La Presse Bisontine 240 - Juin 2022
Mensuel d'informations de Besançon et du Grand Besançon
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JUIN 2022
Mensuel d’information de Besançon et du Grand Besançon
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e LA BATAILLE DU GRAND BESANÇON
Les principaux candidats des circonscriptions 1 et 2 qui couvrent Besançon et toutes les communes périphériques.
P. 35 Anniversaire Le groupe Moyse fête ses 75 ans Une saga bisontine
P. 6 À 8
Les urgences au bord de la crise de nerfs L’hôpital de Besançon, un patient à soigner
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2 Retour sur info - Besançon
La Presse Bisontine n°240 - Juin 2022
La féminisation de Besançon se poursuit Avancée majeure dans la recherche contre le cancer du sein
L a Ville de Besançon a baptisé une nouvelle voie du nom d’une grande femme : Gisèle Halimi, la grande avocate mili tante décédée en juillet 2020. Cette artère piétonne longe le nouveau bâtiment du pôle administratif Viotte. Avec ce baptême qui a eu lieu le 11 mai, la Ville de Besançon poursuit ses efforts pour réparer un dés équilibre produit par l’histoire : la dénomination des rues, très largement masculines. La maire de Besançon assume pleine ment cette politique : “Nous nous sommes faits forts dans ce mandat de réparer cette injustice en nommant le plus de lieux possibles de noms de
femmes engagées. Gisèle Halimi fait partie de ses femmes qui se sont battues pour échap per à leur condition. Elle a refusé le destin qui était lié à son genre” note Anne Vignot. L’indépendance de l’Algérie, le droit à l’avortement, la recon naissance du viol comme un crime, la dépénalisation de l’homosexualité, l’opposition à la peine de mort ont été les principaux combats de la vie de cette militante féministe. “J’ai très tôt choisi mon camp, celui des victimes qui relèvent la tête, s’opposent, combat tent” disait Gisèle Halimi. Son fils Serge Halimi était présent au baptême de cette voie. “À chacune de ces cérémonies,
L e laboratoire E.P.I.L.A.B. de l’Université de Franche Comté dirigé par le médecin biologiste et virologue Georges Berbein a isolé deux nou velles souches de cytomégalovirus (C.M.V.) provenant de cancers du sein triple négatif. C’est une décou verte qui pourrait avoir de grandes conséquences dans la lutte contre le cancer du sein triple négatif, “et par la suite contre d’autres cancers” précise le laboratoire. 15 % des cancers sont directement provoqués par des virus, comme le virus de l’hépatite B à l’origine du cancer du foie, ou le papillomavirus res ponsable du cancer du col de l’uté rus, soit environ 9 000 femmes par an en France. De nouveaux traite ments sont activement recherchés pour combattre ce cancer du sein, à mauvais pronostic. E.P.I.L.A.B. travaille actuellement sur un vaccin
anti-C.M.V. en collaboration avec l’équipe I.N.S.E.R.M. 1 098 du pro fesseur Olivier Adotevi, oncologue et immunologiste au C.H.U. de Besançon et à l’Université. La découverte de ces deux nouvelles souches oncogènes de C.M.V. par ticipera très certainement au déve loppement de vaccins plus efficaces pour combattre certains cancers de très mauvais pronostic comme le cancer du sein triple négatif et le glioblastome. À noter que le projet de recherche porté par l’équipe I.N.S.E.R.M. du Professeur Olivier Adotevi a été retenu pour un finan cement de 392 000 euros par la Ligue contre le cancer. Ce projet est un programme de vaccin A.R.N. anti-cancer qui consiste à limiter la dégradation des A.R.N. messa gers dans les cellules. Une belle réussite pour la recherche bison tine. n
La cérémonie de baptême s’est déroulée le 11 mai en présence notamment de Serge Halimi (avec les lunettes), le fils de Gisèle Halimi.
combats. Et d’autres combats sont à mener car elle ne les a pas tous gagnés” commente Serge Halimi. n
je n’entends que des louanges sur ma mère, à croire qu’elle n’a jamais eu d’ennemis. Or en vérité, ça vie ne fut que de
10 logements sociaux en cœur de ville
L’ organisme Néolia a lancé officiel lement son chantier le 4 mai dernier. Le défi : transformer un ancien immeuble à usage de bureaux, rue Renan à Besançon, en une dizaine de logements sociaux. 2 appartements T1, 7 T4 et 1 T4 : 444 m² de ces locaux sur trois niveaux
autrefois occupés par le service d’archéo logie de la Ville seront ainsi transformés en logements sociaux. “Ce projet s’inscrit dans le dispositif Action cœur de ville dont Besançon bénéficie. Ces logements seront destinés aux citadins bisontins souhaitant habiter au cœur de la Boucle” présente
Xavier Llamas, directeur territorial déve loppement de Néolia qui investit 1,7 million d’euros dans cette opération de réhabili tation, largement subventionnée par les partenaires publics. “Refaire la ville sur la ville” , dixit Anne Vignot, c’est bien un des objectifs de la municipalité afin de lutter notamment contre l’artificialisation des sols, réhabiliter l’existant et redonner vie aux vieilles pierres. “80 % des entreprises intervenant sur le chantier sont situées à moins de 50 km de Besançon” ajoute Jacques Ferrand, le directeur général de Néolia. Ce programme vise l’obtention du label B.B.C. rénovation. Sa livraison est prévue pour avril 2023 et l’accueil des premiers locataires dans la foulée. Les loyers ont été fixés à partir de 122 euros un T1 de 19 m², 263 euros un T2 de 40 m² et 696 euros pour le T4 de 94 m². n
Jacques Ferrand, directeur
général de Néolia (au premier plan), dans la cour de ce futur programme social.
L’équipe E.P.I.L.A.B. de l’Université de Franche-Comté.
I l ne serait pas étonnant que l’on batte un nouveau record d’abstention à l’occasion des prochaines élections législatives des 12 et 19 juin pro chains. Pourquoi ? Non pas que les Fran çais se désintéressent de la politique, de la chose publique et des sujets de société, au contraire, mais sans doute parce qu’ils ne comprennent plus rien à rien aux manœuvres d’appareils qui brouillent le paysage politique. La République en marche devient Renaissance à quelques semaines du scrutin, avec sa composante Horizons, ses élus Agir, MoDem et ses anciens élus de droite qui rejoignent un mouvement hétéroclite nommé Ensem ble !… De son côté, la gauche ne fait pas mieux avec sous cette bannière N.U.P.E.S. - comme Nouvelle union populaire éco logique et sociale - au sein de laquelle se Éditorial Brouillage
peu plus encore la fracture ouverte qui séparait le peuple de ses élites gouver nantes et si le pays est dans cet état de fébrilité, c’est en partie le résultat de cet anéantissement volontaire des repères. Loin de nous l’idée d’intenter un procès ad hominem à un président qui a eu la stature et le cran de savoir affronter plu sieurs des pires crises que la France aura eu à traverser lors des dernières décen nies. Nous ne jugeons ni son action d’homme d’État, ni la politique qu’il impulse en tant que président de la Répu blique. Ce verdict pourra être dressé à l’issue de son second quinquennat et peut-être restera-t-il comme un président qui a fait avancer la France. Non, c’est bien la méthode employée pour déstruc turer la vie partisane française que nous jugeons. Les citoyens en retiennent pour l’instant une grande confusion et la démo cratie au sens premier ne s’en trouve pas grandie. ■ Par le directeur de la rédaction Jean-François Hauser
retrouvent agrégés des anciens ennemis socialistes, insoumis ou écologistes qui n’avaient de cesse que de s’envoyer des noms d’oiseau à la figure il y a quelques semaines à peine. Sans juger des qualités du personnage, de sa stature d’homme d’État ni même de ses idées pour la France, on ne peut s’empêcher de constater que le mouvement de pulvérisation des partis traditionnels provoqués par Emma nuel Macron aura eu pour conséquence, sous couvert de régénérer la vie politique française, soit, d’éloigner encore un peu plus le citoyen de la politique tout sim plement parce qu’il a fait voler en éclat tous les repères qui permettaient autrefois aux électeurs de se positionner clairement dans un camp ou dans un autre en fonc tion de ses idées, ses valeurs et ses convic tions, soit de les perdre complètement, voire de les jeter dans les bras des extrêmes. La macronie aura donc eu cet effet contraire à l’intention d’élargir un
Directeur de la publication : Éric TOURNOUX Directeur de la rédaction : Jean-François HAUSER Rédaction : Édouard Choulet, Frédéric Cartaud, Thomas Comte, Jean-François Hauser. est éditée par la société “Publipresse Médias” S.I.R.E.N. : 424 896 645 Rédaction et publicité : 03 81 67 90 80 E-mail : redaction@publipresse.fr Directeur artistique : Olivier Chevalier. Conception pubs : Alexandra Tattu. équipe commerciale : Anne Familiari, Aurélie Robbe, Anthony Gloriod. Crédits photos : La Presse Bisontine, B. Adilon,I. Andreff, V. Arbelet, Éditions Cêtre, J. Jacquel, Micronora, F. Mouchot, U.F.C., J. Varlet, Ville de Dijon, Wildmedia. Imprimé à Nancy Print - I.S.S.N. : 1623-7641 Dépôt légal : Mai 2022 Commission paritaire : 0225 D 80130 Ont collaboré à ce numéro : Alexandre Arbey, Sarah George.
Crédit photo : Visiolab
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4 L’interview du mois
La Presse Bisontine n°240 - Juin 2022
DIJON
Cité internationale de la gastronomie et du vin
“La Cité du bien manger, du boire bon, va rayonner sur toute la région” Dijon a inauguré la Cité internationale de la gastronomie et du vin en grande pompe, à l’image de ce projet pharaonique, à 250 millions d’euros. Le lieu est à la fois une vitrine de la gastronomie française, des vins, un espace où l’on vit une aventure en famille, entre amis, où l’on se forme, se divertit, dans un nouveau quartier réhabilité. Dominique Buccellato, passée du développement économique du Grand Besançon à cette aventure dijonnaise, passe à table.
L a Presse Bisontine : La Cité de la gas tronomie et du vin a ouvert ses portes à Dijon le 6 mai dernier devant 3 000 personnes. Plus qu’un lieu dédié à valoriser l’inscription de la gastronomie française au patrimoine culturel imma tériel de l’Unesco (2010), c’est un projet immense par son coût, 250 millions, et par sa conception. Et plus qu’une cité, c’est un quartier qui repose sur trois piliers. Lesquels ? Dominique Buccellato (directrice du pôle culturel depuis novembre 2021) : C’est un projet porté par laVille de Dijon avec le constructeur Eiffage qui repose en effet sur trois piliers : un quartier avec de l’habitat
social, en accès à la propriété. Le deuxième pilier est un lieu d’activité économique lié à la gastronomie avec le village dédié à la gastronomie et aux vins, un cinéma avec 9 salles, un restaurant gastrono mique, une brasserie, un bar qui propose une micro-brasserie, une cave avec plus de 3 000 références de vins. Le troisième pilier, c’est la partie culturelle avec deux offres : les expositions liées aux repas gastronomiques des Français dans le cadre du label Unesco, et un espace d’ex position interactif sur le format de la cité des sciences de la Villette. Les visi teurs peuvent faire eux-mêmes des expé riences à table, se rendre dans l’espace d’exposition temporaire conçue avec Pierre Hermé qui s’intitule “La pâtisserie, c’est pas du gâteau”. Au total, ce sont 1 700 m2 d’exposition. L.P.B. : Est-ce accessible à tous, aux familles par exemple ? D.B. : Oui ! Les personnes peuvent venir gratuitement et entrer dans la cité. Il suffit de choisir ce que l’on y fait. Si l’on souhaite visiter les espaces culturels, on achète un billet. Si l’on veut se balader dans l’espace boisé classé, on vient avec un bouquin. Si l’on désire écouter de la musique le week-end dans le village, on s’assoit et on écoute. Si l’on veut prendre une bière avec des copains, on s’attable et on ne fait que cela. Si l’on veut seu lement manger, on ne fait que cela. Il est possible de participer à des ateliers avec de grands chefs étoilés, de participer à des conférences ou des événements. L.P.B. : François Rebsamen,maire de Dijon, parlait de “complexité” pour un tel dossier. D.B. : La complexité a résidé dans la requa lification de l’ancien site hospitalier de 6,5 hectares, en cœur de ville, avec des contraintes liées aux fouilles, à des bâti ments amiantés. L.P.B. : La mayonnaise fonctionne-t-elle sachant que 90 % du site est animé par des privés, 10 %
De grands chefs proposent des ateliers culinaires (photo Ville de Dijon).
La cave (photo J. Jacquel).
L’interview du mois 5
La Presse Bisontine n°240 - Juin 2022
L’entrée (libre) de la Cité de la gastronomie et du vin (photo P. Arbelet).
tivement des choses très chères. À l’inverse, on peut acheter un sachet de guimauves pour gri gnoter ou une planche de jambon à 4 euros, un sandwich à l’entre côte à 5 euros. Tout dépend du choix de consommation. Idem pour les vins aux verres proposés à la carte, qui démarrent à 4 euros, et qui, peuvent effecti vement monter si vous testez un romanée-conti… L.P.B. : Un parallèle avec Besançon qui hérite, avec l’ancien hôpital Saint Jacques, du même espace que Dijon. La capitale franc-comtoise doit-elle s’inspirer de son voisin ? D.B. : Je ne m’exprimerai pas sur ce sujet. L.P.B. : Qu’est-ce qu’un repas gastro nomique au final ? D.B. : C’est manger bien, manger bon, en bonne compagnie. Ce qui caractérise le repas gastrono mique, c’est la convivialité. Et boire bon. L.P.B. : Le dernier défi, de taille, c’est inciter les personnes à revenir. D.B. : Il se passe toujours quelque chose à la Cité mais jamais la même chose. On va pouvoir vivre plein d’expériences selon son âge. n Propos recueillis par E.Ch.
comment la clientèle asiatique va revenir après le Covid, et dans quel délai. L.P.B. En tant que directrice du pôle culturel, l’offre est-elle adaptée pour ne pas décevoir cette clientèle étrangère ? D.B. : Nous travaillons avec l’Office de tourisme et nous disposons de traducteurs dans de nombreuses langues, d’audio-guides (espagnol, italien et bientôt néerlandais). Les expositions peuvent ou non se faire sans guide. On fait des propositions sur-mesure. D.B. : Plus largement ! D’ailleurs, la Région Bourgogne-Franche-Comté le voit comme un élément touristique majeur (N.D.L.R. : elle a investi 7 millions d’euros dans l’espace cul turel, qui coûte 15 millions). Au même titre que la Saline Royale d’Arc-et-Senans et de la Citadelle de Besançon, le label Unesco doit être un élément d’attractivité fort. L.P.B. : Sauf que la Citadelle de Besançon n’a pas accueilli de visiteurs supplémentaires depuis son inscription… D.B. : (silence). L.P.B. : Quels sont les premiers retours depuis l’ouverture ? D.B. : Les chiffres de fréquentation de la première semaine sont au-delà L.P.B. : Cette réalisation profite au rayon nement de Dijon.
de nos espérances avec le premier samedi 3 000 personnes qui sont rentrées dans la Cité et 1 380 qui ont visité la totalité des espaces culturels (payants).Nous sommes lucides : l’effet curiosité est là, mais nous avons des retours positifs avec des per sonnes qui sont heureuses des contenus. L.P.B. : Des choses à revoir ? D.B. : Il y a eu de l’attente pour manger. Nous retravaillons avec nos partenaires en ouvrant des tranches horaires plus larges, et pour donner la possibilité de com mander par exemple des planches à déguster dans le vil lage gastronomique. Nous avons remis des bancs dans certains espaces. Notre message est de rappeler que le lieu est ouvert gratuitement. Cela plaît aux visi teurs tout comme l’association du public dans ce lieu. Les écoles qui vivent à côté traversent la Cité, les gens du quartier déam bulent. Ce monde vit - pour le moment - bien ensemble. L.P.B. : Gastronomie rime-t-il avec prix élevé ? D.B. : Sur le pôle culturel, le pre mier billet est à 9 euros en tarif plein. Dans les boutiques du vil lage gastronomique, on a effec
Bio express l Dominique Buccellato est Bisontine d’origine l Elle a 54 ans l Elle a dirigé le service économique du Grand Besançon l Depuis novembre 2021, elle dirige le pôle culturel de la cité de la gastronomie et des vins de Dijon
L’ex-Bisontine Dominique Buccellato, ici aux côtés de François Rebsamen, maire de Dijon (photo Ville de Dijon).
L.P.B. : Il est annoncé 1 million de visiteurs par an. Ambitieux ! D.B. : C’est la presse qui l’annonce, pas nous. Les comptes, c’est à la fin 2022. L.P.B. : Parlez-nous des premiers visiteurs. D.B. : Il y a beaucoup d’étrangers, des Britanniques, Belges, Allemands, Suisses. C’est assez révélateur des touristes qui peuvent venir à Dijon. Malgré le Covid, dès que les fron tières ont été rouvertes, la clientèle européenne est revenue en nombre. La couverture presse autour de la Cité a été extrêmement relayée si bien que nous avons déjà des visi teurs d’Amérique du Sud, des États Unis…La clientèle, déjà séduite par Dijon, trouve que la Cité est un bon argument pour prolonger le séjour. Ce qui nous interroge, c’est de savoir
par la collectivité ? D.B. : Non, cela pas été difficile de trouver des acteurs désireux de s’in vestir et qui respectent le cahier des charges donné, à savoir incarner un lieu où l’on puisse se cultiver, se for mer, se divertir. La Ville a repris le pôle culturel après qu’une association a renoncé après le Covid. L.P.B. : L’État a retenu Dijon pour accueillir cette cité, aux dépens deTours, Paris-Rungis, Versailles, Lyon. Quels éléments ont séduit les investisseurs ? D.B. : L’ambition du projet, la proxi mité avec Paris, l’histoire gastrono mique de Dijon, l’ambition politi quement portée.Tout cela a sécurisé les acteurs même si tout le monde est conscient que l’histoire ne fait que débuter.
Renseignements : www.citedelagastronomie-dijon.fr
6 L’ÉVÉNEMENT
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L’HÔPITAL DE BESANÇON, UN PATIENT À SOIGNER
l Santé Les Urgences de Besançon peuvent-elles fermer la nuit ? Soignants à bout de souffle En France, les services des Urgences craquent les uns après les autres. À Besançon, huit postes sont vacants chez les médecins urgentistes, la pression est toujours plus forte sur les équipes. Pour certains, c’est le système qu’il faut changer. Faute de personnel, 100 lits sont fermés à l’hôpital de Besançon, les démissions n’ont jamais été si nombreuses, le bloc opératoire tourne à 80 %. Quant aux urgences, c’est une prouesse qu’elles tiennent encore avec une troisième ligne du S.M.U.R. qui n’intervient plus la nuit. La solution doit venir de l’État.
La société européenne de médecine d’urgence présidée par le docteur bisontin Abdo Khoury pose un diagnostic sur le malaise des urgences
L’ L’hôpital de Bordeaux a fermé ses Urgences la nuit. Seuls les patients en urgence vitale sont accueillis. Chro nique d’un système à bout de souffle que l’on dit éreinté par la Covid qui n’a finalement qu’appuyé sous la sur face de l’eau la tête d’agents asphyxiés. Sur 690 services d’Urgence en France, une centaine aurait réduit leur activité ou l’aurait fermé la nuit. Pour cet agent récemment en retraite de l’hôpital de Besançon, les rustines posées sur l’éta blissement ont craqué : “En 2018, lors d’un comité d’hygiène et de sécurité au travail (C.H.S.C.T.) qui faisait suite à la tentative de suicide d’un médecin, nous avions demandé une expertise pour risque grave aux urgences en rai son du manque de personnel. Il fallait aller vite pour sauver les urgences. Ont découlé des mesures, 63 au total, avec une enveloppe de 7,5 millions d’euros. C’était une belle rustine… sauf que la
le président qui confirme le désespoir des équipes, sinon le burn-out. À Besançon, huit postes de médecins urgentistes manquent à l’appel. Recru ter ? “On n’y arrive pas. Où sont passés ces médecins, nous l’ignorons ?” déclare la directrice de l’hôpital, à la retraite depuis mai (lire en page 8). La médecine de ville a sa part de res ponsabilité, elle qui ferme ses cabinets à 18 heures (pour certains) obligeant les patients à se reporter au C.H.U., comme lesAgences régionales de santé, qui, rappelons-le, ont revu le système des urgences dans les hôpitaux de taille inférieure à Besançon entre 2010 et 2015. L’idée était de regrouper les moyens “sauf que nous avons déshabillé Paul pour ne pas mieux habiller Jacques” image un ex-syndicaliste. Par exemple, les lignes d’urgences ont été retirées à Dole, Champagnole, Gray, Luxeuil, pour créer la troisième ligne à Besançon, fermée depuis peu. L’in
manière de travailler n’a pas changé, du coup, le pneu a éclaté.” Ce constat, le médecin-urgentiste bison tinAdbo Khoury le partage. Président de la Société Européenne de Médecine d’Urgence, le professionnel admet que l’argent injecté dans l’hôpital est un tonneau des Danaïdes tant qu’une réforme, en profondeur, n’est pas enclen chée : “Ce sont tous les services d’ur
au niveau européen, en grande difficulté.
gences au niveau euro péen, voire mondial, qui sont touchés par ce phénomène de manque de personnel et d’afflux grandissant des patients. La démo graphie vieillissante n’a pas été anticipée ! Nous en avons assez de soigner des malades venus pour une grippe. Je ne veux plus les voir aux urgences” expose
“Des grippes aux urgences, je ne veux plus en voir.”
tention, louable au départ, devait per mettre le financement des transports héliportés. Sur le terrain, le compte n’y est pas. Malgré tout, l’hôpital de Besançon tient. “On ne reçoit pas de doléances de personnes qui n’auraient pas été acceptées aux urgences. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas” , ajoute le docteur Gilles Robert, prési dent de l’Ordre des médecins du Doubs. Que certains malades aient pu rester dix heures de suite sur un brancard,
c’est un fait. La médecine, son ubéri sation, ont créé une offre. La demande a suivi, logiquement. Le 27 mai, la Société Européenne de Médecine d’Urgence, l’E.U.S.E.M. (European Society for EmergencyMedi cine) présidée par le médecin bisontin Abdo Khoury présente un état des lieux des urgences. Le diagnostic est posé. Reste à trouver les remèdes. L’ar gent ne semble qu’un placebo. n E.Ch.
L’événement 7
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l Pouilley-les-Vignes Avec le Docteur Rabier, responsable du 39 66 “Faire un tri avant que le patient n’arrive aux urgences, comme à Bordeaux”
l Hôpital Le cri d’alerte du C.O.D.E.S. 25 Des suppressions… et une surpression Le Collectif de défense de la santé du Doubs dénonce la fermeture de nombreux lits, principalement en médecine interne et en soins de suite et de réadaptation, à Besan çon et dans le Doubs. Dans le même temps, il alerte sur la difficulté croissante de recruter du personnel soignant.
dépend de la Haute autorité de la santé, le “Préfet” sanitaire, qui ont pour but de diminuer le coût de la santé.D’autres secteurs sont touchés. “Ce que l’on vit à l’hôpital on le vit aussi à l’Éducation nationale” com plète Antoine Morelli, psychiatre, lui aussi adhérent du collectif. “C’est une destruction des services publics.” Et une destruction de l’indispensable cohésion des soignants. “L’unité, la qualité des liens et de l’expérience commune d’une équipe diminue. Le plaisir au travail baisse et les risques d’erreurs augmentent. Avant, ceux qui dirigeaient l’équipe infirmière étaient des surveillants qui accom pagnaient le personnel dans les soins au quotidien. Aujourd’hui, ce sont des cadres envahis par la gestion et l'administratif qui n’arrivent plus à tenir compte de la qualité des soins. Avant le Covid, les services d’urgence étaient déjà en grève depuis deux ans. De nombreux chefs de service soutenaient le mouvement. Et on ne peut pas dire que ce sont forcément des gauchistes !” n A.A. Les suppressions depuis mai 2022 : 30 lits aux Tilleroyes à Besançon, 14 lits enmédecine interne au C.H.U. Minjoz, 1 équipe au S.M.U.R., 1 ser vice S.S.R. à la clinique Saint-Vincent, 20 lits à l’hôpital de Pontarlier, 33 lits à la clinique Saint-Pierre de Pontarlier, 10 lits à l’hôpital de Mouthe, 42 lits à l’hôpital du Larmont. Au niveau national : 80 services d’ur gence fermés partiellement ou com plètement depuis mai. n Le C.O.D.E.S. 25 Le Collectif de défense de la santé du Doubs (C.O.D.E.S. 25) a été créé très récemment. Il compte pour l’ins tant une cinquantaine d’adhérents venus d’horizons différents. Parmi eux : des citoyens, des membres du médico-social, des administratifs mais aussi un professeur de philosophie solidaire des revendications. Le col lectif a pour but de faciliter l’accès aux soins, de qualité et de proximité, pour tous. Rendez-vous sur Facebook Codes 25 pour en savoir plus. 80 services d’urgence fermés en France
A lors que le gouvernement n’a eu de cesse de piloter la crise sanitaire en fonction du risque de saturationhos pitalière, il a paru surprenant que, enmême temps, des lits soient mas sivement fermés à l’hôpital public selon le C.O.D.E.S. 25 (Collectif de défense de la santé du Doubs), qui indique que “lors du premier quin quennat Macron, 17 900 lits d’hôpi taux ont été fermés dans le pays, dont 5 700 en 2020, en pleine pandémie de Covid.” À la clinique Saint-Vincent de Besan çon, depuis le début de la crise sani taire, un service de 30 lits de Soins de suite et de réadaptation (S.S.R.) n’a toujours pas été rouvert. “C’est le résultat d’une politique de gouver nements, de gauche et de droite depuis 1983” estime Colette Rueff, infirmière à la retraite et membre du C.O.D.E.S. 25. “Cela a commencé par l’instau ration du numerus clausus qui avait pour but de diminuer le nombre de médecins. Et par la suite on n’a pas embauché assez d’infirmières. Aujourd’hui tout lemonde court après des infirmières car il y a eu des démis
M édecin généraliste à Pouilley les-Vignes, le docteur Benoît Rabier préside l’association com toise de régulation libérale (Acoreli), orga nisme qui gère le 39 66, le “Allô docteur”, service qui répond la nuit et le week-end aux questions malades pour l’ensemble de la région, à l’exception de Besançon qui est géré par S.O.S.Médecins. 56 régu lateurs, tous médecins généralistes, com posent ce service dont 40 dans le Doubs, 4 en Haute-Saône, 10 dans le Jura. Les médecins régulent également les appels la nuit et le week-end. “Depuis février, nous avons mis en place une régu lation de jour, de 8 heures à 20 heures, pour soulager nos confrères urgentistes” présente le docteur Benoît Rabier. La journée, le pool de 14médecins répond en moyenne à 60 appels par médecin, la journée, avec le 39 66, pour soulager les urgences. Difficultés à soigner les vivants, difficulté à s’occuper des morts. Pour la médecine générale, le constat est rude. Depuis quelques années, selon si l’on meurt à domicile, ou dans un établissement non médicalisé, c’est le médecin traitant ou de garde qui signe le certificat de décès, obligatoire pour une prise en charge par les pompes funèbres. Pour un décès sur la voie publique, c’est un médecin désigné qui intervient. Très souvent, c’est le méde L’association comtoise de régu lation libérale (Acoreli) a ouvert depuis février une régulation
lequel décide, ou non, de diriger le patient aux urgences. La nuit, ce sont - en moyenne - 4 appels par heure et par médecin, et 700 le samedi pour l’équipe. À l’image de ce que vient de tester le ser vice des urgences de l’hôpital de Bordeaux, le président milite - depuis plusieurs années - pour que le tri des patients arri vant aux urgences soit décidé en amont, par unmédecin. “Je préconise ce système depuis plusieurs années où le patient se présente aux urgences car il est attendu,
sions en masse. 310 agents, sur un effectif total de 5 000, ont démissionné de l’hôpital Minjoz en un an, alors que certains soignants sont suspen dus, sans salaire depuis le 15 sep tembre dernier.” Résultat, le découragement de l’en semble du personnel est latent. L’exemple donné par Annie Morelli, psychologue à la retraite elle aussi membre duC.O.D.E.S. 25 est parlant. “Pendant 5 ans, vous faites partie du service de cardiologie. Ce dernier ferme.Vous vous retrouvez en “gastro”. Il faut réapprendre tous les protocoles, c’est la panique totale. Les infirmières sont baladées de service en service. Elles n’ont plus le temps de nouer un relationnel avec les patients. Et quand on nous dit on ferme les S.S.R. car on n’a pas de médecins nous, on répond que c’est aux agences de santé de faire de meilleures planifications. Ce n’est pas un problème de médecins mais de planification !” Selon le collectif qui s’intéresse autant à l’hôpital, qu’à la psychiatrie et au médico-social (E.H.P.A.D.), ces des tructions de lits sont des décisions politiques, prises par l’A.R.S. qui
avec un numéro de dossier, après avoir été dirigé par le médecin régulateur. En appelant le 15, le médecin décide s’il y a nécessité d’une prise en charge. S’il ne l’en voie pas aux urgences, il déli vre un conseil ou invite le malade à prendre rendez vous le lendemain avec son médecin.Tout cela simplifie le travail du personnel en aval. Il faut faire un tri.” Paradoxe du système, l’Aco reli peine à recruter des médecins volontaires. n
“Le patient est attendu aux urgences.”
Certificats de décès : pénurie demédecins pour les signer
cin de famille qui se déplace. De nom breuses communes peinent à trouver la perle rare pour signer l’acte (payé environ 100 euros)… parce que les cabinets ne répondent pas, ou parce que le profes sionnel est en intervention. Les services de police sont d’ailleurs parfois obligés de patienter avant que le médecin n’arrive. Dans le Doubs, le Préfet réquisitionne deux médecins-pompiers pour pallier cette carence. n
Antoine Morelli, Colette Rueff et Annie Morelli, membres du C.O.D.E.S. 25.
Depuis mai, 18 camions bennes à ordures ména gères et 1 camion grue se parent des plus beaux paysages de Grand Besançon Métropole. Des paysages de Grand Besançon s’exposent sur les camions d’ordures ménagères D epuis 2012 et 2015, les messages diffusés sur les camions bennes étaient incarnés par deux enfants : la jeune fille aux couettes et le garçon
aux lunettes rondes, qui soucieux de la réduction du poids de la poubelle grise, invitaient au tri des déchets. Grand Besançon Métropole choisit un nouvel angle pour sensibiliser les habitants : Interpeller. Quatre paysages sortis de Grand Besançon sont associés à un message clé “Ne vous gâchez pas la ville/ la vue.” Des images esthétiques mettent en avant la beauté du territoire mais sont perturbées par des déchets abandonnés. L’objectif est de montrer aux usagers que les richesses de Grand Besançon pourraient être davantage préservées par des gestes
de tri simple et la lutte contre les dépôts sauvages. Un message en accord avec les problématiques actuelles d’environnement et de cadre de vie au niveau local et national, qui d’ici l’été, sera diffusé par les équipages en régie de la Direction Gestion des Déchets et ceux de son prestataire Veolia. n
8 L’événement l Santé
La Presse Bisontine n°240 - Juin 2022
La directrice à la retraite, dresse un bilan “L’hôpital, même s’il est secoué, a les moyens de réagir” 100 lits sont fermés en raison du manque de personnel, 56 démissions d’agents sont annoncées en 2022, un taux d’absentéisme qui grimpe, la troisième ligne du S.M.U.R. qui n’intervient plus la nuit. La réalité du C.H.U. de Besançon est complexe. Pourtant, sa directrice Chantal Carroger, qui fait valoir ses droits à la retraite, entrevoit des points positifs. L a Presse Bisontine : La page Covid semble être tournée. Cette expérience a-t-elle été la plus difficile à gérer ?
ne recrute pas parce que nous n'avons pas les moyens mais parce qu’il n’y a pas de candidats (N.D.L.R. : le C.H.U. débourse 300 millions d’euros par an en dépenses de personnel, plus 30 mil lions depuis le Ségur). 56 démissions sont annoncées en 2022 et des demandes de mutation, un chiffre en augmentation par rapport à 2021. Nous avons l’impression que les agents, après la crise, veulent changer de métier. La grande inconnue, pour nous, c’est de
ce sont des lits fermés… C.C. : 100 sont fermés au C.H.U., non pas pour le plaisir de les fermer mais parce que nous n’avons pas le personnel. C’est 10 % de notre capacité. Il faut trouver un équilibre pour ne pas accen tuer la pression sur les équipes actuelles et préserver l’intérêt des patients. La situation est fragile. Le personnel ne souhaite plus travailler la nuit si bien que des personnels de jour vont de pas ser de nuit, sans doute en septembre. L.P.B. : Cette contrainte va donc être supportée par ceux qui restent… C.C. : Les personnels ne veulent pas travailler non plus le week-end, nous avons un fort taux d’absentéisme le vendredi. Comment fait-on quand un hôpital fonctionne 365 jours par an ? On développe l’ambulatoire, certes, sauf que nous sommes établissement de recours si bien que nous gardons les malades. La nouvelle génération vit mal les contraintes. Il y a une recon naissance financière par le Ségur mais ce n’est pas suffisant. L.P.B. : Attirer des candidats dans ce contexte tendu, c’est une gageure. Comptez-vous sur
Chantal Carroger : C’est une crise sans précédent que nous avons vécue avec cette anxiété de ne pas trouver de lits supplémentaires. Nous sommes passés au plus fort de la pandémie de 40 à 92 lits de réanimation, c’est gigantesque. C’est aussi la première fois que nous comptions les morts (N.D.L.R. : 500 morts du Covid à Besançon). Ce fut stressant et traumatisant pour les familles ainsi que le personnel qui s’est retrouvé face à ces morts violentes. Le Covid a fait changer l’hôpital de para digme. L.P.B. : L’hôpital d’hier n’est plus celui d’au jourd'hui. Des agents, fatigués, ont démissionné. Combien sont-ils ? C.C. : Personne ne sait comment l’hôpital va se relever de la crise. Tous les éta blissements constatent un absentéisme élevé, à 11,7 % alors que nous étions à 8,7 % avant la crise, 14 % chez les aides-soignants au C.H.U. Comment la situation va-t-elle se modifier dans les mois à venir ? On ne sait pas. On
savoir où ils vont car on ne les retrouve pas dans d’autres structures de notre Groupement hos pitalier de territoire. Cette question se pose au niveau national. Chez les médecins, nous avons peu de départs. Huit postes de médecins urgentistes sont toutefois vacants, ce qui nous oblige à nous réorganiser. En conséquence, la troi sième ligne du S.M.U.R. de nuit ne sort plus.
“Je n’ai pas honte de laisser l’hôpital dans l’état dans lequel il est.”
d’équipements à la hauteur d’un C.H.U. avec de nouveaux scanners, de nou veaux bunkers de radiothérapie, un investissement en cardiologie. Pour les bâtiments, nous allons construire un nouveau bâtiment de réanimation, terminer la rénovation de la Tour Min joz (2027) puis terminer le déménage ment de Saint-Jacques. L.P.B. : Où en est ce dossier de la vente de Saint-Jacques à Vinci ? C.C. : Nous sommes toujours en discus sion. Je n’ai pas accepté de brader le site, je défends mon hôpital. Vinci pro posait 8 millions d’euros, contre 14 mil lions au départ. L.P.B. : Quel sentiment vous anime au moment de votre départ ? Quel message délivrez-vous aux équipes ? C.C. : L’hôpital, même s’il est secoué, a les moyens de réagir positivement. Nous avons des gens de grande valeur qui sont fiers de leur hôpital, de beaux projets, et de l’argent pour les mettre en valeur. Le C.H.U. dispose d’unités de recherches dynamiques, une activité en cancérologie en hausse avec 27 onco logues qui parcourent la région, un service de radiothérapie reconstitué après des difficultés sur la chirurgie thoracique, des services de cardiologie, gynécologie, réanimation…à la pointe.
les sorties au début de l’été des écoles d’in firmières pour renforcer les équipes ? C.C. : On lance des campagnes de recru tement et on communique. On sait que les sorties d’école attendues pour l’été ne nous permettront pas de faire le plein. Cela va poser des problèmes dans les petites structures qui ne pour ront par exemple pas maintenir leur service de soins de suite et de réadap tation. Cela peut paralyser le système. L.P.B. : Une piste pour redonner aux équipes la foi en leur métier ? C.C. : Il faut retravailler les organisations de temps de travail, redonner des temps de pause, que les équipes puissent échanger entre elles, avec les malades. Cela doit être travaillé au niveau natio nal. Il y a 40 ans, lorsqu’il y avait une naissance dans un service, on faisait un événement, des repas, on connaissait son collègue. L.P.B. : Était-ce une erreur de suspendre le personnel non vacciné ? C.C. : J’applique la loi. Sur 7 200 agents, cela représente 10 soignants (4 aides soignantes, 4 infirmières, 1 infirmier anesthésiste, 1 masseur kinésithéra peute) et 8 autres ont été suspendus. L.P.B. : Côté opérations chirurgicales, le C.H.U. retrouve-t-il son niveau d’avant la crise ? C.C. : Nous n’avons pas retrouvé notre rythme. En raison de l’absentéisme, nos blocs fonctionnent à 80 % et nous comptons un retard d’environ 8 000 opérations chirurgicales sur 2 ans. La situation n’est pas catastrophique. Nos blocs d’urgence ont toujours fonctionné, la cancérologie également. L.P.B. : Dans quel état financier laissez-vous le C.H.U. ? C.C. : À l’équilibre depuis 2017 et avons obtenu récemment 68 millions d’euros du Ségur pour la reprise de la dette et l’investissement. J’ai toujours accom pagné les hausses d’activité par une croissance d’agents (+ 615 personnes recrutées). J’en suis fière comme je suis fière de maintenir un niveau
L.P.B. : Moins de personnel,
Je n’ai pas honte de lais ser l’hôpital dans l’état dans lequel il est. On a la chance de travailler dans un établissement qui sert l’humain et son prochain. En 40 ans, je dis que l’hôpital est un beau métier. Il ne faut pas tomber dans le défaitisme car il y a beaucoup de positif. Il y a une nouvelle page à écrire, avec plus de personnel. L’hôpital sera là pour prendre soin d’eux. n Propos recueillis par E.Ch.
“Revoir les organisations
de travail au niveau national.”
Chantal Carroger a officiellement quitté ses fonctions de directrice du C.H.U. le 23 mai. Son remplaçant arrive le 1 er janvier prochain.
10 Besançon
La Presse Bisontine n°240 - Juin 2022
SAINT-FERJEUX Le grand retour de la Cavalcade en septembre La Cavalcade en selle “pour faire le bien, dans la bonne humeur”
redémarre avec de nouvelles idées comme inclure les enfants des écoles de Rosemont et de Saint-Ferjeux. Cela permet de renouer le lien avec les familles.” Isabelle,Anne, Josette, Brigitte, Patrick, Jacky et tous les autres sont dans les starting-blocks : “Aller vers les gens pour les faire sortir, c’est aussi cela notre but, disent-ils de concert. Nous sommes là pour faire le bien, dans la bonne humeur. C’est écrit dans nos sta tuts.” Quelques nouveautés sont à pré voir comme un accent mis sur le déve loppement durable avec une réduction des déchets, et des chars végétalisés. Il n’y aura pas de fête foraine sur la place de la Bascule mais elle sera rem placée par des jeux en plein air. Le défilé démarrera à 14 h 30 de la Bretelle de la foire, pour prendre la rue du Doc teur Mouras, la rue de Dole, pour un demi-tour au niveau du Polygone et un retour vers la place de la Bascule. Les bénévoles et amis se retroussent les manches pour préparer des chars souvent somptueux. Les travaux vont
C e qui ne tue pas rend plus fort. La Cavalcade, elle, a pourtant bien failli être définitivement désarçonnée.Annulé en 2020 puis en 2021 pour les raisons que tout le monde connaît, ce corso
Annulée deux années de suite, la Cavalcade, fierté de tout un quartier, renaît de ses cendres grâce à la mobilisation de bénévoles qui lancent les préparatifs de ce corso lancé en 1947. La “Commune libre” prépare des nouveautés.
intimement lié au patrimoine folklo rique bisontin organisé par la “Com mune libre” reviendra, dimanche 4 sep tembre, pour sa 73 ème édition qui aurait dû être la 75 ème . Maire élue à vie de la Commune libre, Sylviane Tournier fêtera “sa” 63 ème Cavalcade avec une émotion, celle de voir que les amis, les bénévoles, les voisins, se sont mobilisés pour relancer ce défilé si important pour la cohésion du quartier de Saint-Ferjeux : “Les bénéfices nous permettent par exemple de distribuer des colis de Noël aux anciens du quartier de Saint-Ferjeux et de la Butte, de garder le lien avec eux, ce que nous avons fait à Noël der nier avec 730 colis délivrés, bien que nous n’ayons pas pu organiser l’événe ment. C’est important de le relancer. Cela n’a pas été simple.” En filigrane, les bénévoles ont surmonté le retrait par la Ville de leur local où ils stationnaient et confectionnaient les fameux chars. Du passé. L’associa tion est actuellement hébergée àMicro polis. Elle va lancer, à partir du mois d’août, la confection de 12 chars : “C’est vrai que nous avons été K.-O., avoue Raphaël Krucien, bénévole. Mais on
durer deux semaines. Il y a un vrai savoir faire avec des soudeurs, des artistes du papier crépon, etc. “Celui qui se sent l’âme d’un bri coleur, et qui veut rigo ler, peut nous rejoindre” lâche un membre de la Commune libre. La Cavalcade, c’est l’esprit de famille. n E.Ch.
Une réduction
des déchets et des chars végétalisés
L’équipe, unie et souriante, prépare le retour de la Cavalcade.
URBANISME
La grande bibliothèque démarre
Saint-Jacques, “un chantier complexe qui ne nous fait pas peur” La déconstruction de la cheminée du site Saint-Jacques augure les travaux préparatoires à la construction de la future grande bibliothèque, plus grand chantier de lecture publique en France.
Déconstruc tion de la cheminée, le 12 mai. Elle doit lais ser place à la grande bibliothèque à Saint
Jacques, en 2026.
L a blanchisserie, la crèche, l’imprimerie, la chambre froide et la chaufferie ont disparu. C’est désormais à la cheminée du site Saint
Jacques, avenue du 8-mai 1945 à Besançon, de tomber, symbole d’une page qui se referme pour un espace vidé de ses agents depuis le départ pour Minjoz.
“Ce sont beaucoup de souvenirs, beaucoup de bons moments mais aussi l’arrivée d’un beau projet pour le territoire” témoigne Marie-Jeanne Bernabeu, qui a et la grande bibliothèque, d’une salle de concert où il y a une attente forte de l’orchestre et du festival ? On ne sait pas” conclut elle. La présidente, lors de la confé rence de presse du 12 mai, n’a pas souhaité mélanger la grande bibliothèque avec l’autre partie du site appartenant encore à l’hô pital. La collectivité peut-elle rem placer Vinci ou trouver un par tenariat avec un nouveau privé ? La question devra rapidement être tranchée au risque que la grande B.U. ne se retrouve esseulée. n
bibliothèque de lecture publique qui rassemblera les services de la médiathèque Pierre-Bayle et de la bibliothèque d’études et de conservation, une bibliothèque universitaire qui abritera les collections et les services néces saires aux étudiants de la faculté de lettres. 660 000 ouvrages seront consultables pour 1 550 places sur 9 121 m 2 de surface utile. “C’est une façon de renforcer la logique ville-campus et de mieux accueillir nos étudiants en leur donnant les moyens” estime Éric Monnin, vice-prési dent de l’Université de Franche Comté, partenaire financier. 70,8 millions d’euros seront investis ici, soit 46,9 millions pour lamédiathèque et 23,9 pour la bibliothèque universitaire, un chiffre qui devrait augmenter ! Les techniciens réfléchissent à
utiliser l’eau de la nappe phréa tique pour refroidir le bâtiment. Les frais de fonctionnement, en cours d’analyse, ne sont pas annoncés dans ce qui est “le plus grand chantier de lecture publique en France” commente Pierre-Olivier Rousset, de la Direction régionale des affaires culturelles (D.R.A.C.). Mis à part cet équipement, quel sort sera réservé à Saint-Jacques sachant que la vente entre le C.H.U. et l’opérateur Vinci a été dénoncée en mars dernier alors qu’une promesse de vente éva luée à 14 millions d’euros avait été scellée ? La somme devait couvrir le déménagement de l’administration dans un nou veau bâtiment àMinjoz. Lamai rie, pour l’instant, ne répond pas. n E.Ch.
travaillé ici il y a quarante ans, dans les pas de son père chargé dans les années soixante-dix des services techniques de l’hôpital Saint-Jacques. Présidente de la commission d’appel d’offres de la future grande bibliothèque et maire d’Avanne-Aveney,M me Ber nabeu a assisté jeudi 12 mai au début de la déconstruction des locaux qui laisseront la place à la bibliothèque. “C’est un chantier complexe, de l’avis de la Prési dente du Grand BesançonAnne Vignot,mais qui ne nous fait pas peur.” Les archéologues ont trouvé sous l’ancienne crèche les remparts deVauban enfouis sous la terre. Ils seront protégés. De nouvelles fouilles archéologiques débutent mi-juin. Il faudra attendre 2026 pour assister à l’ouverture de nouveau centre culturel qui réunira une
Devenir de Saint-Jacques : “Des questions sans réponses”
De nombreux Bisontins, attachés à leur patrimoine, s’étaient mani festés concernant le musée de l’anesthésie. Ils semblent avoir été entendus sur la préservation, le maintien du bloc opératoire, quasi unique en son genre, et donc du musée de l’anesthésie, au centre-ville. Anne Vignot ne répond pas sur le rôle de Saint Jacques dans la politique tou ristique. Quel est le devenir du projet de la salle des congrès et son lien avec le site patrimonial
Élue de la minorité “Besançon Maintenant”, Christine Werthe assistait aux travaux de démo lition. Depuis deux ans, elle a questionné à trois reprises la maire et présidente de l’Agglo mération sur son “positionne ment” pour Saint-Jacques. “Des questions restées sans réponse, regrette la conseillère municipale. Quelles sont les perspectives pour la partie patrimoine à savoir la Chapelle du Refuge, l’apothi cairerie ? On ne sait pas, dit-elle.
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La Presse Bisontine n°240 - Juin 2022
HISTOIRE
600 ans de l’Université de Franche-Comté
300 ans après, Dijon refait le coup à Besançon L’histoire, un éternel recommencement. En 1691, le transfert du siège de l’Université de Dole à Besançon se réalise dans la douleur. Il permet le rayonnement bisontin. En 1723, c’est l’ouverture à Dijon d’une faculté de droit qui jette le trouble. Le début d’une concurrence.
S es 600 bougies, l’Univer sité de Franche-Comté les soufflera à la rentrée de septembre, dans un contexte particulier, celui de son rayonnement européen. Autour du gâteau, le voisin dijon nais apportera-t-il un présent, celui d’une véritable coopération de gagnant-gagnant ? La réponse doit être tranchée rapidement (lire plus loin). L’histoire prouve que la construc tion universitaire fut un chemin tortueux, voire violent, où le jeu politique a joué un grand rôle. Dole ne prétendra pas le contraire. C’est là-bas, en 1423 que le duc Philippe le Bon ouvre l’Université
des deux Bourgognes (la “ducale”, l’actuelle Bourgogne et la “com tale”, l’actuelle Franche-Comté) qui comprend trois facultés : théo logie, droit canon et droit civil,
Nicolas Belloni, qui donnent à Dole un rayonnement internatio nal. En 1562, Dole compte 268 étudiants, dont 45 Comtois et 223 étrangers. La suite se complique pour la ville jurassienne. Punie pour avoir trop longtemps résisté, perd son rôle de capitale de Franche-Comté au profit de Besançon où Louis XIV transfère l’Université en 1691. “Ce transfert ne se réalise pas sans difficulté, puisque l’Université, qui a trouvé refuge dans une partie du couvent des Carmes (en bordure du jardin de Granvelle), doit avoir recours aux hommes d’armes pour pénétrer dans l’enclos que les Carmes avaient muré pour obtenir un prix
médecine. Le corps professo ral, essentielle ment comtois, est renforcé de temps à autre de quelques “ténors” étran gers recrutés à prix d’or, notam ment des juristes italiens, dont Anselme de Marenches et
Le transfert de Dole à Besançon mouvementé.
logie, droit, médecine - participe au grand épanouissement que connaissent la ville et la province au XVIII ème siècle. Besançon, assurée par Louis XV qu’il n’y aurait qu’une université pour les deux Bourgognes, va déchanter, en 1723, avec l’ouver ture d’une faculté de droit canon
et de droit civil. Sous Louis XVI, les crises politiques, sociales, éco nomiques et financières, relèguent dans la pénombre l’Université dont les ressources s’amenuisent. Le coup de grâce est donné par le décret de la Convention du 15 sep tembre 1793 qui supprime toutes les universités de l’ancien régime.
de location plus avantageux” raconte l’Université de Franche Comté. C’est Louis XIV qui octroie des subsides de fonctionnement à l’Université, la ville ayant refusé toute aide financière. Malgré ces débuts difficiles, l’Université, qui se compose de trois facultés - théo
UNIVERSITÉ
Fusion, bi-site, convention de coopération…
La réunion de la dernière chance Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le 20 mai, a convoqué les deux universités, le Préfet de Région, la rectrice d’académie, pour surmonter la crise, qui pourrait, à terme, reléguer au second plan nos établissements.
Après les temps som
bres, place à une éclaircie pour la coopé ration des deux universi tés de Bour gogne et de
R éunies autour d’unemême table après s’être écharpées, les Uni versités de Bourgogne et de Franche-Comté ont évoqué leur avenir auministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le 20 mai, alors que le nouveau ministre n’était pas désigné. Un avenir commun ou dis socié, voilà la nouvelle destinée à laquelle doit répondre l’État. La séquence n’a débouché sur aucune déci sion officielle selon nos informations. Cette réunion à laquelle participaient le Préfet de Région, la rectrice d’Aca démie et les directeurs des sept éta blissements d’enseignement supérieur et de recherche des deux régions, res semblait à celle de la dernière chance après les déclarations polémiques qui ont ponctué ce début d’année. La der nière en date est celle de Vincent Tho mas, le président de l’Université de Bourgogne, qui, invité par le Président de l’Agglomération du Grand Dijon à un conseil communautaire, a clairement indiqué la création d’un établissement unique au sein duGrand Campus dijon
nais. Il a posé un ultimatum. Si au 31mai, l’État n’accède pas à sa demande d’un bi-siège à l’Université de Bour gogne-Franche-Comté (U.B.F.C.), conjointement au siège bisontin, il sou haite tout bonnement supprimer l’U.B.F.C., au profit d’une convention de coopération territoriale. Une annonce, sinon une attaque, que ni l’Université de Franche-Comté par la voix de sa présidenteMachaWoronoff, ni le président d’U.B.F.C. Dominique
Franche Comté ?
actuelle à des fins de délocalisation” et réclament le “respect des accords poli tiques établis lors de la fusion des régions.” Accords devenus caducs pour le président bourguignon : “L’U.B.F.C. montre une fois de plus son incapacité à offrir aux chercheurs, aux enseignants et aux personnels un cadre institutionnel adapté. La C.O.M.U.E. (communauté d’établissements) rencontre aujourd’hui une nouvelle crise, qui s’apparente à celle qui a abouti à une année complète d’opposition entre les établissements il y a quatre ans, suivie de deux ans d’ad ministration provisoire, puis d’un an de tentative de reconstruction, avec de
nouvelles têtes, d’un modèle de coopé ration qui est en train d’échouer” estime Vincent Thomas. Une attaque non com mentée par Dominique Grevey, le pré sident fédérateur d’U.B.F.C., ou les Francs-Comtois, qui mettent leur poing dans la poche. Seul la Première ministre peut officia liser un bi-siège qui, s’il est accepté, ferait jurisprudence. Nancy et Metz, par exemple, demandent lamême chose. Quant à une fusion, elle semble difficile au regard des antagonismes séculaires des deux entités dijonnaises ou bison tines. n E.Ch.
entités devait être portée par l’U.B.F.C. laquelle a vécu des crises internes, avec la démission de son président Nicolas Chaillet en décembre 2018, et des vic toires avec l’inscription au classement de Shanghai de la production scienti fique. Une convention de coopération territoriale (C.C.T.) comme le voudrait la Bourgogne ferait tomber tous les établissements de ce classement mon dial. Les élus francs-comtois ne veulent pas s’y résoudre. Dans un courrier commun, les prési dents d’agglomération de Besançon, Montbéliard, Belfort et Vesoul “refusent de voir déconstruire l’organisation
Grevey n’ont souhaité commenter. “Il y a beau coup de condescendance du côté dijonnais envers la Franche-Comté. L’Uni versité de Bourgogne, parce qu’elle représente 50 % des effectifs (35 000 étudiants), a un sentiment de puissance” estime un protagoniste franc-com tois qui préfère ne pas apparaître. Depuis 2015, la puissance universitaire des deux
Seul la Première ministre
peut valider un bi-siège.
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