La Presse Bisontine 54 - Avril 2005

UN QUARTI ER À L’HONNEUR

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U RBANISME Trois ans de procédure

Il faut sauver la Grange Huguenet Une réserve naturelle en pleine ville : bienvenu au domaine de la Grange Huguenet. Une association de sauvegarde travaille à la remise en état de cette ferme du XVII ème siècle. E SPACE VERT “Les amis de la Grange Huguenet”

Immeuble rue Fanart : début des travaux immiment Une association de riverains se bat depuis trois ans pour empêcher un projet de 90 logements au fond de cette impasse tranquille. Le tribunal administra- tif n’a pas rendu son verdict mais les premiers coups de pioche doivent être donnés.

U n parc de 4,5 hectares au cœur de Montra- pon, l’information peut surprendre l’automo- biliste qui ne connaît du quar- tier que l’intense circulation du boulevard ou les barres d’immeubles deFontaine-Écu. Il existe bienunhavre de paix, avenue deMontrapon, entou- ré d’une longuemuraille. Der- rière les lourdes grilles, une allée qui mène dans une végé- tation luxuriante aupiedd’une imposante bâtisse, ancienne ferme, composée de plusieurs ailes : nous sommes audomai- ne de la Grange Huguenet. Le plus ancien vestige de ces bâtiments est sans doute la citerne et samargelle de pier- re surmontée d’une ferron- nerie duXVI ème siècle. 500 ans d’histoire pour ce domaine qui appartient à la même famil- le depuis 1791. Le gestionnaire de la Gran- ge Huguenet habite dans la région parisienne. Avec son frère, RobertGuillaume adéci- dé de réagir, face à l’état de

décrépitude avancée de ces vastes bâtiments. “Depuis les années 30, cette propriété est en indivision. C’est la raison pour laquelle elle a été très peu entretenue” confie Robert Guillaume. Fort de son intention de ne pas voir péricliter ce joyau du patrimoine bisontin, il a créé il y a tout juste 5 ans, le 26 mars 2000, l’association “Les amis de la Grange Huguenet.” “La maison a été habitée par ma grand-mère jusqu'en 1984. Depuis, il n’y a plus personne. Nous n’y venons qu’aux beaux jours car la maison n’est pas chauffée” précise M. Guillaume. L’as- sociation compte aujourd’hui 360membres. Ouvert lors des journées du patrimoine, ce domaine de 4,5 hectares sert aussi de support pédagogique aux classes de Besançon pour des sorties botaniques et natu- re. Le C.F.A. agricole de Châ- teaufarine y réalise ses tra- vauxpratiques d’élagage. Mais l’association sert avant tout

U ne association de défense s’est constituée en 2002 quand les riverains de l’impasse Fanart ont appris l’existence d’un projet immobilier mené par un promo- teur local, la société B.F.C.A., à proximité de leur lieu d’habitation. Le projet : édifier 90 logements répartis dans quatre bâtiments de 7 étages chacun. Une hérésie selon l’association qui dénonçait le dan- ger lié à la circulation et aux accès à l’impasse. Un recours avait été déposé au tribunal administratif. Deux ans après cette procédure judiciaire, la justice n’a toujours pas tranché. La présidente de l’as- sociation, Agnès Friedmann, est dans l’expectative : “Nous n’avons aucune nouvelle du tribunal. Nous avons juste appris récemment que le permis de construire déposé le 18 juin 2004, valable pour deux ans, avait été prorogé d’un an. Norma- lement, il deviendra caduc en juin

prochain.” Seulement, le service urbanisme de la mairie de Besançon vient de confirmer que “les travaux de l’im- meuble s’apprêtaient à débuter.” Et ce, sans même attendre que le tri- bunal statue sur la validité du per- mis. “Les promoteurs ne sont pas obligés d’attendre que le tribunal se prononce car l’association n’avait pas demandé cette interdiction dans son recours.” Les premiers coups de pioche devraient donc être donnés dans les jours qui viennent. Si le tribu- nal casse le permis, il est peu pro- bable que l’arrêt du chantier soit ordonné et la démolition obtenue. “Je n’ai jamais vu cette hypothèse en 10 ans d’expérience” confie un expert du service urbanisme. Impasse Fanart, quatre immeubles devraient donc sortir de terre. Selon le permis, leur hauteur est de 20,80 mètres. ! Dodane, les grandes heures de l’horlogerie L’ usine a été édifiée par Ray- mond Dodane, illustre per- sonnage de l’horlogerie franc-com- toise originaire du Haut-Doubs. La manufacture Dodane était spé- cialisée dans les chronographes dédiés à l’aviation. Ils équipaient notamment les Mirages de l’Ar- mée française. “C’était la montre mécanique de tous les aviateurs” commente un spécialiste. C’est le frère de Raymond, artiste-peintre à Paris, qui lui fait connaître l’ar- chitecte Auguste Perret, fer de lan- ce des “nouveaux architectes” de l’époque. RaymondDodane aban- donne alors l’idée initiale de construire une usine en pierres de tailles surmontée d’un clocher pour adopter le projet “béton armé” de Perret. Le bâtiment dispose de trois étages, de 325 m 2 chacun. Le rez-de- chaussée abritait l’appartement privé de Raymond Dodane. Au premier étaient réunis les services administratifs, commerciaux et S.A.V., et le deuxième accueillait l’atelier proprement dit. Au rez-de- jardin étaient aménagées des dépendances du logement et les vestiaires du personnel. L’usine Dodane a employé jusqu’à 150 personnes. Dans la cour, deux abris : les garages à vélo des employés côtoyaient le garage (avec carre- lage, chauffage et lavabo) de Ray- mond Dodane où dormaient ses somptueuses et démesurées Cadillac. Ces anciens garages ont été reconvertis en bureaux par Patrick Pelletier. La liquidation défi- nitive de l’entreprise Dodane (repri- se par le fils) a été prononcée au milieu des années 90. Zoom

Selon certains historiens, Louis XIV en personne aurait assisté à la prise de Besançon depuis une fenêtre de cette maison.

à récolter les financements nécessaires aux lourds tra- vaux de rénovation dont a besoin la Grange. “Nous sommes en bonne voie de sau- vegarde, se félicite le pro- priétaire. Le site étant classé aux monuments historiques depuis 2000, nous arrivons à des bons taux de subvention- nement. Toute la toiture côté

Ouest a été refaite récemment. Nous avons déjà engagé 80 000 euros dans ces travaux.” Cette année, une deuxième tranche de travaux sera enga- gée sur un pan de 300 m 2 de toiture. Selon le gestionnai- re des lieux, il faudra encore 20 ans d’efforts avant que la Grange retrouve son lustre d’antan. !

Pour tous renseignements : 06 08 02 58 80

P ATRIMOINE

Un architecture avant-gardiste Usine Dodane : histoire d’un sauvetage

L’ancienne manufacture d’horlogerie est aujourd’hui la propriété d’un privé qui a totalement rénové les locaux et les loue à plusieurs administrations. Il se bat toujours pour sauver ce patrimoine.

L e bâtiment rectangu- laire est une des curio- sités du quartier. Au 7, avenue de Montrapon se dresse un témoin du riche passé horloger de Besançon : l’usine Dodane. Sur le plan architectural, le bâtiment signé Auguste Perret, a été édifié entre 1938 et 1942. Particulièrement avant-gar- diste pour l’époque avec son squelette en béton armé et son toit plat surmonté d’une terrasse, sa conception lui

été squatté : tout était cassé à l’intérieur, les fils arrachés, les portes défoncées, des gra- vats qui jonchaient le sol. J’ai tout de même eu le coup de cœur” se souvient Patrick Pelletier. En concurrence avec l’autre promoteur, Patrick Pelletier réussit à convaincre, son offre est jugée plus intéressante par le liqui- dateur judiciaire, après plu- sieurs mois d’attente. Entre 1998 et 2000, il enga- ge une rénovation intégrale

vaut d’être inscrit à l’inven- taire supplémentaire des monuments historiques. C’est un article paru en 1998 dans la revue de l’association “Renaissance du Vieux Besançon” qui a interpellé Patrick Pelletier, le nouveau propriétaire de l’ensemble immobilier. “J’ai lu que l’usi- ne était sur le point d’être vendue à un promoteur qui souhaitait en faire des loge- ments étudiants. Je suis venu visiter ce bâtiment. Il avait

Au fond de ce jardin à la française, une vaste piscine édifiée par Raymond Dodane. Le fond du jardin aurait été “spolié” à la propriété d’origine.

lisée et quasiment laissée à l’abandon par la Gestrim, lui revienne. Convaincu d’être dans son bon droit et sou- cieux de réaménager inté- gralement le jardin à la fran- çaise, sa piscine et son ancien

de l’ancienne usine, il rava- le les façades en respectant le style et les couleurs d’ori- gine. “Un vrai travail de Romain mais avec un grand bonheur de le faire.” Aujour- d’hui, il loue un étage du bâti-

court de tennis, il attend que la copro- priété voisine se résolve à lui laisser ce bout de terrain qu’elle n’utilise même pas. Patrick Pelletier

ment à la Mutuelle générale, les deux autres sont occupés par la direction régio- nale de l’A.N.P.E. Seule ombre au tableau : la proprié- té qui comprend un

“Un vrai travail de Romain.”

n’aura pas achevé son œuvre de sauvetage tant que la pro- priété Dodane n’aura pas retrouvé son périmètre d’ori- gine. Mais il ne désespère pas de voir la copropriété voi- sine comprendre enfin l’in- térêt patrimonial de sa démarche. !

magnifique jardin - lui aus- si classé - a été amputée d’une partie lors de la vente d’un terrain voisin sur lequel la société immobilière Gestrim a édifié un immeuble d’ha- bitation. Aujourd’hui, Patrick Pelletier se bat pour que cet- te partie du jardin, non uti-

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