La Presse Bisontine 257 - Novembre 2023

6 L’ÉVÉNEMENT

La Presse Bisontine n°257 - Novembre 2023

LA JUSTICE, À BOUT DE SOUFFLE, MENACE DE PERDRE L’ÉQUILIBRE

l Tribunal de Besançon Manque de moyens Magistrats non remplacés, la profession sur la corde raide Au tribunal de Besançon, le manque d’effectifs, notamment de magistrats et de greffiers, se fait cruellement sentir. Depuis septembre, huit audiences correctionnelles du mercredi ont été supprimées et renvoyées. Pour les autres, la voilure est réduite. Le manque d’effectifs et de moyens dans la justice n’est pas nouveau. Mais depuis septembre, au tribunal de Besançon, des audiences sont supprimées et renvoyées, faute de magistrats. Le désarroi des magistrats s'ajoute à celui des greffiers dont la colère gronde depuis cet été.

Alexandra Chaumet est substitut du procureur, et déléguée syndicale pour le Syndicat de la magistrature.

L a balance de la justice est-elle sur le point de vaciller ? Car si d’un côté, les magistrats, per sonnel de greffe et administratif tentent de garder l’équilibre grâce à leur investissement et conscience profession nelle, ils ont, d’un autre côté, de plus en plus de mal à faire le poids face au manque de moyens récurrent et notam ment d’effectifs. À Besançon, depuis septembre, huit audiences correctionnelles du mercredi ont été supprimées (c’est-à-dire renvoyées dans un avenir plus ou moins proche). À titre d’exemple, fin septembre devait avoir lieu une audience dans laquelle la fromagerie Mulin de Noironte était appelée à comparaître pour répondre d’atteintes environnementales. En pre mier lieu, cette audience était prévue début février 2023. Elle est finalement reportée au 29 mars 2024, soit plus d’un an d’attente ! Certes, les audiences consa crées à l’environnement sont rarement prioritaires face à la masse d’affaires liées au trafic de stupéfiants, aux vio lences conjugales, aux conduites dange reuses, cambriolages, vols, etc. Reste que

cet exemple illustre bien un système judiciaire grippé. “En septembre, nous sommes à moins 5 magistrats. Sur trois départs, il y a deux arrivées de magistrats mais qui sont en formation, donc ils ne sont pas tout de suite en juridiction, relève Alexandra Chaumet, substitut du procureur et déléguée pour le syndicat de la Magistrature. Au niveau des magis trats du siège, ils sont moins 3, avec un poste vacant de juge pour enfants et deux congés maternité. Au Parquet, le départ pour Lons-le-Saunier de la substitut Julie Fergane n’a pas été remplacé.” À cela s’ajoute le manque de juges ou de substituts placés dont l’objectif prin cipal est de pallier temporairement les départs, congés, maladies… Or, avec le surcroît d’activité, ils sont utilisés pour les postes vacants. Le service d’applica tion des peines comptait un seul magis trat en septembre alors que la maison d’arrêt de Besançon est l’une des plus importantes de Franche-Comté. “Les débats ont été renvoyés, seules les urgences ont été traitées comme le non-respect de sursis probatoire, des évasions, des com parutions immédiates” , souligne Alexan

dra Chaumet. Les audiences collégiales au civil ont été réduites de 30 %, le pôle social de 10 %, les traitements du contentieux des affaires familiales réduit de 20 %. Or, le juge aux affaires familiales traite un gros volume d’affaires, qui peuvent devenir des nids à problèmes si elles ne sont pas traitées à temps. “On a conscience que derrière les dossiers, il y a des vies qui sont impactées, c’est pour

poursuit la substitut qui dénonce en outre le sous-dimensionnement du tri bunal de Besançon par rapport aux effec tifs. Le syndicat de la magistrature réclame une véritable prise en compte de la charge de travail, ainsi que plus de magistrats et de greffiers, rapidement. “Comme à l’hôpital public, comme les médecins, on s’habitue à travailler dans l’indigence, sauf qu’on n’a pas leur vie entre nos mains mais leur liberté.” Usés, certains magistrats n’attendent plus rien, lassés par des promesses qui ne débouchent sur rien. Pire, ils déplorent la vision de l’opinion publique, mécon tente, sur une justice lente, laxiste, vision qui contribue un peu plus au découra gement de la profession. n L.P.

déléguée syndicale. Les conséquences se font ressentir phy siquement : burn-out , accidents vascu laires cérébraux… certains sont sur la corde raide. “On peut constater qu’il y a des efforts sur les effectifs, mais combien de temps on va pouvoir encore tenir ?” , s’interroge Alexandra Chaumet. Le bud get de la justice prévoit le recrutement de 10 000 fonctionnaires d’ici 2027, 1 500 dans la magistrature, 1 800 pour les greffes ainsi que la création de la fonction d’attaché de justice. “Banco pour les ren forts, même si va se poser la question de la place pour les accueillir. Par ailleurs, tout le monde ne bénéficie pas de l’aide des contractuels, qui ne sont pas non plus assez nombreux. En plus, cela pro voque une surcharge de travail des gref fiers qui s'ajoute à celle des magistrats” ,

ça qu’on accepte les heures supplémentaires, qu’on ramène du travail le week-end parce qu’à un moment donné, on n’a plus le choix. Certains collègues partent à 21 heures parce que le tribunal ferme, sinon ils resteraient. Si quelqu'un tombe malade, tout se grippe. Globalement, j’es time avoir un salaire décent avec les primes, mais ça ne vaut pas les heures et les responsa bilités” , remarque la

“On s’habitue à travailler dans l’indigence.”

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