordres du capitai- ne Bertrand, s’entraînent pendant une dizai- ne de jours. L’une dans le cadre de “Pro- terre”, un programme de l’armée qui doit leur permettre d’être opérationnels et d’as- surer des missions de protection. L’autre pour se remettre à niveau.

14 heures : Le petit groupe a pris place, baudrier et corde à la main, devant l’un des bâtiments blanc et rouge - tous identiques - du camp de Valdahon. Ils sont mécaniciens, plom- biers, ou employés de bureaux. Tous sont militaires et appartiennent à des unités de soutien. Depuis le début de la semaine, ils s’entraînent. Manie- ment des armes, endurance physique, manœuvres. Cet après-midi, c’est le parcours d’aguerrissement, une dizai- ne d’épreuves aériennes, avec pont

tive certains. La dernière épreuve est celle dite de l’asperge. “La plus impres- sionnante. Il faut se jeter d’une pla- te-forme dans le vide pour s’accrocher à un poteau à un mètre de distance.” Et avec le vent, la passerelle oscille légèrement. C’est au tour de Stéphane L’Hostis. Le maréchal des logis a le vertige. “Mais parce qu’il est le chef, il ira. Pour prouver aux autres, pour se faire respecter.” En haut, le soldat hésite, recule une première fois, puis se lance.

de singe et tyrolienne. “Pour leur mon- trer qu’ils peuvent repousser leurs limites, faire des choses dont ils ne se seraient pas cru capables” , explique l’adjudant-chef Jean Patrice Battis- ton, l’air rieur. À 50 ans, il travaille dans le service de l’aide social de l’ar- mée, encadre le reste du temps la sec- tion. Il a participé à une bonne par- tie des interventions militaires des années 80 et 90, se souvient encore des montagnes de cadavres du Rwan- da. Il encourage ses hommes, en remo-

Pont de singe, tyrolienne, progression sur des cordes, le parcours d’aguérissement sert à “repousser ses limites”.

Il est 17 h 30, l’entraînement est terminé. Dernière étape de la journée, le nettoyage de l’ar- mement. La section s’est ins- tallée dans le grand dortoir, les uns sur les lits, d’autres autour de l’unique table. Chaque hom- me a son arme propre, réglée à sa vue. Et c’est à lui de l’en- tretenir, entre chaque utilisa- tion. Devant lui, le soldat Kévin Ninforge a déposé les pièces démontées de sonarme etminu- tieusement nettoie les traces de poudre. À 21 ans, le jeune homme s’est engagé il y a un an, “parce que c’était un peu une tradition familiale et puis parce que ça permet de voya- ger.” Au sein de l’armée, il est plombier et “ne se sent pas vrai- ment soldat. Je fais les mêmes choses que dans le civil.” L’am- biance est à la détente. On se raconte les derniers potins, “parce que “Radio armée” c’est terrible. Tout se sait immédia- tement.”

La pièce est obscure. Au fond un écran vidéo géant d’une dizaine de mètres de long. On devine des tireurs, allongés sur le sol ou à genoux, arme aux poings, aux aguets. Pen- dant que la première section joue aux acrobates sur le par- cours d’aguerrissement, l’autre s’entraîne au tir, grâce au jeu vidéo. Au signal, la vidéo démarre, comme un jeu de guerre classique, avec ses enne- mis à dégommer. “L’intérêt, c’est qu’il faut que le groupe arrive à se coordonner, pour se répartir les cibles, les sec- teurs de terrain. Que tous ne tirent pas sur le même point, mais s’organisent” , commen- te l’adjudant-chef. À la fin de la séance, l’ordinateur calcu- le les performances de chacun. Pas très brillantes. “De toute manière, ce genre d’entraîne- ment ne suffit pas. Rien ne rem- place le champ de tir, avec des armes réelles.

Pour s’entraîner ses soldats au tir, l’armée utilise des jeux vidéo.

Le soldat Kévin Ninforge nettoie son arme. Chaque soldat possède son propre matériel et est res- ponsable de son entretien.

acquises au long de la semaine et mesurer la progression. Tout au long du parcours d’une quinzaine de kilomètres, à l’intérieur du camp immense, cinq stands ont été répartis : connais- sance de l’armement, de la mécanique, de la topographie, des techniques de combat… “C’est rare pour eux d’avoir une arme en main. Alors on vérifie ce qu’ils savent. C’est censé être des automatismes” , explique l’adjudant-chef Jean- Paul Calais, qui tient le premier stand, sur les armes, et tend à chaque soldat un ques- tionnaire sur le sujet. Un groupe de soldats, qui vient de terminer l’épreuve, repart. Ils ont le visage maquillé couleur treillis, pour se camoufler. C’est le groupe du président des engagés volontaires, le caporal-chef Groux, “la nurse des soldats. Là pour les aider quand ils ont des problèmes d’argent. Ou pour faire le lien avec les supérieurs, surtout pour les plus jeunes, lorsque des jours d’arrêt tom- bent” , s’amuse-t-il.

“Pour un entraînement, c’est assez calme, explique le capitaine Emmanuel Bertrand. Ça peut être beaucoup plus intense, avec des cours théoriques le soir. Mais là, on ne veut pas les fatiguer.” Après le dîner, dans un han- gar pour “habituer les cuisiniers à travailler avec une roulante” , c’est quartier libre pour les soldats. Le mess, au centre du camp, devient le lieu de détente où on se retrouve, autour d’un verre. Après huit semaines de formation depuis sep- tembre, la section Proterre fait la fierté du capitaine. “Les gars sont crédibles. Il leur manque juste un peu de confiance en eux. Et on est les seuls, à Besançon à être allé jus- qu’au bout. Car pour une question d’organi- sation, ce n’est pas facile de retirer du per- sonnel des différents services.” Lendemain matin, 9 h 30. Au programme, un “rallye” pour vérifier les connaissances

Le soir, après l’entraîne- ment, c’est au mess que se retrou- vent tous les soldats.

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online