La Presse Bisontine 260 - Février 2024

4 L’interview du mois

POLITIQUE

Christine Bouquin

“On attend de l’opposition qu’elle fasse des propositions plus sérieuses” À l’aube de cette année 2024, la présidente du Conseil départemental du Doubs défend les orientations de sa majorité dans un contexte qui s’annonce tendu, et répond aux critiques de son opposition. Interview de rentrée.

L a Presse Bisontine : Vous avez évoqué l’année 2024 comme “une traversée qui ne sera pas de tout repos” pour la col lectivité que vous présidez. Dans ce contexte, comment envisagez-vous d’éviter des hausses d’impôt à l’avenir ? Christine Bouquin : J’ai effectivement mis en avant les vents contraires auxquels nous devrons faire face et qui vont rendre la traversée de l’année 2024 plus difficile. Entre le ralentissement économique annoncé, l’accroissement de la pauvreté et de la demande sociale ou le question nement sur la décentralisation et des moyens dévolus aux collectivités, les vents seront moins favorables. En marins avisés, nous ajustons la voilure mais nous gardons notre cap ! Nous continuons nos actions au bénéfice des Doubiens. Nous augmentons par exemple les moyens alloués à la protection de l’enfance et nous confirmons notre haut niveau d’investissement pour que le Doubs reste un département attractif. Pour ce qui est de la hausse d’impôt, je rappelle que les Départements n’ont plus aucun pouvoir de taux sur la fiscalité qu’ils perçoivent. Nous ne serons donc à l’origine d’aucune hausse d’impôts. D’ailleurs, même quand nous en avions encore la possibilité, notre majorité n’a pas augmenté les taux durant toute la dernière décennie. L.P.B. : Le recours à l’emprunt n’est-il pas risqué avec les taux actuels ? Pourquoi ne faites-vous pas appel à plus d’autofinancement alors que vous avez toujours privilégié l’épargne ? C.B. : Il faut se souvenir que nous avons déjà connu des périodes avec des taux d’intérêt beaucoup plus élevés. Par ail leurs, dans une période de forte inflation, des taux élevés ne sont pas aussi pro blématiques en soi. De plus, comme nous le faisons régulièrement, ces emprunts pourront faire l’objet de renégociations en période de baisse des taux. Concernant l’épargne, elle est le fruit des efforts de gestion menés sur nos dépenses de fonctionnement ces dernières années, conjugués avec une dynamique des recettes de fonctionnement. La crois sance économique post-Covid a ainsi généré plus de T.V.A., dont l’État nous reverse une partie. De même, la bonne santé du marché immobilier a favorisé la forte progression des droits de mutation à titres onéreux (D.M.T.O.) jusqu’en 2022. Depuis 2023, nous devons faire face à

un effet ciseaux entre nos recettes et nos dépenses. Nous sommes confrontés à une évolution plus rapide de dépenses sur lesquelles nous n’avons pas prise, puisque décidées par l’État, comme la revalori sation du R.S.A. par exemple, et une chute des recettes comme pour les D.M.T.O. Cela conduit inéluctablement à la contraction de notre épargne. L.P.B. : Pouvez-vous nous fournir des détails sur le montant prévu de cette fameuse D.M.T.O. pour les années 2024 et 2025 ? C.B. : Le montant des D.M.T.O. prévu en 2024 est de 71 millions d’euros, ce qui signifie 20 millions de moins dans nos recettes par rapport à 2021 et 2022. Pour 2025, il est encore trop tôt pour faire des prévisions. Cela dépendra de l’évolution en 2024 du marché immobilier et donc des taux d’intérêt. L.P.B. : L’opposition estime que le budget des solidarités est insuffisant… Que lui répondez vous ? C.B. : Il y a les mots… et il y a la réalité… La réalité, chaque Doubien peut la vérifier en lisant le budget que les 24 élus de la majorité ont voté avec l’appui des deux élus du groupe Ensemble pour le Doubs. Cette réalité, elle est concrète et porteuse d’avenir. Concrète car les solidarités, ce sont 344,8 millions d’euros, soit 62 % de notre budget global. C’est un budget en hausse de + 7,1 %, soit près de 3 fois l’in

de nos routes ou pour accompagner les communes et les intercommunalités dans la réalisation des aménagements attendus par leurs habitants peut être reporté à un avenir plus lointain ? La transition de nos territoires se joue maintenant et le Département tient pleinement son rôle. L.P.B. : Comment le Département peut-il faire face à la situation difficile des enfants placés (C.D.E.F.) et des mineurs non accompagnés ? En appelez-vous aux villes, à l’État ? Au-delà de l’émotion, quelles solutions préconisez-vous ? C.B. : Je peux vous assurer que s’il y a un sujet qui me préoccupe à chaque instant, c’est bien celui de la protection de l’en fance. Le Département protège aujourd’hui près de 1 900 enfants, y com pris des bébés. En un an, la progression a été de + 10 %. Cela crée effectivement des tensions auxquelles nous faisons face. Cela nécessite de trouver des places d’accueil et d’avoir du personnel. Mais construire de nouveaux lieux d’accueil, cela prend du temps. De même, il n’y a pas de génération spontanée d’éducateurs ou d’assistants familiaux. Il faut du temps pour les recruter, les former. Et il faut aussi donner envie d’exercer ces métiers essentiels pour notre société. C’est pour quoi, avec les professionnels, nous agirons pour promouvoir et valoriser ces métiers. Il faut aussi agir avec la Prévention maternelle et infantile pour renforcer les actions de prévention précoce, essen tielles pour dépister les facteurs de risques qui pourraient déboucher sur une prise en charge ultérieure en protection de l’enfance. L.P.B. : Les perspectives ne sont pas forcément optimistes pour l’emploi dans le Doubs en 2024. Comment le Département appréhende-t-il cette situation ? C.B. : Les économistes tablent en effet l’an prochain sur un net ralentissement de l’activité avec une croissance qui attein drait péniblement 0,8 % du produit inté rieur brut. Mais, même si cela ralentit, cela ne s’arrête pas. Le Doubs a un tissu industriel qui travaille sur des marchés porteurs, l’économie frontalière reste dynamique. Beaucoup de secteurs d’ac

une chose est sûre, c’est qu’au Départe ment du Doubs nous sommes attachés à œuvrer pour la qualité de vie au travail en n’oubliant jamais notre mission de service public. Je le dis, cette façon de faire est d’autant plus malhonnête que ceux qui ont tenu ces propos dans l’op position participent aux instances et connaissent parfaitement la réalité et la qualité de notre dialogue social. Le Doubs fait partie des 20 % des Dépar tements en France qui ont mis en place la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. Nous développons avec les agents notre marque employeur. Nous proposons des carrières et des missions variées. Nous recrutons et formons de plus en plus d’apprentis. Nous avons un plan de déve loppement des compétences qui accom pagne la progression professionnelle des agents… C’est cela la réalité de notre collectivité ! L.P.B. : Une dizaine d’E.H.P.A.D. de ce département sont confrontés à des difficultés financières. Au delà de l’aide exceptionnelle votée lors de la der nière session de décembre, quelle est la solu tion ? C.B. : Avant d’aller au-delà, je tiens à insis ter sur cette aide exceptionnelle d’1 million d’euros que le Département mobilise au bénéfice de neuf E.H.P.A.D. en difficulté financière. Il faut rappeler que cela n’est pas obligatoire pour notre collectivité. C’est une mobilisation volontaire. Nous le faisons car nous avons le souci de la qualité de l’hébergement des résidents. Nous agissons également sur le volet investissement en mobilisant 10 millions d’euros pour la construction ou la réno vation d’un certain nombre d’E.H.P.A.D. Nous mobilisons donc des moyens impor tants pour ces établissements. Mais il faut aussi que les autres acteurs concer nés, comme l’A.R.S., mais aussi les éta blissements eux-mêmes, prennent les mesures nécessaires et assument plei nement leur rôle pour faire vivre ces structures. L.P.B. : Christine Bouquin, plaidez-vous en faveur d’un nouvel acte de décentralisation et estimez vous nécessaire une nouvelle réforme territo riale ?

tivité, d’entreprises et d’employeurs conti nuent à nous faire part de leur difficulté à trouver du personnel et des compé tences. Notamment dans les secteurs de l’hôtellerie-restauration ou de l’aide à domicile. Il y a donc encore des opportu nités d’emploi. Et nous ferons tout pour accompagner le plus grand nombre de nos bénéficiaires du R.S.A. vers l’emploi. L.P.B. : En matière de logement, comment répondre à la tension, notamment dans le Haut-Doubs (au delà du dispositif des tiny houses) ? C.B. : Le Département s’est doté d’un plan départemental d’action pour le logement de l’hébergement des personnes défavo risées. Ce plan prévoit l’accompagnement social vers et dans le logement. Nous le faisons en étroite collaboration avec les bailleurs sociaux. Les tiny houses font partie de ce plan. Elles sont une expéri mentation, pour répondre à un besoin urgent. C’est un concept nouveau d’ha bitat déplaçable, modulable et à moindre coût. Les locataires ne payent pas de charges. Pour compléter cette offre, nous mobili sons le fonds de solidarité logement. Pour aider les publics les plus fragiles à faire face à l’augmentation des coûts de l’éner gie. Enfin, nous proposons un accompa gnement technique et financier aux élus locaux pour lutter contre l’habitat indigne. L.P.B. : L’opposition vous a titillé sur votre politique en matière de ressources humaines au sein même de la collectivité que vous présidez, en évoquant un malaise. Quels sont les axes d’amé lioration, un travail est-il engagé sur ce point (en dehors des primes, par définition ponctuelles) ? C.B. : Je m’inscris en faux contre les propos de l’opposition sur ce sujet. Mais aussi sur le procédé employé. Utiliser un rap port d’un député à l’Assemblée Nationale sur le sujet du mal-travail en France pour faire croire que ce serait le cas au sein de notre collectivité est profondément malhonnête et mensonger. Je dirais même diffamatoire pour le vice-président en charge de ce sujet, les directeurs et même les partenaires sociaux au sein de la col lectivité. Je ne dis pas que tout est parfait. Mais

flation annoncée pour 2024. Porteuse d’avenir car il y a plus de moyens alloués pour les E.H.P.A.D., pour les Ser vices d’aides à domicile, pour la protection de l’en fance et la famille… C’est cela la réalité ! On a le droit de trouver cela insuffisant. Mais dans ce cas, il faut aussi faire des propositions plus sérieuses que celles de voter un budget en dés équilibre ou de réduire les investissements dont le Doubs a besoin ! Qui peut sérieusement dire qu’investir pour la rénovation énergétique de nos collèges, pour la sécurisation de nos ponts,

“Nous ajustons la voilure mais nous gardons notre cap !”

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