La Presse Bisontine 46 - Août 2004

LE DOSSI ER

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A RCHITECTURE Construite de 1674 à 1695 Les secrets cachés de l’œuvre de Vauban

en développant les casernes à l’inté- rieur de la Citadelle… Les travaux se sont étalés sur une vingtaine d’an- nées. Tout a été édifié à partir de la roche trouvée sur place, sur l’anti- clinal de la montagne Saint-Étien- ne. Les ouvriers bâtisseurs de la Cita- delle n’ont été autres que les soldats français aidés des Bisontins, requis pour cette tâche immense, à coups de pics à roqueter ou de barres àmine. Près de 300 plus tard, la Citadelle de

Comptant incontestablement parmi les chefs- d’œuvre de Vauban, la Citadelle recèle quelques secrets bien cachés comme ses souterrains ou ses prisons. Visite guidée.

S ébastien Le Prestre de Vau- ban, né en 1633 dans la région d’Avallon, aura été au servi- ce du roi Louis XIV durant 53 ans. Ingénieur militaire à l’âge de 23 ans, il aura tout au long de sa vie édi- fié 33 citadelles et restauré 150 autres. La première pierre de la Citadelle a été taillée sur la montagne Saint- Étienne en 1668. Vauban y est venu fin mars 1668. Il y est resté une quin- zaine de jours, le temps de tracer les plans de la future Citadelle de Besan- çon. Seul unmur duMôyen-Âge enser- rait jusqu’ici cette montagne, rema- nié en 1 545 par Charles-Quint qui

a relevé les fortifications médiévales. Après les premiers travaux de 1668, Vauban s’est attelé à la véritable

Besançon reste un des chefs-d’œuvre majeurs du grand Vauban, dont la réputation est résumée par cette phrase : “ville assiégée par Vauban, vil- le prise, ville défendue par Vauban, ville imprenable” .

construction de la Cita- delle à partir de 1674, année où le territoire franc-comtois est repris à l’Espagne par ce même Vauban. Dès la fin des hostilités, Vauban ordon- ne un levé géométrique

Tout a été édifié à partir de la roche trouvée sur place.

La Citadelle de Besançon n’a jamais dérogé à cette règle. Un hommage d’envergure sera rendu au grand bâtisseur militaire dont le tricente- naire de lamort sera célébré en 2007. !

de Besançon. Il reprend immédiate- ment les travaux de fortification en approfondissant le fossé creusé dès 1668, en remaniant le front de secours (partie Sud de la Citadelle actuelle),

À voir à la Citadelle, les reproductions des plans de construction d’après l’atlas de Masse, un ingénieur de l’époque.

D ÉCOUVERTE 127 mètres de long Une plongée dans les entrailles de la forteresse

La Citadelle dispose d’un réseau complexe de caves et souter- rains construits pour renforcer les qualités défensives de la for- teresse. Une ouverture au public de ces galeries n’est pas exclue.

rôle de dissuasion au cours des siècles, puisqu’elle n’a jamais été attaquée, si n’est le 7 sep- tembre 1944 où elle a subi des bombardements alliés.” Comme la communication 110, d’autres souterrains parsèment la Citadelle. “Il y a des descentes au fossé, 4 ou 5 caves dont une grande dissimulée sous le bâti- ment des cadets, d’autres sou- terrains construits en 1825-1826 pour accéder à des casemates sur le front de secours. Il y en a notamment un qui démarrait dans la tenaille (ouvrage bas situé avant le front royal) qui débouchait dans le moulin à blé. Il y a aussi une immense cave dans la caserne de gauche du front de secours” poursuit Roland Bois. Ce dédale secret est interdit au public. En excellent état, il néces- siterait néanmoins d’énormes travaux de sécurisation et

B ienvenue dans la com- munication 110. Der- rière ce nom de code se cache un long cou- loir voûté de 127 mètres de lon- gueur, dont la discrète entrée se situe non loin du front Saint- Étienne. L’accès en est inter- dit au public, pour l’instant. Il faut donc se faire accompagner par un des gardiens de la Cita- delle muni de son inséparable trousseau de clés pour péné- trer dans les entrailles de la forteresse. La communication 110 a été construite, comme la plupart des autres souterrains de la Citadelle, à la fin du XVII ème siècle. Tout au long de cet étroit

on aboutit à une sortie domi- nant le fossé, à l’endroit où se promènent aujourd’hui les macaques en semi-liberté, près du porche supérieur. Cette communication 110 (dénommée ainsi dans les plans historiques de 1865) fait par- tie d’un véritable réseau sou- terrain qui parcourt le sous-sol de la Citadelle. “Ces souterrains ont été construits pour parer à d’éventuelles attaques, notam- ment depuis la colline de Bre- gille. Ils avaient une fonction défensive explique Roland Bois, spécialiste de l’architecturemili- taire de l’époque. D’ailleurs, grâce à sa conception, la Cita- delle a parfaitement rempli son

corridor en montée - il suit la pente qui relie le front Saint- Étienne au front royal - se suc- cèdent des accès à d’autres pièces en sous-sol, les case- mates où étaient installés autrefois des canons. Deux ouvertures encore visibles aujourd’hui étaient destinées à l’éclairage et à l’évacuation des fumées. Les portes d’accès à ces casemates sont d’origi- ne. Le bois est plus que tri- centenaire, les gonds rongés par la rouille résistent encore. À l’intérieur, quelques chauves- souris étonnées par une pré- sence humaine s’envolent fur- tivement. Si l’on parcourt l’intégralité de ce souterrain,

Ancien militaire, le capitaine Roland Bois anime des visites guidées à la Citadelle. Pour l’instant, les souterrains ne sont pas encore au programme.

d’éclairage avant d’envisager une éventuelle ouverture au public. La direction de la Cita- delle n’exclut pas d’engager les aménagements indispensables

pour permettre aux visiteurs de découvrir une nouvelle facet- te de ce joyau architectural signé Vauban. ! J.-F.H.

B ÂTIMENT L’affaire des poisons

De sa construction à la fin du XVII ème siècle à la Seconde Guerre Mondiale, la Cita- delle de Besançon a abrité des dizaines de prisonniers. Cellules et cachots existent toujours, bien cachés au regard du passant distrait. La Citadelle a été une prison jusqu’en 1945

P Peu de visiteurs se doutent qu’à l’endroit où ils achètent leur ticket d’entrée à la Citadelle ou à l’emplacement de la bou- tique actuelle, des dizaines de prisonniers ont croupi durant desannées, voiredesdécennies. Laboutique, labilletterieetd’autres salles de la Citadelle sont installées dans des pièces qui faisaient office de prisons. Dès la construction de l’édifice par Vauban, des prisons ont été aménagées dans la Citadelle, au front Saint-Étien- neetaufrontroyal.C’estnotammentLouvois,leministredelaGuer- re de Louis XIV qui avait réclamé l’aménagement de prisons et de cachots suite à l’affaire des poisons, ce scandale fait de manigances et de complots au centre duquel figurait “la Voisin”, une intrigante célèbre. “C’est lors du procès de la marquise de Brinvillers en 1676 que l’on a découvert un trafic de poisons et autres philtres d’amour, animé par une bande de crapules qui faisaient du crime leurmétier. La plus célèbre de ses protagonistes était la Voisin qu’on a condam- née àmort. Une des maîtresses du roi, M me de Montespan, était aus- si impliquée dans ces affaires troubles. L’affaire avait pris tellement

tir de 1830, la Citadelle est devenue une prison militaire. Il y avait une centaine de détenus. Ce qui est aujourd’hui le restaurant de la Citadelle, au front Saint-Étienne, abritait également des geôles. On n’avait pas les moyens de construire une prison neuve en ville, on a alors utilisé les bâtiments de la Citadelle.” Enfin, la Citadelle a été entre 1900 et 1926, une prison militaire pour les condamnésàplusd’unande réclusion.Derrière laboutique actuelle, il est encore possible de voir plusieurs cellules très bien conservées de ces temps pas si lointains. La fonctiondeprisonaétéabandonnéedéfinitivement en1926, avec une dernière parenthèse sinistre à partir de 1940 et jusqu’en 1945, où les derniers prisonniers répertoriés à la Citadelle ont été des sol- dats allemands. C’était le camp de prisonnier numéro 85… ! J.-F.H. Les prisons sont encore visibles à la Citadelles de Besan- çon. Celle-ci est située derrière la billetterie.

d’ampleur que le roi avait créé une cour des poisons en 1679. C’est dans le cadre de cette affaire-là que des prisonniers ont été enfermés à la Citadelle, enchaînés par un pied ou une main” explique Roland Bois, spécialiste de l’architecture militaire et animateur de visites sur ce thème. Dans une des salles de la Citadelle, dans les bâtiments du front de secours, inaccessible au public, figurent encore les inscriptions qu’un prisonnier auraitmarquées aumur de sa prison. “Au vudes inscriptions faisant référence à la Bible, on pense qu’il s’agissait d’un prisonnier lettré, peut-être de Rabel, unmédecin de Paris qui apassé plusde 20ans emprisonné à laCitadelle. D’après les archives, on a la trace d’un autre prisonnier qui est arrivé en 1682. Il est mort en février 1730. Il aura donc passé plus de 47 ans enfermé ici.” Les traces de barreaux, les inscriptions, tout est encore visible dans cette salle… Autre lieu, autre geôle, plus surprenant : les toilettes situées dans les bâtiments du front royal étaient également des prisons ! “À par-

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