La Presse Bisontine 262 - Avril 2024

4 L’interview du mois

POLITIQUE

Un des poids lourds de la majorité bisontine

“Les élus communistes sont incontournables et indispensables à Besançon” Christophe Lime est candidat aux prochaines élections européennes de juin sur la liste nationale du P.C.F. S’il n’est pas en position éligible, il défend pour autant la singularité de sa liste au sein d’une gauche qui part en ordre dispersé. Interview européenne… et plus locale.

L a Presse Bisontine : Pourquoi cette candi dature aux élections européennes ? Christophe Lime : Dans la constitution de sa liste, le parti a fait le choix d’un équi libre avec un tiers de femmes et d’hommes politiques, un tiers de syn dicalistes, et un tiers de personnes issues de la société civile et du milieu associatif. Aux yeux de ceux qui ont préparé cette liste, notamment Fabien Roussel et le numéro 1 de la liste Léon Deffontaines, mon parcours a sans doute été intéressant parce que j’ai longtemps travaillé quand j’étais syn dicaliste sur les directives européennes concernant le marché de l’électricité, et également de l’eau en tant qu’élu. Et personnellement, quand ils m’ont fait la proposition, je me suis dit que cette élection, après la présidentielle, est sans doute la plus importante pour les citoyens. Et pourtant elle reste sous estimée. Concrètement, énormément de dossiers touchant la vie quotidienne des Français se jouent à l’échelle euro péenne. Ce n’est pas un hasard si 14 000 structures déclarées de lobbying , et plus de 50 000 personnes sont installées et travaillent au quotidien à Bruxelles et à Strasbourg pour influencer sur les dossiers de la vie quotidienne. Et quand j’entends répondre certains de nos par lementaires qu’on ne peut rien faire sur certaines questions parce qu’elles dépendent directement de l’Europe, je me dis que c’est donc à nous de faire que l’Europe ne soit plus perçue comme un sujet “d’emmerdements” pour les gens, mais qu’elle redevienne une ins titution au service des citoyens.

C.L. : C’est le vrai souci à résoudre. Tout le monde nous aime bien, mais personne ne vote pour nous ! (rires). Alors je dis : arrêtez de nous aimer, arrêtez d’aimer Fabien Roussel, mais votez pour nous ! C’est la même chose à Besançon : je ne suis pas contesté sur les dossiers que je mets en œuvre, les positions que je défends sont toutes votées à l’unanimité, car je n’ai jamais rien lâché sur le fond. Est-ce que ça se traduirait pour autant dans les urnes ?… Concernant la posi tion dans la liste, je n’ai jamais souhaité discuter d’une place éligible. Je propose seulement d’apporter mon expérience d’élu et de responsable de structures comme “France eau publique” qui repré sente 17 millions d’usagers. Je crois en l’Europe, je participerai donc à cette campagne avec tout ce que je peux apporter comme expérience. L.P.B. : C’est sans doute une question d’étiquette ! Pourquoi ne lâchez-vous pas ce terme de “com muniste” qui vous dessert forcément ? C.L. : Parce que j’estime que nous devons assumer ce terme, avec tout ce qu’il comprend dans l’histoire, sans effacer évidemment les aspects négatifs liés à ce mot. Je suis de ceux qui pensent qu’il faut assumer notre passé, même dans ses mauvaises périodes. La partie som bre, comme la partie glorieuse. Les erreurs du passé nous obligent juste ment aujourd’hui à être vigilants pour ne pas les reproduire et à être toujours plus démocratiques dans notre fonc tionnement interne. Une chose est sûre : quand le P.C.F. est aux manettes, dans les collectivités qu’il dirige où dans les quelles il a des élus, il prouve toujours son efficacité. À nous de miser sur notre jeunesse, sur nos idées, et nous gagne rons des élus. Je fais le parallèle avec Besançon où le nombre d’élus commu nistes (avec À gauche citoyens) est passé de 2 à 9 entre les deux précédents mandats. Et nous avons prouvé, depuis longtemps, que les élus communistes ici étaient incontournables et indis pensables. L.P.B. :Vous espérez quel score avec une gauche qui part en ordre dispersé ? C.L. : Notre objectif est de passer les 5 %, seuil au-delà duquel nous aurons des élus. La fois dernière, nous avions rassemblé 620 000 voix. Il en faudrait 1 million. C’est atteignable, ce n’est pas utopique. Les Européennes sont des élections à un seul tour, où la notion

L.P.B. : De quoi doit s’occuper l’Europe alors ? C.L. : La politique énergétique par exem ple, c’est de son ressort. Sur le côté concurrentiel, elle n’est pas dans son rôle. D’autres puissances comme les États-Unis sont beaucoup plus perfor mantes sur ces questions-là. Même chose pour la protection de nos salariés de l’industrie ou pour notre agriculture dans la compétition mondiale, l’Europe n’est pas à la hauteur. Nous avons long temps défendu, notamment avec la C.G.T., le travailler local et le produire

local. La réindustra lisation est un des grands enjeux de cette prochaine élection. Mais au sein de l’Eu rope, il faut voir cette question en termes de coopération entre les États de l’U.E., pas en termes de concur rence. L’Europe a bien su le faire pour Ariane et pour Airbus. Je sou tiens donc l’idée d’une Europe de la coopéra tion, pas une Europe de la mise en concur rence. L.P.B. : En 59 ème position sur cette liste qui compte 81 noms, vous n’avez aucune chance d’être élu. D’autant que le P.C.F. est crédité de 3, 5 % dans les sondages actuellement. Le jeu en vaut la chan delle ?

“Tout le monde nous aime bien, mais personne ne vote pour nous !”

de vote utile existe beaucoup moins, où les électeurs peu vent se permettent de voter pour de plus petites forma tions. D’ailleurs, notre liste est très ouverte, elle est plus large que le P.C.F., elle a le soutien des radicaux de gauche et de personnalités comme Arnaud Montebourg par exemple. De toute manière, tous les sondages montrent qu’une liste unique de la gauche récol terait moins de députés européens que des listes sépa rées.

Notre position est de chercher à tout prix des solutions diplomatiques à ce conflit et à tous les conflits. Qui parle en ce moment de l’Arménie avec la pression de l’Azerbaïdjan ? Qui parle du Kurdistan attaqué par Erdogan qui ne vaut pas mieux que Poutine pour lequel je n’ai aucune sympathie ? Il faut systématiquement chercher des solutions pacifiques aux conflits, même si c’est extrêmement difficile. Chaque fois qu’on fait de la surenchère de guerre, on aboutit immanquablement à la guerre. Si on continue sur cette voie, on va finir par envoyer nos gamins sur le front en Ukraine, il n’en est pas ques tion. L.P.B. : Vos positions se rapprochent de celles de L.F.I. sur pas mal de points non ? C.L. : Eux n’ont pas condamné immé diatement Vladimir Poutine il me sem ble. Tout comme sur un autre front ils n’ont pas considéré que le Hamas était une organisation terroriste ! Nous l’af firmons de notre côté, ce qui ne nous empêche pas de dire aussi qu’Israël est en train de commettre un génocide à Gaza. Et plus globalement, sur beau coup de sujets, quand notre position est d’agir, la leur est de réagir, voire de rugir. C’est exactement la même chose au niveau local. Enfin, je ne suis pas sûr non plus que L.F.I. ait une fibre européenne… C.L. : Bien sûr. Il y a aura sans doute un meeting avec notre tête de liste dans le Pays de Montbéliard sur le thème de l’industrie, avec toutes les actualités qui tournent autour de General Electric, Alstom et Forvia (ex-Faurecia). Sur la réindustrialisation de la France, il y a évidemment un vrai sujet. Le 11 avril, L.P.B. : Bien qu’en position non éligible, ferez vous campagne ?

“Le P.C.F. agit, tandis que La France Insoumise rugit.”

L.P.B. :Vous êtes un pro-européen convaincu ? C.L. : Oui, nous sommes pro-européens. Mais nous ne voulons pas plus d’Europe, mais mieux d’Europe, une Europe beau coup plus en lien avec ses citoyens, mieux aimée et reconnue. L.P.B. : Et pour son élargissement, à l’Ukraine notamment ? C.L. : Je ne suis pas pour l’élargissement de l’Europe, y compris à l’Ukraine. On a déjà pas mal de difficultés à faire fonctionner l’Europe telle qu’elle est aujourd’hui, avant d’envisager toute idée d’élargissement. L.P.B. : Toujours sur l’Ukraine, faut-il renforcer notre soutien militaire ? C.L. : Nous ne sommes pas du tout des va-t’en guerre comme peut l’être un candidat comme Raphaël Glucksmann.

Zoom Trois autres Bisontins aux Européennes Le boulanger bisontin Stéphane Ravacley est également candidat aux élections européennes. Il figure à la 27 ème place de la liste P.-S. et Place publique tirée par le député sortant Raphaël Glucksmann. Le deuxième Bisontin candidat, c’est Jean-Philippe Allenbach qui figurera sur la liste du Parti fédéraliste européen, menée par son président Yves Gernigon, qui prône, ce que réclamait en son temps le plus célèbre des Bisontins, Victor Hugo : les “États-Unis d’Europe”. La troisième, c’est Séverine Véziès qui sera en 13 ème position sur la liste de l’Union populaire portée par La France Insoumise. n

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