La Presse Bisontine 260 - Février 2024
24 Politique
La Presse Bisontine n°260 - Février 2024
LOI IMMIGRATION
toire. Ce n’est plus possible ! La députée du Doubs Annie Genevard “Cette loi réinstaure l’ancien clivage gauche-droite et je trouve cela plutôt sain” En première ligne sur la préparation et le vote de la loi
L.P.B. : La gauche est donc à côté de la plaque et ses critiques hors sol ? A.G. : Est-ce normal de voir la maire de Besançon Anne Vignot qui avant Noël, organise une conférence de presse au sein même du musée de la résistance et de la déportation en faisant un paral lèle indigne et inacceptable avec les années trente ? Cette attitude-là est proprement scandaleuse. Là est l’in dignité. Elle n’est pas de demander que les étrangers arrivant en France apprennent notre langue ou de réclamer que les demandes de droits d’asile soient traitées plus rapidement. L.P.B. : Et votre avis sur la caution demandée aux étudiants étrangers, vous qui étiez ensei gnante ? A.G. : Les droits d’inscription différenciés, ça existe déjà dans la loi. La position des universités se base sur des ques tions purement financières car si un établissement a moins d’étudiants, il aura moins de dotations. L’examen du caractère sérieux des études, Erasmus le prévoit déjà depuis de nombreuses années pour les étudiants européens. Une caution en Allemagne, c’est 11 000 euros. Alors qu’Élisabeth Borne parle de 10 ou 20 euros. Il y a des exo nérations prévues en cas de revenus modestes ou en fonction de l’excellence du parcours. La France accueille 100 000 étudiants étrangers par an, il n’est pas anormal non plus qu’on y regarde de plus près en fonction des places et des dotations dans chaque université. De toute manière, idéolo giquement, les universités françaises ont toujours été hostiles à tout type de sélection, leur opposition à cette mesure n’est donc pas étonnante. L.P.B. : L’épisode de cette loi immigration marque-t-il le retour en grâce des L.R., et pourra-t-on un jour vous voir intégrer un gou vernement de coalition ? A.G. : Il faudra toujours compter sur les L.R., non pas dans la confusion, mais dans la clarté des convictions. La leçon politique de cet épisode, c’est qu’à 62 députés seulement, les L.R. ont su et pu peser sur le gouvernement. On entend bien continuer à peser de tout notre poids sur la façon dont doit être gouverné le pays. Concernant une entrée au gouvernement, je n’entends pas que le président de la République soit disposé à une quelconque forme de cohabitation ! Tout ce que je sais, c’est qu’on aura plus pesé sur ce texte en agissant en opposants responsables. La politique, c’est la clarté des choix. Le reste, ce ne sont que des conjec tures… Comme nous l’avons été sur cette affaire, je pense que les L.R. sont à la hauteur de l’attente des Français. On l’a été clairement. Et même le R.N. ne pourra pas dire le contraire puisqu’il a voté notre loi ! Je pense que ce n’est pour nous qu’une étape sur le chemin des Européennes de juin prochain et de la présidentielle à venir. n Propos rcueillis par J.-F.H.
L a Presse Bisontine : Le vote de cette loi en fin d’année passait pour une vic toire de la droite, donc, mais aussi de l’extrême droite ? Annie Genevard : Le R.N. n’a pas modifié une virgule du texte pendant la C.M.P. Ils ne font qu’un coup politique sur cette affaire, juste de la récupération. Cette loi immigration est un texte sur lequel le R.N. n’a pas du tout pesé, contrairement à ce qu’ils ont voulu faire croire. C’est clairement une victoire pour la droite et c’est surtout un texte que les Français attendaient. Ce texte signifie d’abord que venir en France, ça se mérite. On n’arrive pas en France avec des exigences ou en ayant des droits, mais on se plie d’abord aux règles de pays, en acceptant d’apprendre sa langue, de se plier aux principes et aux valeurs de la République. C’est ça que signifie cette loi. Il ne s’agit pas de pointer du doigt les étrangers qui vivent déjà sur notre sol, mais ceux qui y arrivent doivent se soumettre à des règles. Il n’est pas anormal que les prestations sociales pour lesquelles on n’a pas contribué s’ouvrent après un certain délai de contribution. L.P.B. : Cette loi instaure donc une différence claire entre un étranger et un Français. Rien de choquant à vos yeux ? A.G. : Ces différences concernent par exemple les allocations familiales et donc le regroupement familial. Un étranger venu en France doit attendre 24 mois pour faire venir sa famille et six mois de plus pour obtenir les allo cations familiales. Le temps de contri buer au système social de ce pays. Nous disons juste que quand on est un étran ger arrivant en France, il faut contri buer un certain temps au système social du pays pour en retoucher les fruits. Ce n’est pas du tout le système de pré férence nationale que le R.N. met en avant. C’est uniquement une question de contribution : 5 ans pour les étran gers qui ne travaillent pas et 30 mois pour ceux qui travaillent. Nous consi dérons à juste titre que quelqu’un qui ne travaille pas ne veut pas participer à la solidarité nationale. Le travail est dans l’A.D.N. de la droite, encore une fois, ce n’est en aucun cas une question de préférence nationale. On ne peut arguments de ceux qui s’en offusquent au moment où le Conseil Constitutionnel rend son avis. Interview. immigration en fin d’année dernière en tant que membre de la commission mixte paritaire qui a ficelé le texte, la députée L.R. du Doubs Annie Genevard défend cette nouvelle loi et fustige les
Annie Genevard, la députée du Haut-Doubs, a joué un rôle-clé dans l’adoption de la
nouvelle loi immigration (photo D.R.).
ce genre de dysfonc tionnements, les Fran çais n’y comprendront plus rien. C’est la rai son pour laquelle je prétends qu’il faut sans doute réformer la Constitution pour redonner du poids à la décision politique. L.P.B. : Revenons à l’esprit de cette loi immigration. Les accusations d’inhuma nité formulées par la gauche vous touchent elles ? A.G. : La gauche crie à
sode fait le lit du R.N. ? A.G. : Au contraire, quand les sujets ne sont pas traités, c’est le meilleur moyen de faire monter le R.N. Je prends l’exem ple du Danemark, que je connais, où un gouvernement pourtant de gauche a pris des mesures similaires de grande fermeté : là-bas, les partis extrémistes plafonnent à 2 % ! L.P.B. : Quelle est pour vous la portée de la décision du Conseil constitutionnel sur la conformité des mesures contenues dans cette loi immigration ? A.G. : Nous verrons bien ce que dit le Conseil constitutionnel. Mais c’est bien la preuve que dans cette affaire, le gou vernement louvoie, il a soufflé quasi ment la solution au Conseil constitu tionnel. À peine la loi était-elle votée que l’ex-Première ministre a commencé à dire que certains points ne seraient peut-être pas conformes à la Consti tution. Souvent les parlementaires s’autocensurent de peur de la censure du Conseil constitutionnel. C’est bien pour cela que nous souhaitons une modification de la Constitution pour que le Parlement reprenne la main. Pour le reste, on verra bien. Je ne pense pas que le Conseil constitutionnel vide cette loi de sa substance. L.P.B. : Au nom de quoi faudrait-il modifier la Constitution ? A.G. : Le politique doit reprendre la main. À l’image d’autres pays qui sont mieux armés que nous pour faire valoir leurs positions politiques. Les instances suprêmes comme le Conseil constitu tionnel ou le Conseil d’État peuvent avoir trop de pouvoir par rapport à la décision politique. Savoir que le Conseil d’État a récemment obligé la France à rapatrier à ses frais un Ouzbek condamné pour radicalisation, on marche sur la tête ! Si on ne révise pas
surtout pas comparer notre position à celle du R.N. L.P.B. : Comment expliquez-vous les levées de boucliers depuis le vote de ce texte ? A.G. : Ce texte a été voté par toutes les formations politiques, à l’exception de celles de gauche. Nous savons bien que les Français veulent de la fermeté sur la question migratoire. Une immigra tion qui n’est pas contrôlée et encadrée pose évidemment des problèmes non seulement aux Français mais aussi aux étrangers qui vivent depuis long temps ici. En 2022, on a accueilli sur notre sol 500 000 étrangers, réguliers ou demandeurs d’asile. Et on ne compte pas moins d’1 million d’étrangers en situation irrégulière. La fermeté, c’est de vouloir reprendre le contrôle sur ces flux, il n’y a rien de choquant à cela. L.P.B. : L’Aide médicale d’État a finalement été sortie du texte. Êtes-vous de ceux qui disent
“La gauche crie à l’inhumanité ? C’est tout le contraire !”
l’inhumanité de ces mesures ? Je dis que c’est tout le contraire. Est-ce que l’humanité consiste à laisser entrer des centaines de milliers de personnes en France pour y vivre dans des condi tions indignes ? Est-ce que l’humanité consiste à laisser se développer un sys tème qui fait croire aux gens à une vie meilleure en leur faisant risquer leur vie sur un canot en Méditerranée ? L’asile n’est aucunement remis en cause par ce texte, il n’est même pas concerné. Sur ce point, nous nous devons de trai ter plus rapidement et efficacement les demandes car 98 % des déboutés restent sur le sol français. L’asile, c’est le refuge que la France donne aux com battants de la liberté. En aucun cas, ces valeurs ne sont remises en cause par ce texte. Avant de crier à l’inhu manité, il faut savoir ce que contient précisément cette loi. Il y a juste des choses qui ne sont plus possibles. Les mineurs non accompagnés ne peuvent plus être expulsés. Soit. Mais depuis la loi Collomb, ils peuvent faire venir leur famille. À tel point qu’aujourd’hui ce sont les passeurs qui déterminent l’entrée des étrangers sur notre terri
qu’il faut la supprimer ? A.G. : L’A.M.E. et l’hé bergement des demandeurs d’asile, c’est une enveloppe de 2 milliards d’euros par an pour l’État, sachant que 70 % de ces demandeurs d’asile seront au final débou tés. Je ne dis pas que l’A.M.E. doit être sup primée, je dis juste que ces flux, donc ces dépenses, doivent être mieux contrôlés et encadrés. S’il n’y a plus de règle, c’est le désordre ! L.P.B. : Ne pensez-vous pas tout de même que cet épi
“Le R.N. a juste fait un coup politique, c’est de la récupération.”
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