La Presse Bisontine 260 - Février 2024

Le portrait 39

La Presse Bisontine n°260 - Février 2024

PARIS

Universitaire

Jean-François Chanet : “Ma position d’historien m’a souvent aidé” Récemment récompensé du prix Lucien-Febvre pour son ouvrage dédié à Clemenceau, l’ancien recteur d’académie de Besançon revient sur son parcours. Marqué par diverses fonctions et reconnaissances.

H istorien de cœur et de for mation, Jean-François Chanet dit avoir toujours été fasciné par “ce va-et vient entre le présent et le passé.” “L’histoire, c’est cette espèce de comparaison entre les époques. On tente de comprendre des temps différents et comment un même pro blème a pu être traité, avec cette idée qu’on ne revient pas en arrière. Ce n’est jamais bon, ni même possible, car les conditions ne sont jamais les mêmes” , explique-t-il. “Cette position d’historien m’a souvent aidé” , recon naît-il. Et s’il s’est fait une spécialité de cette discipline (plus particulière ment de la France du XIX ème siècle), il a également cédé un temps aux sirènes de la littérature. “À 20 ans, j’avais passé 10 ans de ma vie dans le même établissement à Clermont

aussi la connaissance de Maurice Agulhon, qui dirigera plus tard sa thèse, sur “L’école républicaine et les petites patries”. “Cela a été une rencontre décisive. J’ai creusé à l’époque la question des langues régionales.” Agrégé d’histoire en 1985 et pen sionnaire de la Fondation Thiers (promotion 1991), il obtiendra l’habilitation à diriger des recherches en 2002. Puis ensei gnera à l’université Lille 3, avant d’être nommé en 2010, professeur d’histoire du XIX ème siècle à l’Ins titut d’études politiques de Paris. “Durant cette période, où je menais parallèlement des recherches sur l’armée et la guerre de 1870-1871, j’ai eu la chance d’être le premier à accéder aux archives dites du “fonds de Moscou”, qu’on croyait perdu” , souligne-t-il, avec encore plein d’enthousiasme dans la voix. Homme de culture et d’engage ment, Jean-François Chanet a aussi participé à plusieurs revues dont celle du “Mouvement Social” qu’il dirigera durant quatre ans. En tant que membre de la société d’études jaurésiennes, il a égale ment contribué à l’édition de deux volumes qui lui sont consacrés, avec l’implication de l’un de ses anciens pairs pour l’un et d’un tout jeune chercheur pour l’autre. Dans “une sorte de trait d’union entre les générations” , note-t-il. “Ce métier d’enseignant-chercheur reste “un métier de transmission” à son sens. On est des maillons dans une chaîne.” Un sens du service qu’il a appliqué

Bio express l Né le 2 janvier 1962 l Ancien étudiant de l’École normale supérieure de Paris et pensionnaire de la Fondation Thiers l Il préside le Comité d’histoire de l’Éducation nationale depuis sa création en 2019 l Fait Commandeur des Palmes académiques et Chevalier de la légion d’honneur

Jean-François Chanet est docteur en histoire et professeur des universités (Lille 3, Sciences Po Paris).

à Paris, et préside le conseil d’ad ministration de Sciences Po Lille. En marge de ces fonctions, il vient d’être nommé président du conseil d’administration de la Casa de Velazquez à Madrid, et fait partie des administrateurs de la fonda tion philanthropique François Schneider. Une foisonnante activité qu’il com plète par la publication d’ouvrages. Son livre “Clemenceau. Dans le chaudron des passions républi caines” (paru chez Gallimard en 2021) vient ainsi de recevoir le prix Lucien Febvre 2023 de l’As sociation du livre et des auteurs comtois. Et il finalise en ce moment même un autre livre, aux Éditions Midi-Pyrénées, consacré au suicide retentissant d’un élève, survenu en 1909 dans son ancien lycée de Clermont-Ferrand. n S.G.

que “la souveraineté pleine et entière importe plus que l’avenir de la jeunesse de toute une région.” L’historien garde cependant l’es poir qu’en inscrivant les choses dans le temps long, la raison pré vaudra. Sa nomination au poste de recteur en 2014, après un cours passage à la direction du Service historique de la Défense, avait d’ailleurs été une surprise. Y compris pour lui même. “J’en ai été honoré et je me suis attaché à faire au mieux.” Son empreinte sur l’école inclusive, la voie professionnelle, l’égalité des chances et la mixité sociale (entre autres) reste aujourd’hui saluée au niveau local. De nombreux messages de sympathie ont d’ail leurs accompagné son départ, en mars 2022, et célébré “sa grande humanité.” Il a, depuis, retrouvé ses étudiants

tout autant à ses fonctions de rec teur de l’académie de Besançon et de la région académique Bour gogne-Franche-Comté. Si son évic tion rapide lui laisse un goût amer, il évoque sans mal les dossiers marquants de ces sept ans passés en région. De la minute de silence effectuée après l’attentat de Char lie Hebdo, “à toutes les autres qui se sont malheureusement égrainées ensuite” , en passant par la crise sanitaire et bien sûr, la fusion de l’Université : “Épicentre de la ten sion” , qu’il aura tenté d’accompa gner en vain. “Cela m’a beaucoup coûté” , résume sobrement Jean-François Chanet à propos de ce dossier. “Je n’avais pas de plan de carrière, ma voca tion était seulement de servir, mais j’ai découvert que beaucoup n’étaient pas dans cette logique.” Et de regretter encore aujourd’hui

Ferrand, de la 6 ème à la Khâgne, où je me préparais aux lettres modernes. Et j’ai finalement passé deux licences en lettres et en his toire.” Des person nalités marquantes le pousseront à choisir cette der nière. Il travaillera notamment avec d’autres étudiants sur les sociétés populaires révolu tionnaires, par l’in termédiaire de Phi lippe Boutry, et fera

“Ma vocation était de servir, j’ai découvert que beaucoup n’étaient pas dans cette logique.”

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