La Presse Bisontine 55 - Mai 2005
SPORT
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F OOTBALL Arbitre, un “métier” à risque La ligue de football prêche le fair-play pour retrouver ses arbitres
L’arbitrage est victime d’une baisse des vocations. Même aux niveaux les plus modestes, la violence et l’intolérance ont envahi les stades. Analyse du phénomène.
çon, un footballeur avait boxé un arbitre au début de la saison et lavait menacé de mort. Léquipe a depuis été rétrogradée, le joueur interdit de stade. Mais ce qui sest passé reste heureusement un cas isolé dans son importance. Les coups sur les arbitres sont hyper rares. Mais cela nous a surpris car on avait limpression que la situation allait plutôt dans le bon sens , affirme le président du district de Besançon, Jean-Marie Coppi. Selon de nombreux observateurs, la tension sur et autour du terrain est en augmentation. Une violence de la part des joueurs, des dirigeants aus- si parfois. On a senti une évolution, surtout chez les joueurs jeunes. Ça peut être tendu, surtout pour les
Quand Barthez fait ce quil fait, sil nest pas sanctionné, comment vou- lez-vous expliquer après le fair-play et le respect à un gamin , sénerve Denis Sire, le président du football club du Val du Haut-Doubs. Lui sin- quiète de la montée de la violence, surtout chez les plus jeunes, entre 15 et 18 ans. Depuis trois ans, la ligue de football a pris le problème à bras le corps. Elle a mis en place des classements de fair-play pour encourager les équipes les plus sportives vis-à-vis des adversaires et de larbitre et des sanctions plus sévères pour ceux qui se montrent agressifs. Le barème des pénalités infligées a été doublé par rapport aux critères de la fédération
P our le Bisontin Sébastien Favre, son dernier match, samedi soir, a été chaud. Et pourtant, cet arbitre qui exerce depuis 11 ans a lexpérience. Jai tout de même distribué 7 car- tons jaunes et 2 rouges en une ren- contre. Ils ne comprennent même pas quand on met des avertissements , explique-t-il. Lan dernier, un joueur, qui sétait mis la pression tout seul lui avait craché dessus. Dès la première mi- temps, cétait tendu. À la pause, il a déjà essayé de venir me voir dans le vestiaire. Mais son dirigeant la repous- sé. Puis à la seconde mi-temps, il na pas voulu quitter le terrain malgré un carton rouge. Il a essayé de mat- traper au col, puis ma craché des- sus. Le joueur violent a pris trois ans de suspension. Et même sil aime larbitrage parce que ça offre une autre vision du jeu , Sébastien Favre avoue après cela quil na plus trop eu envie de continuer. Mais il faut retourner tout de suite sur le terrain, sinon on ny arrive plus. Noms doiseaux et insultes contre larbitre, menaces, le non-respect de larbitre est une réalité sur tous les terrains, de la Ligue 1 au district. Une violence qui peut parfois prendre des proportions inquiétantes. ÀBesan-
nationale. Parce quil y a trois ans, on sentait que larbitrage devenait diffi- cile sur certains matches et on a voulu montrer aux jeunes quon serait intrai- table , explique Jean Marie Coppi. Prise en compte dautant
arbitres qui débutent , reconnaît Laurent Bosis, arbitre originaire deMyon (canton de Quingey). Mais cette évolution, cest lévolution de la société. Il ny a pas non plus de res- pect pour le juge ou le poli- cier. Il y a aussi le mau-
En cinq ans, leur nombre a dramatiquement chuté.
plus nécessaire de la part de la Ligue que le climat de tension qui règne autour des stades a fini par avoir rai- son des arbitres. En cinq ans, leur nombre a dramatiquement chuté, surtout pour les adultes. Les qua- trièmes et cinquièmes ligues de dis- trict adulte, le bas du classement, jouent toute la saison sans voir un seul arbitre. Et le foot sans arbitre, ce nest plus du foot , assène Denis Sire. ! S.D.
vais exemple offert par la Ligue 1. Laffaire Barthez, accusé davoir cra- ché sur un arbitre lors dune ren- contre amicale, les interviews den- traîneurs ou de joueurs qui remettent directement en cause larbitre. Y en a ras-le-bol de ce foot à la télé. Les commentateurs, les consultants. Tout le monde en a après larbitre. Der- rière son poste, cest facile, on voit mieux les fautes queux sur le terrain. Et les joueurs professionnels ne mon- trent pas lexemple pour nos gosses.
L’arbitre bisontin Sébastien Favre n’a “plus trop envie de continuer.”
P ROPOSITION Inciter les équipes à se serrer la main en fin de match “L’adversaire n’est pas un ennemi, l’arbitre non plus” Ancien footballeur professionnel à Besançon, Jean-Pierre Roset est à la tête de la commission d’éthique de la Ligue de football de Franche-Comté depuis septembre. Dans ses cartons, il a déjà plusieurs propositions, pour que le foot reste une fête.
L a Presse Bisontine : Vous êtes le président de la com- mission d’éthique de la Ligue de Franche-Comté. La com- mission vient juste d’être créée. Quel est son rôle ? Jean-Pierre Roset : Léthique, on en parle beaucoup, cest deve- nu un mot à la mode, en poli- tique, en économie Le foot ny a pas échappé. La com- mission déthique a été créée au niveau national en 1995 par la Ligue, dynamisée par Domi- nique Rocheteau en 2000. En septembre 2004, nous avons créé des comités déthique dans les régions, pour servir de relais. Léthique, cest une philoso- phie. Un match de foot doit être une fête, du bonheur. Mais si on veut que cela soit une réussite, il faut que le jeu se
lorsque pendant unmatch ami- cal, Fabien Barthez, qui est sur la touche va vers larbitre pour lui cracher dessus, ça aus- si ça a des conséquences. Une fois que les jeunes ont vu leur idole, un des joueurs les plus emblématiques de léquipe de France cracher, comment vou- lez-vous que le week-end daprès, larbitre arrive à les tenir et se faire respecter ? L.P.B. : Que pensez-vous de la ten- sion autour des stades ? J.-P.R. : On parle de léthique dans toute la société. Le foot nest pas en dehors, les pro- blèmes de la société se retrou- vent sur le terrain. Mais il y a un minimum. Cest accepter que larbitre se trompe. Tout comme un partenaire peut fai-
première proposition à la Ligue. À la fin du match, les joueurs des deux clubs devront se ser- rer la main avant de regagner les vestiaires, un peu à la manière de ce qui se passe pour les judokas à la fin dun com- bat, ou au hockey. Cela permet de faire redescendre la tension,
fasse dans un cadre bien pré- cis. Ladversaire nest pas un ennemi, larbitre non plus, ce sont des partenaires de jeu. Cest cela léthique dans le foot- ball. Nous serons un peu les sages africains du football. L.P.B. : Concrètement, qu’allez-vous faire ?
Le respect de l’arbitre, ça commence dès le plus jeune âge.
stade. À lamoindre erreurmini- me de larbitre, cest des hur- lements, cela va être complè- tement stigmatisé, monté en épingle. Larbitre est un moins que rien, sa femme le trompe, il est bon pour se faire inter- ner, toutes les insultes vont y passer. Dans un stade, les gens oublient tout, même la bien- séance, cest navrant. Mais le foot est un exutoire. ! Propos recueillis par S.D.
re une mauvaise passe, lar- bitre peut faire une erreur. Il faut comprendre cela, com- prendre aussi quil ny a pas de match sans arbitre. Si ça continue, bientôt, il ny aura plus de foot, on ne pourra plus jouer. Bien sûr, tous les gens se plai- gnent de cette tension. Mais quand ils sont à leur tour dans les tribunes, ils nont plus aucu- ne retenue. Allez au bord de nimporte quel terrain du dis- trict, un dimanche, ou dans un
même quand cela a été dur sur le ter- rain. Et il y en aura dautres. À nous de stigmatiser aussi les erreurs. Quand pendant le match Lyon-P.S.V. Eind- hoven, Jean-Michel
J.-P.R. : Nous allons déjà essayer dexis- ter en dehors des luttes politiques internes au foot- ball. La commis- sion est jeune, on ne connaît pas
“À la moindre erreur de l’arbitre, c’est des hurlements.”
Larqué disjoncte et stigmati- se une erreur darbitrage, cela va valoriser des gestes innom- mables dans toute la France et sur tous les terrains. ÀRabat,
encore nos limites. Mais nous ne voulons pas avoir une exis- tence que virtuelle. Nous navons pas de pouvoir disci- plinaire. Nous allons faire une
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