La Presse Bisontine 248 - Février 2023

4 L’interview du mois

La Presse Bisontine n°248 - Février 2023

ACTUALITÉ

Jean-François Colombet, le préfet du Doubs

“J’utilise toute mon énergie pour que la R.N. 57 soit réalisée au plus vite” En ce début d’année, le préfet du Doubs balaie les principaux sujets d’actualité du département. Entre les questions sociales, environnementales, sanitaires, économiques et énergétiques, les problématiques ne manquent pas. Interview.

L a Presse Bisontine : Commen çons par le sujet dramatique de la situation à Planoise et ces jeunes qui meurent sous les balles dans un quartier gangrené par la drogue. Comment reconquérir ce territoire perdu de la République ? Jean-François Colombet : Planoise n’est pas un quartier perdu pour la République. Il existe des raisons objectives d’espérer que les len demains seront meilleurs malgré les drames récents. Parce que d’abord l’activité judiciaire offre une réponse ferme et les fonction naires de police, et de gendarmerie dans la périphérie de Planoise, obtiennent de vrais résultats : les opérations anti-rodéos, les squats démantelés - plus d’une soixan taine en quatre mois -, la lutte contre les points de deal , la nou velle brigade spécialisée de terrain, la présence 7 jours sur 7 de poli ciers, etc. Nous avons une vraie stratégie de sécurité pour ce quar tier. Malheureusement, l’argent des stupéfiants irrigue ce territoire et crée une force d’attraction pour des jeunes qui se cherchent. Pour un gamin de 15 ans, il n’y a pas d’autre issue dans cette guerre des stups que la prison ou la mort. L.P.B. : Que pouvez-vous faire de plus ? J.-F.C. : Des crimes de sang sont commis sur ce territoire, mais nous agissons. En même temps, il nous faut conduire une action ambi tieuse pour

être contestée et que la justice rende le droit. En ce qui concerne les tirs de défense que j’ai autorisés, je ne regrette pas du tout ma décision. Ces tirs avaient pour objectif de faire baisser la pression de la prédation sur nos élevages, notamment sur les génisses qui vivent plus éloignées des exploitations. Deux loups ont été abattus, nous sommes d’ailleurs loin du quota autorisé par la loi, et ces tirs n’affectent en rien la survie de l’espèce. Il faut sur ce point conti nuer à cheminer sur une ligne de crête qui concilie à la fois la protec tion de l’espèce lupine dans laquelle la France est engagée et d’un autre côté la protection de nos troupeaux. Le Conseil régional et l’État finan cent le poste de médiateur ouvert par l’Office français de la biodiversité, pour engager des expérimentations de protection des troupeaux sur notre massif jurassien. Je précise enfin que les tirs de défense n’ont été auto risés que quand le loup était en posi tion d’attaque et sous le contrôle de l’O.F.B. En ce début d’année, j’ani merai des discussions avec les asso ciations de protection de l’environ nement pour protéger les troupeaux. Et sur ce point, on ne peut pas balayer d’un revers de la manche la crainte des gens par rapport au loup. Car nous allons devoir vivre avec cette espèce. L.P.B. : Dans le contexte économique, l’emploi semble être une de vos priorités de ce début d’année. Quelle est votre vision sur ce point ? J.-F.C. : Notre département n’est pas homogène sur ce sujet. Avec un sec teur de Montbéliard qui a encore un taux de chômage élevé autour de 9 %, un bassin d’emploi de Besançon qui est quasiment au plein-emploi avec 6 %, et un Haut-Doubs déjà au plein-emploi. Si bien qu’on a un dou ble défi : former ces derniers deman deurs d’emploi qui restent éloignés du marché du travail et regarder ce qu’il se passe au sein même des entreprises. En ce début d’année, certaines sont en réel danger parce qu’elles n’arrivent plus à recruter. Sachant que 19 % des emplois du Doubs sont industriels. Fin janvier, je prendrai l’initiative de mettre autour de la même table les chefs d’entreprise, les services de l’État, les collectivités pour d’abord qu’on se mette d’accord sur le constat. Et qu’ensuite on travaille sur les vrais obstacles que sont la mobilité,

de santé, une diversification cul turelle, un soutien à la parentalité pour mieux associer les parents de mineurs aux travaux de leurs enfants et que les liens avec la communauté éducative soit ren forcés. L’État débloquera des moyens mais il ne peut pas régler seul le problème. C’est la raison pour laquelle nous sommes dans une approche partenariale et une vision globale. L.P.B. : Second sujet dramatique : l’état des rivières et notamment la mortalité piscicole dans le Doubs franco-suisse. Est-on arrivé à un point de non-retour ? J.-F.C. : Le plan “rivières karstiques” que nous avons lancé cet automne repose sur une task force et aboutit à des actions très concrètes, avec une politique régalienne très ferme en direction des activités produc trices d’effluents. Des mises en demeure, des perceptions d’as treinte ont déjà été enclenchées. Nous poussons fortement tous ceux qui dans la filière agricole ou fro magère n’ont pas encore engagé d’investissements de mise aux normes à le faire. Beaucoup l’ont compris et se sont mis aux normes dans les derniers mois. Nous conti nuons à mettre la pression car sur ce point je veux des résultats. Je rendrai d’ailleurs compte des pre miers résultats de cette task force dès le mois de mars et je ferai en sorte que tout sur cette question soit transparent. L.P.B. : La filière comté n’a-t-elle pas trop pris d’essor dans notre département ? J.-F.C. : La filière comté est un trésor pour notre ruralité, elle fait vivre et rémunère au juste prix nos agri culteurs. Cette filière apporte un développement économique et tisse notre territoire. Il y a encore, c’est vrai, au sein de cette filière quelques opérateurs qui ne jouent pas encore le jeu. C’est vers eux que se concentre notre action. L.P.B. : Autre sujet environnemental qui cristallise les divisions : le loup. Comment réconcilier les pro et les anti-loups et comment réagissez-vous au recours judi ciaire que des associations ont intenté en fin d’année contre votre décision d’au toriser des tirs de défense ? J.-F.C. : Nous vivons dans un état de droit. Quand une autorité publique prend une décision, il est tout à fait normal qu’elle puisse

Historique l Depuis le 12 juillet 2021, Jean-François Colombet est préfet du Doubs, il a 62 ans l 2021 : il est titularisé préfet l 2019 : préfet de Mayotte, délégué du Gouvernement l 2017 : secrétaire général de la préfecture de la Haute-Garonne (classe fonctionnelle I) l 2014 : secrétaire général l 2011 : il est réintégré sous-préfet hors classe, directeur de cabinet du préfet de la région Alsace, préfet du Bas-Rhin l 2010 : adjoint au secrétaire général pour les affaires régionales de la région Rhône-Alpes l 2008 : détaché administrateur civil, chargé de mission auprès du secrétaire général pour les affaires régionales auprès du préfet de la région Rhône-Alpes l 2008 : sous-préfet hors classe l 2006 : sous-préfet de Château-Thierry l 2005 : directeur de cabinet du préfet de la Région Réunion, préfet de la Réunion l 2004 : titularisé sous préfet l 2003 : sous-préfet de 2ème classe, sous-préfet de Pithiviers l 2000 : directeur des services du cabinet du préfet de l’Ardèche l 1995 : secrétaire général de la sous-préfecture de Montbrison (Loire) 1992 : animateur de formation de la préfecture de la Loire 1986 : affecté à la préfecture de la Loire. Bureau de la circulation, cabinet du préfet 1984 : attaché de préfecture à la préfecture de l’Oise. Affecté au cabinet du préfet de la préfecture de la Guadeloupe (classe fonctionnelle II)

Jean-François Colombet, préfet du Doubs, balaie les principaux sujets d’actualité du département en ce début d’année 2023.

le logement, la for mation, de manière à ce que notre patrimoine économique sur vive à cette crise du recrutement. Car en même temps, côté suisse, avec un dyna misme écono mique toujours aussi important et une démographie insuffisamment bonne, c’est plus de 30 000 emplois qui seront à pour voir et je vois là un vrai risque de dépouiller nos entreprises. En matière d’emploi, il faut engager des

ritoire pour pérenniser ses capacités de production ? C’est une vraie ques tion qui mérite qu’on la creuse. Ce peut être aussi l’objet de ce plan dont les résultats seront communi qués fin mars. L.P.B. : Êtes-vous en mesure en ce début d’année de rassurer les Bisontins sur la suite du programme de réalisation de la 2 X 2 voies sur la R.N. 57 entre Beure et Micropolis, vous qui avez signé la déclaration d’utilité publique de ce projet en fin d’an née ? J.-F.C. : J’utilise toute mon énergie pour faire en sorte que ce projet soit réalisé au plus vite. Le dossier tech nique est prêt, j’ai enfin signé cette D.U.P., nous avons réaménagé le projet en fonction des conclusions de l’enquête publique. J’ai mainte nant bon espoir que le financement de ce projet soit inscrit dans le contrat de plan État-Région 2023 2028 dont l’élaboration a pris quelques mois de retard. Le préfet de Région devrait annoncer les résul tats des arbitrages ministériels pro chainement. L.P.B. : Quid des risques de délestage en matière d’électricité pour cet hiver dans le Doubs ? J.-F.C. : En octobre, quand j’ai parlé de ce sujet pour la première fois aux élus locaux et aux branches profes sionnelles, nous étions dans une situation moins favorable qu’au jourd’hui. D’ici la mi-février, 7 à 9 nouvelles tranches nucléaires devraient être remises en service et les réserves hydroélectriques sont

redonner un horizon à ces 600 ou 800 jeunes perdus. C’est ce qui va nous ame ner à signer à la fin du mois de janvier un “pacte pour l’émancipa tion des jeunes de Planoise” qui réunira de nom breux parte naires et finan ceurs autour d’une stratégie globale et concrète qui concernera à la fois l’insertion, l’accès à l’emploi, la découverte des milieux écono miques, des offres de soins et

“Nous allons devoir vivre avec le loup.”

“Pour un gamin de 15 ans, pas d’autre issue que la prison ou la mort.”

politiques disruptives. Nous sou tiendrons par exemple les aides à la pierre pour soutenir les collecti vités locales en matière de création de nouveaux hébergements. L’emploi n’est plus un sujet de travail, c’est une approche globale sur ce que ce territoire peut offrir. L.P.B. : Le ministère de l’Industrie lance un grand plan de dynamisation de l’horlogerie française. Une énième étude ? J.-F.C. : Non, il s’agit de trouver les clés pour consolider une filière fran çaise qui n’entre pas en concurrence avec les Suisses. Pourquoi l’industrie horlogère suisse ne trouverait pas un intérêt à investir dans notre ter

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