La Presse Bisontine 46 - Août 2004

LE DOSSI ER

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P ORTRAIT

P ARC ZOOLOGIQUE 3 lions d’Asie Le refuge des animaux menacés La conservation des espèces en voie de disparition est aujourd’hui une des prin- cipales missions de la Citadelle de Besan- çon. Le parc zoologique abrite des spéci- mens rarissimes.

La nourriture fournie par des grandes surfaces Gérald Mertz, cuisinier en chef des primates Gérald Mertz est responsable du secteur “singerie” de la Citadelle. Cuisinier, soi- gneur et animateur, il est aux petits soins de ces messieurs les singes et lémuriens.

L e plat donnerait presque l’eau à la bouche. Il déborde de fruits frais soi- gneusement coupés en dés : fraises, pommes, framboises, caramboles, abri- cots… le tout saupoudré de quelques céréales, d’une pincée de sel ou de levure, ou encore de quelques cerneaux de noix. Il fait bon être pensionnaire de la Cita- delle quand on s’appelle tamarin, ouisti- ti ou siamang. À la tête de cette organisation digne d’un établissement de cure, GéraldMertz veille attentivement. Tous les jours, un œil sur le “livre de recettes” où chaque espèce a son menu bien détaillé, il coupe, émince, trie, répartit etmélange les ingrédients qui com- posent le repas des primates. Issu d’une formation agricole à Dannema- rie-sur-Crète, ce soigneur passionné tra- vaille depuis le début des années 90 au jar- din zoologique. Mais son rôle ne se cantonne pas à la préparation des plats. “L’aspect ali-

nulés, suivie d’une observation de l’eau et du substrat du sol. La préparation des repas de l’après-midi prend plusieurs heures. “Tous les jours en juillet-août, une animatrice explique la manière dont sont nourris les primates, nous faisons beau-

mentaire est très important mais le rôle de soigneur est beaucoup plus large que cela, explique-t-il. Notre premier travail est de nettoyer et d’entretenir toutes les volières et les abris des primates et des lémuriens. Il y a aussi tout un travail d’observation des

U n enclos au milieu duquel s’ébroue un élé- phant à qui les enfants lancent des poignées de caca- huètes. C’est un peu l’image dont la Citadelle souhaite aujourd’hui se débarrasser. Si ce genre d’attractions a fait la réputation du zoo de Besan- çon depuis son ouverture dans le début des années 60, elle appartient désormais au pas- sé. La Citadelle abrite aujourd’hui un parc zoologique qui sou- haite répondre aux trois exi- gences qu’elles s’est fixées : la conservation, la recherche et l’éducation. “On ne verra plus jamais d’éléphant ou d’ours à la Citadelle. Ce n’est pas un zoo, c’est un muséum d’histoi- re naturelle qui est quasiment unique en France de par la richesse de ses collections. Contrairement à la Citadelle, les autres parcs zoologiques à la fois scientifiques et grand public” résume Gérard Gal- liot, conservateur en chef de la Citadelle. En tant que lieu de recherche, les collections d’animaux (mam- mifères, insectes, poissons, oiseaux…) sont ouvertes aux étudiants et chercheurs. Com- me lieu de conservation, la Citadelle de Besançon s’at- tache à préserver les espèces menacées dans la nature, grâ- ce à une interconnexion avec les principaux zoos du monde. Le statut des animaux est par- faitement réglé. “Ils sont répar- tis en 3 catégories, explique Jean-Yves Robert : il y a les animaux qui ne sont ni rares ni menacés. Dans ce premier cas, chaque zoo a sa propre politique. Ensuite, il y a les animaux à statut plus précai- re pour lesquels il y a un recen- sement de la population cap- tive au sein d’un stud book (un livre de généalogie) mondial. Enfin, il y a les espèces forte- ment menacées où l’organisa- tion de la reproduction est très stricte et gérée au niveau euro- péen par un comité scientifique à partir d’un pool génétique de 250 animaux. L’objectif est de conserver au moins 90 % des gènes de ces animaux au bout de 100 ans. ” Exemple de ces espècesmenacées : le lion d’Asie dont il ne subsiste que 80 spé- cimens en captivité en Euro- français ne sont pas des musées” tient à rectifier Jean-Yves Robert, attaché de conservation res- ponsable de toutes les collections vivantes. “Notre objectif est de réunir un ensemble de col- lections qui soient

pe, dont 3 sont pensionnaires de la Citadelle. Dans la natu- re, la population de lions d’Asie ne compte plus que 300 indi- vidus (dans une réserve d’In- de). Toujours dans cet esprit de conservation, la Citadelle de Besançon s’est forgée une spé- cialité depuis quelques années : les primates. “Nous en avons 25 espèces alors que nous n’en avions que 13 espèces fin 2001. C’est une diversité exception- nelle. Nous nous sommes spé- cialisés dans les primates essen- tiellement pour des raisons d’espace.” La collection bison- tine de primates est si riche qu’elle fait de la Citadelle un site d’exception en Europe. “Récemment, un de nos tama- rins empereurs est parti dans un zoo de Hong Kong.” Véri- tables “porte-drapeaux de leurs congénères sauvages” , les ani- maux conservés à la Citadel- taines réintroductions ont très bien marché comme le tama- rin-lion au Brésil. Mais par- fois on se heurte à des difficul- tés sanitaires ou à des conventions internationales très contraignantes. Alors on se dit que c’est beaucoup plus effica- ce de protéger ici ce qui peut encore l’être.” À Besançon, 17 espèces sont concernées par ces programmes d’élevage, dont par exemple le dynaste hercule, un énorme insecte, ou le grand hapalémur, un lémurien de Madagascar dont il ne reste plus que 13 indi- vidus en captivité dans lemon- de - laCitadelle en possède deux - et seulement un petit millier dans la nature. Ce primate a la particularité de ne se nour- rir que d’une sorte bien préci- se de bambou. Si au cours de votre visite au parc zoologique de la Citadel- le, vous apercevez sur le pan- neau d’explications un petit logo en forme de rhinocéros, vous saurez que l’espèce que vous admirez est fortement mena- cée dans le monde. Grâce aux efforts déployés par l’équipe de la Citadelle, elle est préservée de l’extinction totale. Cettemis- sion de conservation est cer- tainement la plus précieuse aux yeux de la vingtaine de sala- riés qui gère les collections vivantes de la Citadelle. ! J.-F.H. le sont destinés d’abord à préser- ver l’espèce et au mieux, à per- mettre une réin- troduction dans le milieu naturel. “C’est quelque cho- se de très compli- qué, ajoute le conservateur. Cer-

coup de pédagogie. Chaque jour, nous remettons en cause nos connaissances, nous faisons des découvertes nouvelles sur le com- portement des animaux qui nous réservent toujours des surprises. C’est un boulot passionnant” ajoute Gérald devenu familier de tous ces pensionnaires. “Attention, le but n’est pas que

animaux. Nous tentons de confondre leurs comportements tous les jours pour déceler une différence d’attitude, unmuseau sec ou encore unœil brillant, voir s’il n’y a pas de difficulté de coha- bitation entre deux mâles domi- nants. En résumé, anticiper les problèmes et deviner tout ce qui peut être amélioré.”

“Chaque jour, nous faisons des découvertes nouvelles.”

Gérald Mertz fait partie d’une équipe composée d’une vingtaine de soigneurs- animaliers présents tous les jours de l’an- née. La journée de Gérald commence le matin à 8 heures par une première ali- mentation des primates à base de gra-

les animaux nous reconnaissent, ce ne sont pas des animaux de compagnie, il ne faut jamais oublier cela.” Pour preuve, cette femelle hapalémur qui a ses petits caprices et n’accepte pas la présence de n’importe quel soigneur dans son abri. Si tous les animaux ont leur menu parti- culier, c’est parce qu’ils ont tous des besoins naturels différents. “À certains, on leur donne aussi des insectes vivants pour qu’ils aient leur apport en protéine animale. À d’autres, on coupera les légumes d’une cer- taine façon qui correspond à la morpholo- gie de leurs doigts. On donne aussi de la gomme arabique, la même qu’ils trouvent sous l’écorce des arbres dans la nature. C’est un peu leur friandise…” Toutes les matières premières adminis- trées aux animaux proviennent des sur- plus de deux grandes surfaces bisontines. “Ils donnent d’abord à la Banque Alimen- taire, puis à nous. Nous ne prenons qu’une infime partie des invendus. Heureusement que nous avons ce genre de partenariat car s’il fallait acheter toute cette nourriture, ce serait un budget énorme !” Apparemment, tout ce petit monde se sent bien à la Cita- delle. “Plus de 80 % des espèces de singes ont déjà eudesnaissances ici” préciseGérald. Un saïmiri a même fait des petits à l’âge de 20 ans, alors que c’est normalement l’es- pérance de vie maximale pour cette espè- ce de singe ! Après la préparation de tous ces “plats du jour”, Gérald Mertz s’apprête maintenant à parcourir une forêt située à une quin- zaine de kilomètres de Besançon à la recherche de branches d’acacias. “Je vais en remplir des dizaines de sacs que nous congèlerons afind’en avoir des réserves jus- qu’au printemps prochain. L’acacia est la nourriture exclusive d’un de nos pension- naires” explique-t-il. Décidément, la vie de soigneur à la Citadelle réserve toujours son lot d’aventure. ! J.-F.H.

17 espèces sont concernées par ces programmes d’élevage.

Gérald Mertz prépare des plats différents pour chaque espèce de primates.

R EPÈRES Le parc zoologique, “d’Ane à Zèbre”

- Cette année, 151 animaux nou- veaux sont entrés à la Citadelle (naissances, dons ou échanges). - Fin 2003, la Citadelle comptait 180 espèces de mammifères sauvages plus 130 animaux domestiques. À cette même date, le zoo (sans compter les insectes)

comptait 1 492 spécimens d’ani- maux vivants. Le jardin zoolo- gique comptait à lui seul 400 ani- maux répartis en 70 espèces. - 40 naissances ont été comp- tabilisées en 2003 chez les mam- mifères sauvages. - La convention de Washington

interdit la vente d’animaux sau- vages, sauf à des fins scienti- fiques. Lorsque la Citadelle intro- duit un nouveau spécimen ou cède un animal à un autre zoo, il n’y a pas de vente. Le zoo qui accueille l’animal ne paie que les frais de transport, il est jus-

te mis à disposition. - Les animaux les plus vieux : les doyens de la Citadelle sont des sapajous et des gibbons qui atteignent l’âge, canonique pour des primates, de 35 ans.

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