La Presse Bisontine 253 - Juillet 2023

8 L’événement

La Presse Bisontine n°253 - Juillet 2023

l Syndicat

Inspecteur du permis

“Notre bataille est la préservation de nos missions de service public”

Stéphane Besanceney est inspecteur du permis de conduire et de la sécurité routière. Il est également délégué pour la région Bourgogne-Franche-Comté et secrétaire général adjoint de Snica-F.O. Le syndicat national des inspecteurs du permis se bat pour que les missions du service public soient préservées et non marchandisées.

d’un département, et d’observer le nombre de places disponibles, de candidats, d’auto-écoles, d’en seignants, d’inspecteurs. La majorité des retards sont dus à un manque d’enseignants, pas d’inspecteurs. L.P.B. : Votre avis sur l’annonce du gouvernement d’abaisser l’âge du per mis à 17 ans ? S.B. : Nous sommes contre, c’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Cette mesure permettrait aux jeunes des zones rurales d’ac céder plus facilement à l’emploi. Si le permis était déclencheur d’emploi, ça se saurait. L’âge moyen de la population qui passe le permis est de 23 ans, le para doxe est là. À 17 ans, quelle est la maturité du futur conduc teur ? Aujourd’hui, nous sommes face à une génération qui a eu un écran très tôt entre les mains. Dans le développement cognitif, il y a moins d’actes réflexes à regarder autour de soi, la for mation prend plus de temps. Et puis quid de la conduite accom pagnée ? D’un coup, elle ne sert plus à rien. Pourquoi s’enqui quiner à la passer? Les béné fices-risques qui en découlent tombent. L.P.B. : Pourquoi cette mesure alors ? S.B. : C’est du clientélisme. Le permis de conduire a toujours été un tampon pour apaiser les tensions sociales. n Propos recueillis par L.P.

L a Presse Bisontine : Y a-t-il une pénurie d’inspecteurs du permis de conduire ? Stéphane Besanceney : Il y a eu une pénurie qui est en train d’être résorbée. Dernièrement, le ministre de l’Intérieur a annoncé 100 inspecteurs supplémen taires sur trois ans. C’est plutôt une bonne nouvelle. Nous récla mions 200 supplémentaires. La gestion des équivalents temps plein fonctionne très bien sur un fichier Excel mais ça ne prend pas en compte les congés, les formations, les arrêts maladie. Ce chiffre de 200 devait permet tre à l’ensemble des départe ments de pouvoir vivre correc tement et que ses inspecteurs puissent réaliser leurs missions de sécurité routière. Nous pas sons 95 % de notre temps en examen alors que ça devrait être 50-50 avec la prévention sur la sécurité routière pour tous les publics. Si par ailleurs, il y a autant de fraudes à l’examen théorique général (le Code de la route, N.D.L.R.), c’est bien parce que nous n’avons pas le temps de contrôler. L.P.B. : Le syndicat dénonce justement la fraude au Code de la route, qui

S.B. : C’est indéfendable. Heu reusement, ce genre d’affaires reste exceptionnel. À cause de cette marchandisation du code, c’est peut-être une porte ouverte supplémentaire sur la corruption d’un agent. Le corps des inspec teurs du permis, qui sont 1 300 agents au niveau national, reste intègre dans ses fonctions. On se bat pour que le permis de conduire reste au sein d’une mission de service public, les fonctionnaires ont des obliga tions comme l’égalité de traite ment et l’équité. Si le permis de conduire était externalisé, il y aurait des disparités de terri toires. Il faut qu’il reste une fonction d’État. L.P.B. : Que pensez-vous du nouveau système RDV Permis ? S.B. : C’est le même raisonnement que pour le code où le candidat s’inscrit sur Internet. On inverse la tendance, le candidat va cher cher sa place. Les trois quarts donnent mandat aux auto-écoles pour prendre sa place à l’exa men. Pour nous, cela ne change pas notre quotidien. Ce qui est intéressant, c’est qu’à quelques semaines près, il permet une photographie de l’état de santé

concernerait 40 % des examens, soit presque un sur deux. Quelles en sont les raisons selon vous ? S.B. : C’est l’un des gros sujets qui occupe le syndicat, avec les agressions des inspecteurs. La décision d’il y a dix ans d’exter naliser l’examen avec un opé rateur agréé est dramatique aujourd’hui. Quand les examens étaient gérés par les inspecteurs, il y avait très peu de fraudes. c’était un épiphénomène. Là, quasiment un examen sur deux n’est pas valable. Un opérateur agréé, on lui rajoute une fonction supplémentaire, il y a quelque part la notion de marchandisa tion. Nous ne sommes plus dans la notion de service public, de rigueur, de contrôle. Nous avons l’obligation d’être incor ruptibles. “La fraude au permis qui a éclaboussé

L.P.B. : Justement, que pensez-vous de l’affaire de fraude au permis qui a éclaboussé Besançon, avec notamment un inspecteur du per mis mis en cause ?

Besançon, c’est indéfendable.”

Stéphane Besanceney est le délégué régional du syndicat Snica-F.O. des inspecteurs du permis et son secrétaire général adjoint.

l Illustration

Des délais à rallonge

C ertains parents s’impatien tent, les élèves aussi, mais les responsables d’auto-école n’y sont pour rien dans cette situation dont le principal coupable se nomme “R.D.V. permis”, la nouvelle plateforme d’inscription au permis de conduire mise en place par le gouver nement il y a déjà plusieurs mois. Le résultat, “c’est qu’on a deux fois moins d’attributions de place qu’avec l’ancien système” déplore Samuel Valion, gérant de l’auto-école du même nom à Mor teau. Auparavant, c’était le centre des permis de conduire de la Direction départe mentale des territoires à Besançon qui attribuait à chaque auto-école du Doubs les places aux examens, chaque mois. Le nouveau système “R.D.V. permis”, entièrement dématérialisé, permet aux candidats de s’inscrire n’importe où en France, mais ce nouveau système d’attribution automatisé ne prend aucunement en compte les réalités du terrain. “Nous avons dans le Haut Doubs beaucoup de personnes qui vien nent pour travailler en Suisse, beaucoup de conjoint(e)s qui vivaient en ville et blème. La D.D.T. du Doubs a récemment fait parvenir une note interne aux pro fessionnels de l’auto-école reconnaissant que “l’équipe éducation routière du Doubs connaît depuis quelques mois des difficultés concernant l’effectif d’ins pecteurs. Si des remplacements sont prévus à terme, nous n’avons pas la maîtrise de ces échéances” reconnaît la direction des territoires qui semble impuissante, d’autant que depuis la crise sanitaire de 2020, le principe des renforts nationaux n’existe plus. “L’offre de places d’examens ne pourra donc plus atteindre le niveau très élevé de ces trois dernières années” prévient la D.D.T. qui compte sur les auto-écoles pour “envisager le lissage des examens sur une période un peu plus étendue.” Rien que sur son auto-école, Samuel Valion a actuellement une trentaine d’élèves dans l’attente d’une date pour passer leur examen et il est contraint régulièrement de refuser d’inscrire de nouveaux élèves en formation. En attendant que le système se dégrippe, le professionnel, comme les candidats au permis, rongent leur frein. n J.-F.H. Ça bouchonne dans les auto-écoles du Haut-Doubs Les professionnels de l’auto-école déplorent là-bas une dégradation de la situation liée notamment à ce nouveau système national d’inscription à l’examen du permis. Explications. Samuel Valion, comme ses confrères du Haut-Doubs, alerte sur l’engorgement du système. “Nous n’avons pas la maîtrise des échéances” reconnaît la direction des territoires. qui une fois arrivés ici s’aperçoivent qu’un permis de conduire est indispen sable et au final, on a beaucoup moins de places attribuées chaque mois pour passer l’examen que de besoins. Avec l’ancien système, nous avions une tren taine de places par mois, nous sommes tombés à une quinzaine tout juste. Les candidats aux permis et les parents sont mécontents” détaille Samuel Valion qui a récemment alerté la députée Annie Genevard de cette situation devenue critique. Un deuxième phénomène explique les retards pris dans le passage de l’examen au permis de conduire : la pénurie d’inspecteurs dans le département, renfor cée récemment par la suspension de l’un d’entre, soupçonné d’avoir été impliqué dans une affaire de permis frauduleux. Les autorités préfec torales elles-mêmes reconnaissent le pro

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