La Presse Bisontine 261 - Mars 2024

4 Les interviews du mois

La Presse Bisontine n°261 - Mars 2024

BESANÇON Croq’Soleils “Il n’y a pas de vision globale de l’aide alimentaire” À la tête de la structure de distribution alimentaire Croq’Soleils depuis trois ans, Gaston Pernin prédit une année compliquée. Il compte sur les bénévoles et sur l’État pour passer le cap.

ADMINISTRATION Le nouveau préfet du Doubs “Je suis dans un esprit d’écoute et de dialogue”

L a Presse Bisontine : Dites-nous en un peu plus sur vos origines haut-dou bistes ? Rémi Bastille : Ma famille étant installée dans le Haut-Jura, je suis né à Pon tarlier parce que c’était la maternité la plus proche de la maison ! J’ai grandi dans ce secteur du Haut-Jura, le suis donc un vrai Comtois mais je suis parti assez rapidement de chez moi. À 15 ans, je suis allé suivre un cursus scolaire aux États-Unis, avant de revenir en France et de poursuivre mes études à Dijon, puis Strasbourg à l’institut d’études politiques avant d’intégrer l’E.N.A. et de démarrer ma carrière professionnelle. L.P.B. : Vous avez démarré sur les chapeaux de roues avec ce rassemblement des agricul teurs le jour de notre installation. R.B. : C’est d’abord un immense honneur d’avoir été nommé préfet du Doubs. Mon travail, avec les agriculteurs comme avec toutes les autres forces vives de ce département, sera de com mencer par écouter. Je me garderais bien de donner des avis définitifs sur Bastille a été nommé à 40 ans préfet du Doubs. Premières impressions. l 2011: Administrateur civil affecté au ministère de l’Intérieur, chargé de mis sion l 2011: Sous-préfet, directeur de cabi net du préfet de la Savoir l 2012: Directeur de cabinet du préfet de la Corse-du-Sud. l 2014 : Chargé de mission dans les services du Premier ministre. l 2015 : Chef de cabinet adjoint du Premier ministre. l 2017 : Chef du service de gestion des personnels de la Police nationale. l 2017: Conseiller chargé des affaires régaliennes au cabinet de la ministre des outre-mer, puis diverses missions liées aux outre-mer. l 2020 : Secrétaire général du haut commissariat de la République en Nou velle-Calédonie. l 2022 : Préfet chargé d’une mission de service public relevant du gouver nement. l 2023 : Directeur adjoint du cabinet du ministre de l’Intérieur. l 29 janvier 2024 : Prise de fonction en tant que préfet du Doubs. Après un long passage au ministère de l’Intérieur et des missions outre-mer, notamment en Nouvelle-Calédonie, Rémi Son parcours l 2009 : Élève de l’E.N.A.

E lle accueille des bénéficiaires venus de Montrapon et des Clairs Soleils. Née en 1991, Croq’Soleils est une structure de distribution alimentaire qui aide chaque semaine 120 familles et 380 bénéficiaires. Comme toutes les autres associations, elle s’in quiète de la baisse de ses dotations. “L’année 2024 va être dure” prédit Gaston Pernin qui a repris l’association de la rue de Chalezeule il y a trois ans. “La Banque Alimentaire ramasse de moins en moins dans les magasins. Car les magasins vendent de plus en plus à date limite ou dépassée. Aujourd’hui, on ne reçoit plus rien à J - 1. Les grandes sur faces vont de plus en plus du côté de l’anti-déchet. C’est normal mais nous, ça nous enlève un approvisionnement important.”

De son côté, Croq’Soleils a de plus en plus de bénéficiaires, 50 % en plus depuis la crise sanitaire de 2020. “Avec l’infla tion, le coût de la vie, l’augmentation du prix des loyers, ils viennent désormais toutes les semaines. Au niveau de

Croq’Soleils, on fait ce qu’on peut mais c’est à l’État de prendre plus en compte certaines choses : il n’y a pas de vision glo bale de l’aide alimentaire au niveau de l’État et cela est regrettable. L’État doit comprendre que l’aide alimentaire, ce n’est pas que les Restos du cœur même s’ils sont importants. Il y a aussi des petites associations

Des équipes à renouveler pour durer.

Rémi Bastille, né à Pontarlier, est arrivé le 29 janvier à la tête de la préfecture du Doubs. Il est ici aux côtés de la nouvelle secrétaire générale de la préfecture Nathalie Valleix.

des sujets que je ne maîtrise pas encore complètement. Concernant les agri culteurs, c’est pareil, il s’agissait d’abord de commencer par les écouter. Et il faut sur cette question que nous puis sions adapter les réponses de l’État aux réalités locales qui ne sont pas les mêmes ici dans le Doubs qu’ailleurs en France. L.P.B. : Quelles sont vos priorités en arrivant ici ? R.B. : La sécurité sans doute. C’est ce dossier que je mettrais en priorité. Les agglomérations de Besançon et de Montbéliard ont leurs problèmes spé cifiques sur ce point, mais je n’oublie pas non plus les territoires ruraux qui connaissent eux aussi de l’insécurité parfois. La sécurité est le cœur de la mission régalienne de l’État. Nous ne pourrons réussir aucune mission édu cative, l’autre priorité de l’État, si des dealers sont au pied des immeubles où nos gamins grandissent. Tout com mence donc par cette question de la sécurité. Concernant les trafics de drogue, nous organiserons d’autres opérations “place nette” sur notre ter ritoire et nous mènerons à bien j’espère rapidement la mise en place à Besançon de la Force d’action républicaine (F.A.R.) que le gouvernement avait annoncé. L.P.B. : Le départ un peu précipité de votre prédécesseur Jean-François Colombet vous a-t-il tout de même laissé le temps d’une transmission des dossiers ? R.B. : C’est la règle habituelle dans les services de l’État, mais oui, avec Jean François Colombet, on a passé en revue les principaux sujets qui occupent le département en ce moment : les ques tions industrielles, les enjeux agricoles, la sécurité, et il m’a donné quelques conseils précieux sur certains d’entre eux. Sachant que je souhaite que l’État soit dans ce département le meilleur accompagnateur possible pour aider

les acteurs de ce territoire à mener à bien leurs projets. Tout le monde m’a renvoyé le sentiment que Jean-François Colombet a été un très bon préfet, je m’emploierai donc à être dans sa conti nuité pour mener au mieux les dossiers qu’il avait engagés. n Propos recueillis par J.-F.H.

Retour Les adieux émus du préfet Colombet

C omme souvent, aucune note sur son pupitre. Et le préfet sortant n’avait pas forcément l’intention de faire un grand discours. Alors Jean François Colombet y est allé de son allo cution, spontanée. “Alors il nous faut porter le poids de la séparation…” a-t il commencé. “Je me sépare d’un métier qui m’a passionné, qui est passionnant.” Visiblement marqué par son passage dans le Doubs, il dit avoir découvert “un tissu économique qui m’a fasciné, une puissance de production, de développe ment, d’innovation… En tant que “gens du voyage” - (N.D.L.R. c’est son 17 ème déménagement) -, je n’avais jamais vu ça !” Il poursuit: “Je porte le poids de la séparation d’un territoire que je ne connaissais pas mais où je me suis senti tout de suite très bien. On tombe forcé ment amoureux de ce territoire… Telle ment, que je vais y revenir dans quelques mois…” a-t-il soufflé pour dire que cette dernière mission professionnelle un peu forcée à Paris n’était qu’une parenthèse Il avait réuni en préfecture le 25 janvier ceux qui l’ont côtoyé pendant deux ans et demi dans le Doubs. Son départ précipité aura étonné. Il part sur un discours chargé d’émotion.

Ému, Jean-François Colombet a dit au revoir au Doubs qu’il a servi pendant 30 mois.

dans sa fin de carrière. “Pour l’instant, je me sépare de ce territoire avec beaucoup de souffrance” a-t-il ajouté la voix un peu plus faible. En dressant le bilan de ses 30 mois à la tête des services de l’État dans le Doubs, le préfet Colombet estime qu’il a “toujours essayé d’être à la hauteur de la qualité des femmes et des hommes de ce territoire. Ce qui me permet de quitter cette maison la tête haute.” Et de repren dre à son compte une phrase d’Abraham Lincoln, le président des États-Unis auteur du 13 ème amendement qui a abrogé l’esclavage : “L’engagement, c’est ce qui transforme la promesse en réalité.”

“Chaque matin en me levant, poursuit le préfet sortant, je me demandais ce que je pourrais faire pour transformer les promesses en réalité.” Mais plutôt que des adieux, ce sont des au revoir qu’il a adressés à ceux qui sont venus le saluer ce soir-là. “Et où que je sois désormais, où que je me retrouve, je serai l’ambassadeur du Doubs et de la Franche-Comté, ainsi que de ces hommes et de ces femmes que je n’ou blierai jamais.” Sur le côté, sa compagne, comme certains membres des services préfectoraux, écra sent une larme… Il n’en dira pas plus sur les circonstances de son départ. n

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