La Presse Bisontine 255 - Sepetmbre 2023

30 Le Grand Besançon

La Presse Bisontine n°255 - Septembre 2023

Quelques recommandations du rapport l Faire de l’approche genrée un axe stratégique du prochain plan de santé au travail. l Élaborer une stratégique nationale pour la santé des femmes, incluant un volet “santé des femmes au travail”. l Adapter les mesures de prévention primaire et secondaire aux conditions de travail des femmes (ex. : postes et équipements adaptés, produits de nettoyage de substitution, interdiction des mono-brosses sur les sols amiantés, nombre minimal de soignants par patient, etc.). l Renforcer les sanctions à l’encontre des employeurs ne respectant pas les obligations d’aménagement de poste après un arrêt de travail de longue durée. l Revoir la liste des critères de pénibilité. l Faciliter la reconnaissance des cancers du sein et des ovaires en maladie professionnelle. l Assurer une meilleure communication des employeurs auprès des femmes enceintes sur leurs droits pendant la grossesse. l Concernant le parcours de l’assistance médicale à la procréation : adapter le régime des absences au travail, notamment pour les conjoints, mettre en place une stratégie nationale de lutte contre l’infertilité avec un volet travail, inciter les professionnels de santé à s’adapter à la vie professionnelle des femmes. l Au sujet de la ménopause : mieux informer les employeurs et les professionnels de santé sur les symptômes de la ménopause, réfléchie à une adaptation des conditions de travail à la sympto matologie de la ménopause, actualiser les recommandations de la Haute autorité de santé relatives aux traitements hormonaux de la ménopause. l Ajouter l’endométriose à la liste des affections de longue durée permettant de supprimer le délai de carence et donc les pertes financières en cas d’arrêts de travail répétés.

POLITIQUE

La sénatrice du Doubs Annick Jacquemet “Il y a beaucoup à faire pour la santé des femmes au travail” “La santé des femmes au travail, des maux invisibles” : c’est le rapport d’information sur lequel a travaillé l’élue de Saint-Vit. Il en ressort une forte inégalité hommes-femmes face à cette question. Éclairages.

L a Presse Bisontine : Usure phy sique et psychique, troubles musculo-squelettiques plus importants, cancers plus fré quents : les femmes au travail seraient donc soumises à une plus grande souf france que les hommes ? Annick Jacquemet : C’est en effet le résultat de ce rapport d’in formation que nous avons pré paré pendant six mois, après avoir auditionné plus de 60 per sonnes, associations, socio-pro fessionnels, organisations syn dicales, professionnels de santé, etc. Notre travail s’est concentré sur quatre catégories de métiers : les métiers du “care”, c’est-à-dire du soin et de l’accueil de personnes âgées, les métiers de représentation comme hôtesse ou mannequin, la grande distribution, et les métiers de la propreté. Toutes les études sur la santé au travail menées jusqu’ici n’étaient pas sexuées. Il existe pourtant dans les textes de loi un principe d’évaluation des risques au travail en fonction du sexe, mais ces textes ne sem blent toujours pas appliqués près de dix ans après leur pro mulgation.

hommes-femmes face à la santé au travail ? A.J. : Ce rapport le confirme en effet. Par exemple, le travail de nuit des femmes entraîne une augmentation de + 26 % du risque d’avoir un cancer du sein. Le travail de nuit est a priori plus nocif pour les femmes que pour les hommes. 60 % des femmes dans ces catégories de profession sont touchées par des troubles musculo-squelettiques. Il y a aussi 3 fois plus de signa lements de souffrance psychique chez les femmes. Par ailleurs, 20 % d’entre elles ont subi au moins un fait de violence dans le cadre du travail au cours de l’année écoulée (agression ou harcèlement). Et le nombre est incalculable de ces femmes qui dans le milieu de la santé souf frent de surmenage ou font un burn-out. Ce constat est d’autant plus vrai depuis la période Covid. L.P.B. : Le rapport parle de maux invi sibles. De quoi s’agit-il par exemple ? A.J. : C’est par exemple, dans les métiers du soin, le fait de porter des charges lourdes. Le port de charges lourdes est bien régle menté dans l’industrie par exem

Annick Jacquemet dans sa permanence parlementaire de Saint-Vit.

ple, mais quand il s’agit de porter un malade pour un soin ou une toilette, il n’y a pas de règles. Et cette profession du soin est largement féminisée, ce sont des métiers occupés à 80 % par des femmes. Autre exemple : les produits chimiques utilisés dans les métiers de la propreté, sont souvent cancérigènes. Sept de ces produits couramment utili sés ont été détectés comme des agents cancérigènes. L.P.B. : Avez-vous abordé la question des congés menstruels. L’Espagne a récemment adopté cette mesure. Qu’en pensez-vous ? A.J. : Nous avons abordé dans ce rapport la question de la santé sexuelle au sens large. Le par

cours de l’assistance médicale à la procréation par exemple, est souvent semé d’embûches avec des répercussions quasi systématiques sur la vie pro fessionnelle. La ménopause qui concerne 14 millions de femmes au travail avec ses conséquences dans la vie professionnelle. L’en dométriose, les règles doulou reuses, tout cela a été étudié. Nous avons également fait un voyage d’étude à Taïwan où un jour d’absence par mois a été accordé aux femmes pour les règles. Et pour respecter l’éga lité, ils ont également mis un jour de congé supplémentaire pour les hommes !

A.J. : Pour le coup, ça va un peu loin ! Il faut aussi se mettre à la place des chefs d’entreprise. Il faut aussi considérer qu’en cas de soucis personnels de santé, la médecine est là pour prescrire des arrêts quand il le faut. Je serais donc un peu plus mesurée pour ce genre de déci sions. Les recommandations que nous avons faites à la fin du rap port sont, je pense, de bon sens et mesurées. L.P.B. : Comment va vivre ce rapport sénatorial ?

A.J. : À la rentrée, nous ferons des propositions pour que le gou vernement se saisisse de cette question. Entre-temps, les deux ministres concernés ont changé (Santé et Égalité femmes hommes), nous allons saisir les deux nouveaux ministres et leur présenter les conclusions de notre rapport qui j’espère abou tira à une proposition de loi. Même si on n’est plus au temps de Zola, il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine. n Propos recueillis par J.-F.H.

L.P.B. : Il y a donc une vraie inégalité

L.P.B. : Vous approuvez ?

SAINT-JUAN Produits de ferme La ferme de Saint-Juan développe sa vente directe de saucissons Avec le maraîchage, l’élevage laitier pour le comté, et l’élevage de porcs de race corse, la ferme de Saint-Juan sur le plateau de Bouclans met en valeur les produits locaux en circuit court. Pour maîtriser entièrement la fabrication de leurs saucissons, l’exploitation doit investir dans un séchoir.

Vente à la ferme le vendredi de 17h à 19h et le samedi de 10h à 12h30. Les produits de la ferme de Saint-Juan sont aussi présents en ligne sur la plateforme Locavore

Pour boucler leur investissement, les paysans font appel à un financement participatif* qui doit récolter dans un premier temps 8 000 euros. “C’est aussi une manière pour tous ceux qui aiment nos produits d’être acteurs, souligne Laurence. C’est dans le prolongement de ce qu’on aime, c’est-à-dire le partage avec les gens. Nous sommes ouverts pour recevoir les gens, leur expliquer comment on travaille, c’est important pour faire le lien et remettre de la confiance dans l’agriculture.” n L.P. *Le financement participatif est ouvert jusqu’au 7 septembre pour atteindre le premier palier, soit 60 % des 8 000 euros. Chaque contribu teur reçoit une contrepartie. miimosa.com/fr/projects/des-sau cissons-seches-directement-a-la ferme-de-saint-juan

L aurence et Mehdi, à la tête de la ferme de Saint-Juan se nom ment volontiers paysans, et non agriculteurs. Le respect du circuit court, du rythme des animaux et de la nature font partie des valeurs de la ferme. En 2016, alors que Mehdi reprend la ferme familiale derrière son oncle, il fait le choix de diversifier les productions et d’arrêter d’utiliser des produits chimiques. En 2017, en plus de l’élevage laitier pour le comté, il débute un élevage de porcs de race corse, “connus pour leur rusticité et la qualité de la viande” , souligne Mehdi. Avec Laurence qui a rejoint en 2020 la ferme, il fabrique des saucissons, en respectant toujours le circuit court. “Les porcelets naissent à la ferme en

de l’apiculteur qui utilise leur terrain pour ses ruches… Seulement voilà, afin de maîtriser de A à Z la production de saucissons, les paysans doivent investir 16 000 euros pour s’équiper d’un séchoir. À cela il faut rajouter 10 000 euros pour l’ex tension du local de vente directe. “Avant, on faisait appel à un prestataire, mais ça devient très compliqué d’en trouver un pas très loin, qui respecte nos valeurs et pas très cher. Et qui nous garantit que c’est bien notre viande et nos recettes” , observe Laurence. Refu sant de commander sur Internet en kit un séchoir, Laurence et Mehdi ont fait le choix, plus onéreux, de travailler avec une société basée dans l’Ain où la production est française.

plein air, ils sont nourris par des ali ments produits en grande partie sur la ferme. Le reste est constitué de sous produits et d’invendus de producteurs locaux” , poursuit Mehdi. Ainsi, les porcs de la ferme de Saint-Juan sont nourris avec les résidus du malt brassé de deux micro-brasseries d’Étalans et de Charbonnières-les-Sapins, de petit lait de la fruitière de Bouclans (celle là même où le lait de la ferme est utilisé pour le comté) ou encore d’invendus de boulangerie. “Les saucissons sont notre produit phare, c’est une viande qui se démarque” , ajoute Laurence pour qui la vente directe est une pas sion. Dans leur local, ils vendent les produits du maraîchage, la viande de porc, les fromages mais aussi le miel

Laurence et Mehdi vendent à la ferme les produits issus de leur production ou en circuit courts.

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