La Presse Bisontine 48 - Octobre 2004

LE DOSSI ER Ces Bisontins hors du commun 11

LE DOSSI ER G este machinal que celui de tirer une chasse d’eau ou de lancer le programme du lave-vaisselle. Dans ces moments-là, on se soucie bien peu du devenir des eaux usées qui descen- dent dans les tuyaux d’évacuation A SSAINISSEMENT Dans les entrailles de Besançon Ils pilotent un hélicoptère et se rendent au secours des accidentés, ils conduisent avec une précision d’orfèvre une grue de 150 tonnes, ils passent le plus clair de leurs journées dans les égouts de Besançon, ils sont experts en matière de faux bijoux, ils sont détectives privés ou encore patrouilleurs d’autoroute. Ils travaillent le jour, la nuit, souvent dans l’ombre. Tous ont en commun une profession extraor- dinaire ou originale : ce sont ces Bisontins hors du commun. Rencontres. pour se retrouver dans les égouts. Pourtant, il y a tout un monde juste sous nos pieds, dans les entrailles de Besançon. Un monde que Christian Buchin connaît comme sa poche pour l’ar- penter depuis 1977. À 49 ans, cet Sur la trace des égoutiers Le rôle des égoutiers est essentiel dans les procédés d’assainissement de la ville. Pourtant, ces hommes qui vivent sous terre n’ont pas un métier facile. employé municipal est un des res- ponsables de l’entretien du réseau d’assainissement de la ville. Il pas- se une bonne partie de son temps sous terre. Au total, 350 km d’égouts courent sous la capitale comtoise dont 180 sont à taille humaine. C’est dans

te de pavés, ce sont ceux de la rue Chifflet. Bientôt, les deux hommes arrivent sur leur lieu de travail. Ils ont déjà commencé à nettoyer la can- nelure des matières organiques qui l’encombrent et freinent l’écoulement de l’eau. C’est à la pelle et avec une brouette qu’ils déblaient la rigole. Les détritus sont stockés dans des sortes d’appendices qui se situent tout le long du parcours. Régulière- ment, un camion vient aspirer les déchets depuis l’extérieur. Les condi- tions de travail ne sont pas des plus agréables et petit à petit, la profes- sion d’égoutier attire moins de per- sonnel alors que dans les années 70 ils étaient encore nombreux à pous- ser des wagonnets, un peu comme dans les mines, sous les rues de Besan- çon. Tout cela a disparu. Une des réalités du quotidien de ces hommes vaccinés contre la leptospi- rose, ce sont les rats. Tous les six mois, ils subissent un examen médical. “On en rencontre un certain nombre du côté de la rue Bersot. Ces bêtes sont là où se trouvent les restaurants” explique Christian Buchin. Deux fois par an, une société privée procède à une opéra- tion de dératisation du réseau au printemps et à l’automne. “Au bout de deux semaines, on trouve des rats morts.” “Le métier n’est pas facile tous les jours” reconnaît Kévin Galland. Le bon côté des choses, c’est le ser- vice. Parfois, les égoutiers en astrein- te sont sollicités pour aller récupé- rer un trousseau de clefs qu’un passant a laissé tomber dans une bouche d’égout. Il leur arrive aussi de décou- vrir des objets insolites comme une cassette vidéo. Mais à bientôt 50 ans, Christian Buchin s’apprête à prendre sa retraite. Il n’a plus qu’un objectif en tête, “former les jeunes et trans- mettre ma connaissance de ce métier” résolument pas comme les autres. ! T.C.

ces canalisations de plus de 3 m de diamètre pour certaines, où s’écou- lent les eaux de pluie et les eaux usées, que cet homme intervient, accompagné de Kévin Galland, 29 ans, un jeune à qui il “apprend le métier.” Bottes aux pieds, casque sur la tête, lampe à la main, trousse de secours en bandoulière, les deux hommes s’apprêtent à descendre dans le réseau par une entrée qui se situe à quelques pas de la sortie du tunnel sous la Citadelle côté Tarragnoz. Mais avant d’emprunter l’escalier, Christian Buchin muni d’un détecteur se livre à un premier contrôle. “Le danger, ce sont les gaz qui peuvent vous empê- cher de respirer. Avant de partir, je mesure le niveau de gaz carbonique qui se trouve dans l’égout, question de sécurité.” La visite commence. Un long tunnel sombre et rectiligne s’étire devant

nous. Celui-ci s’arrête à hau- teur de la préfecture. Nous sommes sous la rue Charles Nodier. D’abord, l’odeur de putréfaction est saisissante dans se tube où se concen- trent toutes les eaux usées des Bisontins du quartier. L’égout est équipé de trot- toirs pour pouvoir se dépla- cer sans avoir àmarcher dans la cannelure centrale qui sert

350 km d’égouts courent sous la capitale comtoise.

à l’écoulement. “Nous ne sommes pas autorisés à aller dans les canalisa- tions qui font moins de 90 cm de dia- mètre. C’est trop étroit. Dans ce cas, on utilise une caméra qui va effectuer le contrôle à notre place et en cas de problème, on intervient directement depuis l’extérieur pour réparer une canalisation par exemple ” ajoute le professionnel. Quand on est sous terre, on ne per- çoit de la rue que le bruit sourd des véhicules qui passent sur la chaus- sée, c’est tout.Après quelques minutes de marche, Christian Buchin montre sur la droite une arrivée d’égouts fai-

Christian Buchin et Kévin Galland, deux égoutiers de la ville de Besançon, à l’entrée de la canalisation de la rue Charles Nodier.

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