La Presse Bisontine 51 - Janvier 2005
L’ INTERVI EW DU MOIS
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Éditorial
P OLITIQUE
Magazine L’Express
Christophe Barbier : “Jospin devient inutile à son parti”
Assurance Il est évident que l’homme a acquis de la confiance. On le remarque d’abord dans la prise de parole. Même si Jean- Louis Fousseret ne sera jamais un redoutable tribun à l’éloquence hors pair, il a pris une nette assurance en trois ans. Renforcé par ce sens du contact qu’il cultive depuis des années, le maire de Besançon n’est plus le même qu’en début de mandat. Même ses détracteurs le reconnaissent. Il est sans doute aussi plus épanoui et à l’ai- se depuis qu’il s’est défait - bien contre son gré - de ses habits de député. Passant l’intégralité de son temps à la ville et à l’agglomération, il a logique- ment approfondi ses dossiers. Il a acquis une certaine maturité après avoir essuyé les plâtres d’une nouvel- le majorité bricolée pendant l’entre deux-tours. Malmené durant les quelques premiers mois de son man- dat, d’ailleurs beaucoup plus par son propre camp que par une opposition toujours bancale, Jean-Louis Fous- seret s’est forgé une nouvelle étoffe. Son récent “oui” à la Constitution euro- péenne, l’affirmation progressive de Besançon sur le plan national (la pres- se hexagonale en témoigne en ce moment) participent de cette séréni- té affichée. Est-ce à dire pour autant que le maire, arrivé à la moitié de son premier mandat, est devenu insub- mersible? Ce serait aller bien vite en besogne. Le danger ne viendra pas pour l’instant de la droite, affaiblie par de lancinantes divisions. Il ne viendra pas non plus de ses amis politiques, dont la plupart devraient lui renouve- ler leur confiance. Avec un départe- ment du Doubs et une région Franche- Comté qui ont basculé à gauche en mars dernier, Jean-Louis Fousseret a désormais toutes les cartes en main pour réussir les dossiers engagés. Le maire de Besançon n’a maintenant plus d’échappatoires. Débarrassé de ses querelles internes avec une par- tie de sa majorité, favorisé par l’ato- nie actuelle de l’opposition municipa- le et porté par la vague régionale rose de 2004, il a tous les atouts pour mener à bien sa politique. Il ne sera donc jugé que plus sévèrement sur son bilan, en 2008, date probable des prochaines municipales. Les échéances électo- rales nationales de 2007 pourraient aussi venir perturber ce bel équilibre qui assure à Jean-Louis Fousseret son actuelle sérénité. ! Jean-François Hauser
Christophe Barbier est le directeur adjoint du magazine L’Ex- press et responsable de son service politique. Il brosse le portrait de l’échiquier politique français à la fin d’une année 2004 marquée par de profonds bouleversements des cartes.
L a Presse Bisontine : Quel bilan politique dressez-vous de cette année 2004? Christophe Barbier: Nous avons eu une année formidable, année en deux temps avec un premier semestremarqué par la sanction des électeurs aux élections cantonales, régio- nales et européennes de la politique conduite par le gou- vernement et le président. Le deuxième semestre qui aurait dû être vide a été passion- nant car ce sont télescopées
C.B. : Les médias préfèrent samuser des querelles de per- sonnes et laisser les problèmes de fond à dautres. Ensuite, les Français savent quune partie des problèmes ne peut être réglée par des hommes politiques. Enfin, la matière concrète gouvernementale est pauvre. Le P.S. était ces temps- ci très occupé avec son réfé- rendum donc nétait pas for- ce de contre-propositions sur les problèmes de fond des Français. Les préoccupations des Français reviendront sur le devant de la scène après le référendum sur la Constitu- tion mais sur la base pro- grammatique dans le cadre des élections présidentielles en 2007, à droite comme à gauche. L.P.B.: Que vous inspire le départ du très médiatique Nicolas Sar- kozy? C.B.: Je pense quil a fait une erreur daller à lU.M.P. Il perd laction, et il a fondé sa légi- timité sur laction. Il perd aus- si le côté au service de tous les Français. Il est mainte- nant devenu le chef dun clan. Il a enfin perdu en activité médiatique car quand vous êtes ministre, vous emmenez les journalistes de la presse nationale et locale. Quand cest un chef de parti qui se déplace, il y a moins de curio- sités, il ne pourra pas faire le même numéro. Il veut pas- ser trois jours par mois dans une région française, mais il sera à lécoute, ce ne sera donc pas le Sarko-show. Je pense quil aurait dû quitter le gouvernement dans quelques mois et ensuite ne prendre aucune fonction, pour penser et travailler sur un programme. Il a commencé à le faire par ailleurs avec
Kahn par exemple a les capa- cités dun homme dÉtat, il a les idées et il est plutôt popu- laire dans le pays, mais pas dans le parti. Fabius a des qualités dhomme dÉtat for- midables, un courant qui le soutient dans le parti mais le pays ne laime pas. Hollande est adoré dans le parti, il pro- gresse beaucoup dans lopi- nion mais il na jamais été ministre. Il faudrait unmélan- ge des 3 pour faire un prési- dentiable cohérent. Le seul qui avait tout, cest Jospin. Mais son retour est compliqué, car il devient inutile à son parti. Ensuite, en 2007, il aura quandmême 70 ans et je sens un agacement chez les militants, avec cet éternel retour. L.P.B.: Quelle sera la stratégie adop- tée par le président Chirac dans les prochains mois? C.B.: Le non au P.S. aurait obli- gé Chirac à changer de pre- mier ministre vite. Le oui du P.S. lui laisse le choix. Selon le début de lannée 2005, si les indicateurs économiques repartent à la hausse, quil ny a pas de conflit social, que Raffarin reprenne du poil de la bête, Chirac peut se dire : Raffarin reste à Matignon sans faire campagne et une fois le référendum passé, je change et jouvre une deuxiè- me phase de mon quinquen- nat. Si les choses sont plus compliquées pour Raffarin au premier trimestre, il faudra changer de premier ministre. L.P.B. : Le président de la Répu- blique est encore relativement absent de la scène de la politique intérieure? C.B.: Dans la première partie de son quinquennat, les affaires intérieures lont peu préoccupé, mais depuis quelques mois, il revient de plus en plus dans les préoc- cupations franco-françaises avec la reprise de ses voyages en province par exemple. Cest un signe. Chirac repartira sur le volet européen avec le réfé- rendum sur la Constitution européenne qui est un élé- ment-clé du quinquennat actuel. Sil est gagné ou per- du, cela change tout. L.P.B. : Les querelles politiques relayées par les médias sont bien éloignées des préoccupations des Français?
trois actualités : larrivée de Nico- las Sarkozy à la tête de lU.M.P., le oui du parti socialiste et la décision de jus- tice dans le pro- cès Juppé. Cet- te année a été
“Hollande est désormais dans le quarteron des présidentiables.”
Christophe Barbier intervient également régulièrement sur l’antenne d’Europe 1.
beaucoup et que lon perd de la distance critique. Enfin, il y a une certaine paresse, une fois que lon a ses sources principales, on ne pense pas à les renouveler. Il faut fai- re leffort de se tourner vers les nouveaux élus qui arri- vent sur la scène politique. Il faut aussi savoir que les hommes politiques sont deve- nus bons dans les interviews. Il y a 15 ans, les hommes politiques ne savaient pas faire, aujourdhui, ils sont formés, entraînés et donc cest plus difficile de les bouscu- ler. Il faut enfin que les émis- sions politiques reprennent un peu de limpertinence qui a été concédée à des Fogiel ou des Ardisson. L.P.B. : Comment vont se posi- tionner dans les prochains mois les forces politiques autre que l’U.M.P. et le P.S. ? C.B. : Il y a une grande ques- tion : Le Pen sera-t-il en état de se présenter en 2007 ? On connaît ses ennuis de santé, il vieillit, il a 4 ans de plus que Chirac, il est né en 1928. Sil se présente en étant
didats qui font moins de 8 % et ceux qui sont au-dessus de 14 %. Il ny a rien entre les deux à lexception de Lajoi- nie une fois avec un score de 8,5 % environ. Comment Bay- rou pourra-t-il passer de lun à lautre ? Il devra produire des idées. Jusquà présent, il livre des analyses, des dia- gnostics. Sil na pas dalter- native centriste avec des pro- positions, il restera à moins de 8 %. Le Parti communiste, cest fini. Les Verts, ils sont tou- jours entre la déchirure, lex- plosion et la normalisation. Le P.S. a besoin des Verts. Lextrême gauche est une hypothèque qui est levée, il ny a pas la place pour une force politique, les élections européennes lont montrée. L.P.B. : Deux dernières questions sur la presse nationale. Elle tra- verse vraiment une crise impor- tante ? C.B.: Il y a une crise de la publi- cité, de la lecture et de lac- tionnariat. On traverse une mauvaise passe. Je pense que le gouvernement devrait se pencher sur ce secteur. L.P.B. : Un commentaire sur le départ d’Edwy Plenel de la direc- tion de la rédaction du Monde ? C.B. : Cest la fin du trotskis- me, cest une famille qui perd les manettes. Ensuite, cest la fin au Monde dune stra- tégie économique qui consis- tait à avaler des titres pour prendre la trésorerie. Ça ne marche pas car cest un puits sans fonds. Cest un départ symbolique mais lessentiel nest pas là, lenjeu est la recapitalisation. Qui va mettre 50 à 60 millions deu- ros dans ce journal ? ! Propos recueillis par E.C.
faste pour certains hommes politiques comme François Hollande qui saffirme com- me un présidentiable, Strauss- Kahn qui a fait un gros tra- vail. À droite, il y a lépanouissement des hommes comme Borloo, Dutreil ou Copé. L.P.B.: Que vous inspire le oui des socialistes au scrutin interne et par conséquent, la défaite de Fabius? C.B.: On na jamais tout per- du en politique lorsquon est soi-disant mort politiquement. Si les Français votent non au référendum sur la Constitu- tion européenne en 2005, Fabius sera à nouveau sur le devant de la scène, car le pays lui aura donné raison. La lar- ge victoire du oui est une défai- te personnelle importante pour lui. Avec un score de 40% pour le non, cest presque humiliant. Les perdants sont également du côté du oui car les soutiens de Hollande com- me Lang, Delanoë, Aubry, Strauss-Kahn et Jospin auraient tous voulu une cour- te victoire. Dans ce cas, ils auraient pu dire à Hollande, heureusement que nous avons été là, et chacun aurait pu tirer la couverture à soi. Avec près de 60 %du oui, cest la victoire de Hollande. Il a eu le courage de faire ce réfé- rendum, malgré les critiques. Cela signifie que lesmilitants, en votant massivement, ont approuvé cette démarche et ont soutenu la position du premier secrétaire. Hollande est désormais dans le quar- teron des présidentiables. Le problème au P.S. est quils ont tous des qualités mais pas toutes celles quil faut. Strauss-
pathétique est quil fait 8-9 % au lieu des 16-17 %, cela change tout. Sil était en plei- ne forme, il ny a aucune raison quil ne fasse pas le même score
un sujet sensible, le communauta- risme. Il a mis un peu le feu, ça remet lattention sur lui, mais il ne pourra pas le fai- re sur tous les sujets.
“Sarkozy a fait une erreur d’aller à l’U.M.P..”
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quen 2002 car il y a toujours autant de problèmes dans le pays. Sil renonce et que der- rière, Marine Le Pen et Goll- nisch se font la guerre, ils nauront aucune chance de faire un score. Bayrou a un but, cest la pré- sidentielle, il fait entre 8 et 11 % dans les intentions. Or si vous regardez les élections présidentielles depuis la V ème république, il y a tous les can-
L.P.B. : On reproche souvent la connivence entre les hommes poli- tiques et les journalistes ? C.B.: Les journalistes se dépo- litisent, il y a de moins en moins de journalistes mili- tants dans les journaux din- formations générales et cest une bonne chose. La conni- vence entre hommes poli- tiques et journalistes vient aussi du fait que lon se voit
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