La Presse Bisontine 55 - Mai 2005

15 LE DOSSIER

T ÉMOIGNAGES Chercheurs d’emploi “Maintenant je veux un travail, n’importe lequel”

Salarié licencié à quelques mois de la retraite, jeune vivant de petits boulots, chacun a sa méthode pour trouver un emploi.

B ernard ne se fait pas trop de soucis. Com- me il avoue dans un sourire, il a “pas mal d’années d’expérience. Ca devrait intéres- ser les recruteurs.” Quarante et une années en tout. À 55 ans, il était salarié dans une société de travaux publics, spécialisée dans des activi- tés très spécifiques, de forage notamment. L’en- treprise amis la clef sous la porte, les dix employés se retrouvent sur le carreau. Ce matin, il est venu pour la première fois à l’A.N.P.E., rue Suard, sur les hauteurs de Besançon, pour s’ins- crire. “C’est la première fois. J’ai commencé à travailler à 14 ans, mais je n’ai jamais eu une période de vide. Je ne pensais pas que cela m’ar- riverait aussi tard.” Pour l’instant, Bernard tra- vaille encore dans son entreprise, “pour faire son préavis. On prépare les machines pour les vendre. On n’est pas obligé, mais les patrons ont été corrects avec nous, alors…” L’A.N.P.E. lui a déjà proposé des offres, mais a un salaire trop bas. Bernard compte en fait plus sur ses recherches personnelles et ses contacts pour trouver. “Honnêtement, onm’a rarement racon- té que quelqu’un avait trouvé grâce à l’A.N.P.E. Et puis, à quoi servirait mon expérience si je ne me sers pas de mes relations ?” Un transporteur, qui avait appris la faillite de son entreprise l’a déjà contacté spontanément. Bernard refusé. “C’était très mal payé.” S’il ne trouve pas ce qu’il cherche, il attendra la retraite. Il ne lui reste qu’un an à attendre avant d’y avoir droit. Thomas, lui, ne peut pas se permettre d’attendre la retraite. Il a 21 ans. Titulaire d’un CAP et BEP enmenuiserie, il cherche depuis septembre un emploi dans cette branche. Sans aucun suc- cès jusqu’à maintenant. Depuis son diplôme, il a enchaîné deux années d’intérim. “En tout, j’ai pu faire deux jours d’intérim depuis septembre. Et je suis inscrit dans huit agences différentes de Besançon. Les entreprises cherchent plus des

gens avec de l’expérience, pas des jeunes. Tout seul, j’ai envoyé des C.V. et des lettres de moti- vations à toutes les boîtes de menuiserie du coin, je n’ai pas reçu de réponses. Ou alors ce n’était pas la bonne réponse” , explique-t-il dépité. Sur l’écran de l’un des deux ordinateurs de l’agen- ce pour l’emploi, Thomas consulte les offres. Il en a pour l’instant retenu deux, une pour un poste demenuisier, sa spécialité. Une autre pour un poste d’agent de nettoyage. “Nettoyage en salle blanche ” précise l’annonce. “Je ne sais pas ce que c’est. Mais je vais tenter. De toute maniè- re, c’est écrit qu’ils prennent des gens sans qua- lification. Maintenant je veux un travail, n’im- porte lequel. C’est trop dur de rester sans rien faire pendant aussi longtemps .” Thomas s’avoue “fatigué.” Hier, il a encore fait le tour des grandes surfaces, pour distribuer son C.V. En attendant de trouver mieux, il distribue les journaux gra- tuits et de la pub dans les boîtes aux lettres, deux fois par semaine. Pour un salaire de 200 euros par mois. Au fond de la pièce un peu exiguë, il y a Natha- lie, la trentaine. Elle n’est pas spécialement venue pour chercher un emploi. Elle prépare le concours de l’école d’infirmière, vient se ren- seigner sur les possibilités d’aide financière pour la formation. Employée dans des laboratoires agroalimentaires, elle enchaîne depuis des années les remplacements d’un ou deux ans dans des sociétés différentes. “J’ai été amenée à démé- nager beaucoup. Et c’est fatigant. Maintenant, j’aspire à un peu plus de stabilité, pouvoir plus construire ma vie, me poser. Et comme il n’y a pas beaucoup d’offres dans le secteur, j’ai choi- si de me reconvertir. Infirmière, il n’y a pas de problème ensuite pour trouver de l’emploi.” ! S.D.

À 55 ans, Bernard vient d’être licencié. Ce matin, il s’est inscrit pour la première fois à l’A.N.P.E.

C RÉATION 400 entreprises artisanales créées chaque année La création d’entreprise reste florissante Depuis deux ans, la création d’entreprise croit à un rythme sou- tenu dans le Doubs. Et bonne nouvelle, les sociétés ont ten- dance à survivre plus longtemps qu’ailleurs.

C OMMERCE Besoin d’étudiants La grande distribution a besoin de managers

D ans le secteur du commerce, c’est la grande distribution qui continue d’être un des secteurs les plus demandeurs en terme d’emploi. “À écouter les dirigeants de la grande distribution, ils ne sont pas eupho- riques sur le panier de la ménagère” , affirme- t-on à Franche-Comté Intérim. “On n’a pas affaire à des besoins énormes, nuance une agence d’intérim. Les demandes les plus criantes concernent les métiers de bouche. Boulangers, bouchers, pâtissiers, il y a très peu de candi- dats. Et la grande distribution ne leur offre pas non plus toujours les conditions de travail ou le salaire recherché.” Autre fonction très recherchée par les hyper- marchés, les managers et chefs de rayons. “On est toujours à la recherche de managers pour tous nos magasins du Grand Est” , explique- t-on à Carrefour. La création de postes ne concerne cette année que les enseignes qui s’agrandissent, comme Décathlon. Pour les autres, les embauches viendront pallier le turn-over important du secteur et répondre à des besoins ponctuels. Carrefour et Géant ne prévoient pas de création de postes. À Carre- four, sur la zone commerciale d’École-Valen- tin, on recrutera “pour des besoins ponctuels tout au long de l’année. Quelques personnes pour la mise en rayon du matériel de jardin, d’autres pour l’alimentaire en été. Et surtout des étudiants pour effectuer des remplacements aux caisses.” !

S i le marché de l’emploi est atone, la création d’en- treprise, elle, se porte bien. À la Boutique de Gestion, une pépinière d’entreprises qui accueille sous son aile les socié- tés naissantes et accompagne

créées sont souvent de petites tailles, elles ne sont pas sans conséquence pour lemarché de l’emploi. “D’autant plus que dans le Doubs, les statistiques concernant la pérennité des entreprises sont bienmeilleures que la moyenne nationale. À cinq ans, 2 nouvelles entreprises sur 3 sont encore en activité, contre une sur deux au niveau national” , reprend Jean-Paul Mussot. Ce qui ne signifie pas pour autant que la création d’en- treprise soit un remèdemiracle au chômage. “C’est une erreur de se lancer dans un projet par dépit, parce qu’on ne trouve pas de travail intéressant. Il faut que ce soit réfléchi, qu’il y ait une vraie envie derrière, sinon les personnes vont droit dans le mur” , prévient l’A.P.E.C. ! S.D.

net, les sociétés étaient à domi- nante informatique. Actuelle- ment, ce sont les firmes demicro et biotechnique qui forment le groupe le plus important. Tout secteur confondu, 600 entreprises nouvelles sont enre-

gistrées au réper- toire des métiers de Besançon, selon la Chambre de métiers. Dont 350 à 400 sont des créa- tions nettes et 150 des reprises de socié- tés existantes. “Sur

les créateurs dans leurs démarches, on a vu le nombre de per- sonnes reçues passer de 700 à plus de 1 000 en seulement deux ans. “Des gens qui ont des idées, il y en a de plus en plus, ce qui ne

2 entreprises sur 3 toujours en vie après cinq ans.

les deux dernières années, la croissance du nombre des créa- tions a été très importante. Le rythme est un peu moins sou- tenu cette année. On n’aurait pas pu tenir à ce niveau de tou- te manière” , affirme Jean-Paul Mussot, le secrétaire général de la chambre de métiers. Et même si les entreprises

veut pas dire que tous mènent le projet à son terme. Il y a des idées mort-nées, des entreprises qui disparaissent au bout de quelque temps” , explique Colet- te Paillard, à la Boutique de Gestion. Dans ses murs, les entreprises hébergées couvrent tous les secteurs d’activité. En 2000-2001, en pleine bulle Inter-

Un secteur en mouvement.

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