La Presse Bisontine 237 - Mars 2022

Le portrait 39

La Presse Bisontine n°237 - Mars 2022

BESANÇON Bientôt un film pour l’ancien professeur de L’Horlo

À 95 ans, l’horloger-poète

écrit la dernière page d’une vie de combats

Le Bisontin Pierre Taillard a toujours préféré l’ombre à la lumière. Premier horloger au monde à créer la montre à “remonter le temps”, il s’est consacré à la défense de l’environnement. Humaniste, cet ancien professeur a rédigé une Charte des devoirs de l’Homme. C’est son ultime combat.

Bio express l 1927. Naissance à Saint-Hippolyte. C’est le cinquième et dernier enfant de Georges Taillard, de Morteau et de Valentine, née Gresset, de Pontarlier. l 1940. Il est questionné par la Gestapo. Il participe à 16 ans à la Libération de son village le 31 août 1944. l 1947. Il termine ses études à l’école d’Horlogerie de Besançon. Il travaille chez Herma à Villers-le-Lac. l 1949. Il ouvre à Morteau, 15 Grande rue, un magasin d’horlogerie qu’il tiendra jusqu’en 1959. l 1952. Il est recruté par l’école horlogère de Morteau pour enseigner le dessin industriel. l 1955. Il se marie avec Jacqueline, décédée en 2011. Ils auront trois enfants et six petits-enfants. l 1962. Il devient professeur au lycée Jules Haag (l’Horlo). l 1968. Il fonde l’Association pour un Urbanisme plus Humain, et mène en 1970 la contestation des tracés de l’autoroute A 36 dont l’un prévoyait de passer dans Besançon. l 1973. Il fabrique la première montre qui tourne à l’envers. l 1977. Il est chargé de la partie horlogère du grand dictionnaire encyclopédique Larousse. l 1986. Il invente le Micronique, terme désignant ce qui touche à la miniaturisation. l 1996. Entre deux peintures, et sculptures, il publie un recueil de poèmes (Temps dispersé) qui sera primé par un prix de la Société des poètes français. l 2001. Rédaction de la Charte des devoirs de l’Homme. l 2008. Il donne 7 carnets de notes prises de 1939 à 1945 au Musée de la résistance et de la déportation de Besançon. l 2022. Un film D.V.D. est en cours de réalisation avec une cinéaste professionnelle sur sa vie de lycéen puis de professeur au sein du lycée Jules-Haag.

Pierre Taillard dans son univers devant sa charte des devoirs, sa montre à remonter le temps, et une de ses sculptures.

P ierre Taillard ne craint pas le temps qui passe. Paradoxal pour cet homme qui fut le pre mier au monde à fabri quer (en 1973) une montre “à remonter le temps”. Alors âgé de 46 ans et professeur d’horlo gerie au lycée Jules-Haag, il par vient sur une montre de poche mécanique à faire tourner les aiguilles dans le sens inverse, le tout sur un cadran à la numé rotation inversée. Au-delà de la prouesse technologique, Pierre,

logerie, il connaît le froid et la faim durant la guerre, ce qui ne l’empêche pas d’être un bril lant étudiant et d’empocher au passage une bourse d’étude. Avec, il voyagera de Morteau à Genève visiter des entreprises horlogères du Jura. En 1951, son ancien camarade de Saint Hippolyte, Georges Devillers, le contacte pour donner des cours de dessin industriel àMor teau. C’est un tournant de sa carrière : enseigner lui plaît. C’est à Morteau qu’il rencontre Jacqueline. Elle sera sa femme durant 56 ans, jusqu’à sa mort en 2011. Pierre l’accompagne dans la maladie jusqu’à la fin de ses jours. Des moments dou loureux.Avec elle, il a mené des combats qui paraissent avant gardistes aujourd’hui : “On avait, en 1968, fondé avec des militants l’association pour un urbanisme plus humain” se sou vient l’horloger, qui est aussi sculpteur, peintre, et poète. Il a été reçu au ministère après sa bataille pour que l’autoroute ne passe pas “dans” Besançonmais à l’extérieur. Son tracé est alors retenu. “À cette époque, les mili tants étaient souvent regardés avec mépris !” dit-il. En 1990,

il trouve un procédé pour éviter que les mégots de cigarette ne soient jetés à la piscine, mais ramassés. “C’était trop tôt, ana lyse-t-il J’ai défendu durant plus de 40 ans l’environnement, et je continue” poursuit le nonagé naire qui fut un grand voyageur toujours prêt à découvrir de nouvelles civilisations. Visionnaire, Pierre l’a toujours été mais ne l’a jamais revendi qué. Il n’a pas été consacré meil leur ouvrier de France, comme il en rêvait, mais il participa au jury du concours. Il a formé à Besançon des horlogers de renom et reçu avec ses élèves des prix nationaux, comme la montre-squelette de Hugues Beck à aiguilles inversées (1982), 1 er prix des métiers d’art. Humaniste, Pierre a rédigé une Charte des devoirs de l’Homme envoyée au président de la République, députés, séna teurs… “C’est mon dernier com bat ! , lâche le Bisontin qui a candidaté en 2019 pour parti ciper au Grand débat. Je pense que la France - qui est à l’origine de la Déclaration des droits de l’Homme - a une certaine obli gation, d’où l’écriture en 2001 de cette Charte des devoirs. Il

faut arrêter de voir les devoirs comme une contrainte mais au contraire une nécessité du vivre ensemble.” Son écrit d’il y a 20 ans faisait suite à une période de laxisme et qui est selon lui l’origine des maux que nous connaissons aujourd’hui. Il précise dans 34 articles plusieurs thèmes comme la tolérance, l’usage du bien public, la sécurité, le savoir vivre, la solidarité… “La Charte ne doit pas être portée unique ment par moi mais par d’autres, ou par une fondation pour uni versaliser ces textes” réclame cet homme pour qui les valeurs de la République sont fonda mentales. Son parcours de vie va faire l’ob jet d’un D.V.D. avec une cinéaste professionnelle, en lien avec le lycée Jules-Haag. Sacré bon homme. “Pierre, c’est un horlo ger-poète qui remonte le temps” synthétise Lola Sémonin, alias la Madeleine Proust, qui le connaît bien. Pierre est un “Mon tagnon” qui désire être enterré à Morteau, près de ses ancêtres. Cet homme a toujours su ce qu’il voulait… et ce qu’il ne voulait pas. n E.Ch.

logerie nous reçoit chez lui, dans une jolie maison construite en 1960 en bordure de la forêt de Chailluz, à Besançon. Il l’a choi sie proche de la nature pour se rappeler ses années à Saint Hippolyte, une commune où il a gardé d’excellents souvenirs de gamin. C’est là, à 13 ans, qu’il ramasse à la gare de Saint Hippolyte, au nez et à la barbe des sentinelles allemandes trois fusils : 2 Lebel, 1 mousqueton, plus un revolver.Avec ses amis, il s’entraîne à tirer dans le bois dès août 1940. “On ne mesurait pas toujours ce que l’on faisait, mais ce que l’on savait, c’est que nous détestions les Allemands.” En septembre 1941, la Gestapo débarque à la maison familiale. Il est interrogé mais ne livrera rien. Son jeune âge le sauve contrairement à certains de ses amis, déportés. Durant toutes ces années, il note jour après jour sur un petit cahier des événements ou impressions que le Musée de la résistance à Besançon a com pilés dans ses archives. Ses années “lycée” à Besançon l’ar rachent de sa vie à la campagne et de sa famille.À l’école d’Hor

par cet objet insolite, officia lise le tournant d’une époque : Mai 68, l’arrivée du quartz chez les horlogers, le conflit Lip à Besançon. Du haut de ses 95 ans, son œil est toujours aussi vif si bien qu’il n’a pas besoin de lunettes pour lire.À la retraite depuis 1987, ce professeur d’hor

“J’ai défendu plus de 40 ans l’environ nement, et je continue.”

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