La Presse Bisontine 258 - Décembre 2023

30 Économie

La Presse Bisontine n°258 - Décembre 2023

JUSTICE Tribunal de commerce de Besançon Plus de 165 liquidations judiciaires depuis le début de l’année

Les derniers chiffres Procédures Redressements judiciaires Liquidations judiciaires

Nombre

Salariés

Chiffre d’affaires (en milliers d’ €€€€€ )

89

219 284

11 695 27 679

165

Source Tribunal de commerce de Besançon, du 1 er janvier au 31 octobre 2023

L’ économie locale est-elle entrée dans le dur ? Si on en juge par le nombre de procédures col lectives ouvertes ces derniers mois par le tribunal de commerce de Besançon (qui couvre également le Haut-Doubs), on pourrait être en droit de l’affirmer. La juridiction commerciale a en effet prononcé 89 redressements judiciaires et liquidé 165 autres entre prises sur les 10 premiers mois de l’an née. Une hausse très sensible si on compare ces chiffres avec les données de l’année précédente sur la même période : 32 redressements et 91 liqui dations en 2022. Les chiffres 2023 sont également beaucoup plus hauts que ceux de l’année 2019, avant la crise sanitaire, où le tribunal de commerce de Besançon avait prononcé 67 redres sements et 116 liquidations. Sur le seul mois d’octobre 2023, 19 Les procédures collectives - redressements et liquidations judiciaires principalement - sont en forte augmentation dans notre département après une accalmie sans doute artificielle pendant les années Covid. Éclairages.

de défaillances d’entreprises avait été divisé par trois par rapport à la nor male. Pierre-André Dubreuil a son explication : “Au tribunal de commerce, c’est souvent l’Urssaf qui assigne les entreprises en défaut de paiement. Mais pendant le Covid, avec le “quoiqu’il en coûte”, on n’a pas vu l’Urssaf pendant près de trois ans, les services avaient l’ordre de ne plus assigner, d’où la chute vertigineuse du nombre de procédures. Le problème, c’est que cette période de pause n’a fait qu’aggraver le problème pour certaines entreprises fragiles qu’on voit désormais passer devant notre tri bunal” résume le président qui souligne aussi que cette pause forcée des pro cédures pendant le Covid a donné à certains chefs d’entreprise peu scru puleux le sentiment qu’ils ne pouvaient rien leur arriver, protégés qu’ils étaient par les aides de l’État-nounou. Seulement, pour eux, c’est désormais le moment de rendre des comptes, de payer leurs cotisations sociales quand il n’y a pas en plus un P.G.E. à rem bourser. Ce contexte nouveau explique en bonne partie la forte orientation à la hausse des défaillances d’entreprises depuis le début de l’année. Et les dégâts ne semblent pas près de cesser. n J.-F.H.

entreprises du département ont été mises en liquidation par les juges com merciaux. “Le nombre de défaillances est en effet très important en ce moment et d’ici la fin de l’année, nous devrions rester sur cette même courbe” observe Pierre-André Dubreuil, le président du tribunal de commerce. Deux secteurs d’activité sont particulièrement tou chés : les entreprises du bâtiment et le commerce de détail. Pour le bâtiment, rien d’étonnant quand on sait que la construction neuve s’écroule et que le marché immobilier est quasiment à l’arrêt, avec une chute vertigineuse du nombre de crédits immobiliers accordés, de l’ordre de - 40 % cette année chez les principaux acteurs bancaires. Le petit commerce lui aussi, est en souf france, on peut le constater par exemple dans les centres-villes comme Pontarlier notamment. Si on analyse les chiffres de plus près, on constate que ces liquidations concer nent essentiellement de très petites entreprises, parfois sans salariés ou avec un ou deux salariés seulement. Il ne s’agit pas des P.M.E. ou des indus tries. Mais la tendance est bel et bien à la hausse des procédures collectives depuis plusieurs mois. Pendant la crise sanitaire, le nombre

Pierre-André Dubreuil, le président du tribunal de commerce de Besançon estime que le nombre de défaillances d’entreprises ne devrait pas baisser dans les prochains mois

ASSOCIATION Financement solidaire “On voit davantage de familles et de travailleurs en difficulté” Inflation et crise énergétique amènent de nouvelles demandes

tendu par le contexte écono mique. “Ce qu’on voit de plus en plus et qu’on ne voyait pas avant, ce sont ces couples qui, malgré leurs deux salaires, rencontrent des difficultés. La notion de tra vailleurs pauvres n’est pas qu’un concept, on les rencontre vrai ment” , souligne Florence Dau gey. L’an dernier, la Caisse a ainsi accompagné 13 % de couples avec enfants. Sur les 186 demandes de microcrédit enre gistrées, 54 % émanaient de sala riés (dont 46 % en C.D.I.). “On accueille aussi beaucoup de familles monoparentales, mais cela, ce n’est pas nouveau.” Plus récemment, deux dossiers ont également été enregistrés coup sur coup pour des personnes isolées de plus de 75 ans, au motif d’endettement ou pour supporter des frais de chauffage. “Cela questionne” , alerte la char gée de mission et unique salariée de l’association. Elle est heureu sement épaulée par une dizaine de bénévoles dans l’accompa gnement de ces emprunteurs.

à la Caisse solidaire de Franche-Comté, qui accueille de plus en plus de travailleurs pauvres. L’association, qui a son siège à Besançon, est spécialisée dans le micro-crédit personnel et l'éducation budgétaire.

L e mois de novembre met à l’honneur l’Économie sociale et solidaire et les acteurs locaux, comme la Caisse solidaire. Une association dont on méconnaît les actions et qui joue pourtant un rôle clef d’interface entre les exclus du crédit classique et les banques. Depuis son local du 6, rue de la Madeleine, elle est amenée à régler bien des problèmes finan ciers, de l’achat urgent de mobi lier en cas de séparation, à la dette de loyer, en passant par la nécessité de se soigner malgré un gros “reste à charge” ou le maintien d’un emploi en cas de panne de voiture. “Les besoins sont variés” , recon naît Florence Daugey, chargée de mission à la Caisse Solidaire, “et les chances d’obtenir un prêt sont très réduites, quand on est

déjà en difficulté (allocataires de minima sociaux, demandeurs d’emploi ou en contrat tempo raire, personnes surendettées… ).” Créée en 2003 à la suite d’une réflexion sur l’exclusion sociale menée par l’État avec 12 villes, dont Besançon, la Caisse soli daire favorise ainsi l’accès au micro-crédit personnel. Des emprunts, garantis par la Région ou l’État, qui débutent à quelques centaines d’euros et qui sont éta lés sur trois ans ou plus “pour adapter les mensualités au bud get de chacun et faire en sorte que les échéances puissent être honorées” , précise la chargée de mission. L’association travaille avec trois banques partenaires : le Crédit municipal de Nantes, la Caisse d’Épargne de Bourgogne

Franche-Comté et Créasol. “Les demandeurs peuvent soit nous contacter directement, soit nous être adressés par les prescripteurs sociaux. On se charge alors de les accompagner en constituant un dossier et en faisant le lien avec la banque.” Les dossiers n’aboutissent bien sûr pas tous. Seuls 38 % en

Florence Daugey accueille et aide les deman deurs à constituer un dossier.

moyenne sont finalisés à la banque. Reste qu’en 2022, 51 prêts ont été accordés pour un montant total de 179 000 euros. L’année en cours devrait être sur le même niveau, avec l’arrivée même d’un nou veau public sous

54 % des demandeurs ont un emploi.

Elle mène des actions d’éduca tion budgétaire en amont, par le biais du jeu de plateau Dilemme, et accueille et conseille les personnes surendettées en aval. Ce qui a déjà donné lieu à un peu plus de 400 accompagne ments de surendettés. n S.G.

“C’est la particularité de notre Caisse. On ne les lâche pas une fois le prêt attribué. Nos bénévoles, qui bénéficient de formation à la Banque de France, gardent le lien avec eux, répondent à leurs besoins et anticipent les éventuels incidents de paiement.” Depuis 2010, l’association a éga lement élargi ses actions au surendettement, en devenant une antenne Crésus* en région.

*Chambre RÉgionale du SUrendettement Social

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