La Presse Bisontine 243 - Septembre 2022
24 Le dossier
La Presse Bisontine n°243 - Septembre 2022
l Tallenay Vieilles pierres L’église du village abriterait l’une des plus anciennes cloches du Doubs Une souscription sous l’égide de la Fondation du patrimoine a permis à la commune de restaurer la toiture de l’église et de la sacristie.
l Vaire 100 000 euros Son combat pour
sauver l’aqueduc d’Arcier À l’origine de l’association “L’aqueduc d’Arcier - patrimoine historique”, Jean-Pierre Mettetal se bat depuis des années pour la sauvegarde d’un des derniers témoins locaux de l’époque romaine.
A près tant d’années d’ef forts, il ne cache pas une certaine lassitude Jean Pierre Mettetal. Cet ancien hydrogéologue a fait de la sau vegarde de l’aqueduc d’Arcier un de ses combats. L’édifice dont il ne reste que peu de traces est un des derniers témoins de l’époque romaine dans le Grand Besançon et le seul de ce type en Bourgogne-Franche-Comté. Jean-Pierre Mettetal n’hésite pas à l’affirmer : “Sans la source d’Arcier et cet aqueduc construit au I er siècle sous le règne de Ves pasien, qui acheminait l’eau jusqu’à Besançon sur une lon gueur de plus de 10 km depuis Vaire, viaChalèze etMontfaucon, Besançon n’aurait jamais pu se développer ainsi et devenir la principale ville de Franche Comté.” Depuis dix ans qu’il a fondé cette association de sauvegarde, M. Mettetal et les bénévoles n’ont pas ménagé leur peine : visites, conférences et même
Jean-Pierre Mettetal se bat depuis plus de dix pour sauver ce qu’il reste de l’ancien aqueduc
film en réalité virtuelle pour faire connaître cet aqueduc. Ils tentent aujourd’hui de convain cre les autorités de l’intérêt patrimonial comme touristique de ces vestiges dont la principale trace encore visible est l’arche de Chalèze. Si toutes les collec tivités sont convaincues du bien fondé de la démarche de l’asso ciation, aucune ne veut prendre lamaîtrise d’ouvrage d’éventuels travaux de conservation. “Il y en aurait pour 100 000 euros. Lamairie de Chalèze où se situe cette arche n’a pas les moyens,
G.B.M. dit que ce n’est pas de son ressort.” L’espoir de M. Mettetal réside aujourd’hui dans le probable classement prochain de l’édifice romain au titre desMonuments historiques. Si une collectivité décidait de prendre la maîtrise d’ouvrage de ce dossier,M.Met tetal assure qu’enmois de deux ans il pourrait via ses contacts et avec l’appui de la Fondation du patrimoine réunir les sommes nécessaires. La balle est donc dans le camp des col lectivités locales. n J.-F.H.
Ludovic Barbarossa et Catherine
Loulier devant l’église.
L’ édifice modeste est méconnu. Situé au centre deTallenay, il ne passe pourtant pas inaperçu, accolé à l’ancien cimetière et tout proche d’une source miraculeuse, qui aurait selon les dires, guéri une fillette, infirme de tous ses membres, au XVIII ème siècle. Elle sonne depuis 567 ans.
prenait l’eau et subissait le poids des années. La précédente équipemunicipale avait donc commencé à deviser les travaux” , explique Ludovic Barba rossa, nouveau maire élu en 2020. Le problème majeur était évidemment celui du coût (environ 40 000 euros H.T.). “Sur un budget communal comme le nôtre de 500 000 euros, cela pèse un peu…” Hésitante à solliciter la générosité de ses habitants, alors qu’elle se trouve fraîche ment investie et en plein contexte Covid, la nou velle équipe décide néanmoins de lancer une souscription via la Fondation du patrimoine à l’automne 2020. Par cette démarche, la commune s’assurait aussi la possibilité de voir le Conseil régional abonder à la collecte de dons. “Nous avons été agréablement surpris par le succès rencontré” , note la première adjointe, Catherine Loulier. 11 790 euros sont finalement récoltés en quelques mois grâce à une soixantaine de donateurs. “Cela nous a permis de refaire les deux réfections de toiture d’un coup (église et sacristie).” Une dotation d’un peu plus de 11 600 euros au titre des équipements des territoires ruraux (D.E.T.R.), et des subventions (7 770 euros de la Région, 8 200 euros duDépartement et 2 400 euros de la Fondation du patrimoine) se sont jointes aux dons. Les travaux de restauration, réalisés par deux entreprises locales, se sont achevés au printemps. Une réception a été organisée dans la foulée par la mairie en remerciement, qui aimerait avec l’association“Art de vivre àTallenay” lui redonner un élan “en l’ouvrant pour des concerts ou lors des Journées du patrimoine.” L’édifice, recouvert de nouvelles petites tuiles, vaut davantage par son extérieur que son inté rieur, dont il ne reste plus vraiment de mobilier de qualité. Restaurée en 1869 par l’architecte Painchaux, à qui l’on doit le clocher qui la sur monte, l’église trouve là l’un de ses trésors cachés : l’une des quatre plus anciennes cloches du dépar tement (la plus vieille pour le XV ème siècle). “Elle donne l’ut dièse et sonne à Tallenay - fait excep tionnel dans l’histoire des cloches comtoises - depuis 567 ans” , précise une lettre d’information communale. n S.G.
l Interview Direction régionale des affaires culturelles “Le patrimoine est au cœur des enjeux environnementaux” Les Journées du patrimoine, organisées les 17 et 18 septembre, se sont inscrites cette année dans le thème du patrimoine durable. Cécile Ullmann, conservatrice régionale des monuments historiques à la D.R.A.C., explique cette notion, fortement liée aux enjeux environnementaux.
Mais comme toute église commu nale marquée par la raréfaction des fidèles, elle est devenue ano nyme.Aujourd’hui, on n’y célèbre plus vraiment d’office, mais parce qu’elle reste l’un des joyaux de son patrimoine et qu’elle a à charge de l’entretenir, la municipalité a planifié sa restauration. “La toiture
L a Presse Bisontine : Pouvez vous expliquer ce que signifie le patrimoine durable ? Cécile Ullmann : Derrière cette notion, il y a ces questions : com ment le patrimoine s’inscrit dans les enjeux environnementaux actuels, comment il peut être source d’inspiration, notamment dans le bâti, dans la manière de construire,mais aussi de restau rer le patrimoine ancien et plus moderne, notamment du début du XXème siècle. Je pense par exemple à ce qu’on appelle les passoires thermiques. Le patri moine est une ressource immua ble et fragile, il est au cœur des enjeux environnementaux. L.P.B. : Concrètement, comment cela se traduit sur le terrain? C.U. : Il y a tout une série d’actes et de manières de s’inspirer des techniques traditionnelles. Par exemple, dans l’utilisation de filières locales. Pourquoi aller chercher un marbre de Chine pour rénover un retable ? On peut trouver une carrière locale.
Dans une vision encore plus large, on travaille sur le recueil de l’écoulement des eaux plu viales, la gestion de l’accès au site, sur la prise en compte de la biodiversité en adaptant le rythme des chantiers aux périodes de nidification par exemple, en insérant des nids dans les couvertures de toit pour ne pas perturber la nidification des chiroptères. Enfin, on fait attention à la ges tion des ressources, notamment en électricité. Ainsi, les forges royales de Guérigny produisent leur propre électricité grâce à une turbine qui a été remise en activité. C.U. : Les jardins enmouvement de Gilles Clément à la Saline royale d’Arc-et-Senans. Il a énor mément réfléchi à la gestion du sol, aux ressources en eau, aux graines transportées naturelle ment pour créer des jardins. n Propos recueillis par L.P. L.P.B. : Un coup de cœur pour ces Jour nées du Patrimoine?
En Bourgogne-Franche-Comté, on a des laves calcaires disposées dans de fines strates. On peut y lever des dalles très fines.Autre filière, le tavaillon, qui était uti lisé pour protéger des couver tures d’églises ou de fermes pour isoler du froid. Le clocher de l’église deGray a été entièrement restauré en tavaillon. Cela per met de préserver des savoir-faire sur le territoire et de privilégier le réemploi des matières natu relles. Le patrimoine durable se traduit aussi aujourd’hui dans la manière de concevoir. Que fait-on des pierres qu’on va dépo ser car en trop mauvais état ? On les transforme en granulat. Il est aussi question d’adapter les bâtiments existants pour améliorer leur performance éner gétique, isoler un bâtiment sans lui faire perdre ses caractéris tiques patrimoniales. L’isolation par l’extérieur est une catas trophe pour le patrimoine, on promeut d’autres solutions comme l’isolation intérieure avec des matériaux biosourcés.
La toiture a pu être refaite, hors clocher qui représente un autre gros chantier.
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