La Presse Bisontine 235 - Janvier 2022

4 L’interview du mois

La Presse Bisontine n°235 - Janvier 2022

POLITIQUE Raphaël Krucien, leader de l’opposition au Département “Il y a de gros problèmes de transparence avec cette majorité” Fragilisée par l’affaire de l’A.D.A.T. et de son directeur soupçonné d’avoir effectué des dépenses personnelles avec la carte “achat public” dont il était le titulaire, la majorité départementale est attaquée par l’opposition sur d’autres sujets comme la préparation du budget prévisionnel. Raphaël Krucien réclame des réponses.

L a Presse Bisontine : Le directeur de l’Agence départementale d’ap- pui aux territoires (A.D.A.T.) a été suspendu à titre conservatoire par Christine Bouquin, présidente du Conseil départemental du Doubs et de l’A.D.A.T., un organisme qui apporte une expertise technique et juridique aux com- munes pour le compte du Département. En tant que chef de file de l’opposition, quand et comment avez-vous eu des doutes sur des dépenses suspectes à l’A.D.A.T. ? Raphaël Krucien : Un journaliste dans le cadre de son enquête est venu m’indiquer qu’il avait en sa pos- session des preuves sur des achats frauduleux. Le 26 octobre, nous avions alerté la présidente du Conseil départemental du Doubs que des dépenses effectuées avec la carte bancaire de l’A.D.A.T. lais- saient penser qu’elles avaient pour objet une utilisation privée et non professionnelle. Je suis attaché à la présomption d’innocence : je ne ferai donc pas le procès de Daniel

Bénazéraf, le directeur, et ancien directeur de cabinet de Christine Bouquin au Département, et direc- teur général des services à Char- quemont où elle était maire. Nous demandons toutefois des réponses. L.P.B. : Qu’avez-vous fait une fois ces élé- ments à votre connaissance ? R.K. : J’informe la présidente de ces soup- çons et lui demande de pouvoir consulter le livre des comptes afin de lever les soupçons mais je n’ai rien reçu… si ce n’est une réponse sèche à mon courrier.Ma démarche était de dire : on ne va pas faire de procès médiatique. Un jour avant la parution de l’article dans la presse, la présidente décide la mise à pied du directeur. Ce qui est curieux dans ce dossier, c’est que cette agence est le seul organisme qui n’a pas été installé depuis les élections.

Bio express

l Raphaël Krucien a 35 ans

l Suppléant de Claude Jeannerot, il a siégé en juin 2016 après la démission de celui-ci au Département l Membre du Parti socialiste, il remporte avec Géraldine Leroy le canton de Besançon 6 en 2020 l Chef de l’opposition Doubs social écologique et solidaire

Raphaël Krucien est le président de la minorité au sein du Département du Doubs.

il faudra faire acte de transparence absolue. L.P.B. : Si ces soupçons se confirment, quelles seront les consé- quences ? R.K. : Cela jette le doute sur toute la collectivité. Comme je l’ai dit à Christine Bou- quin qui vient du secteur industriel, comme moi, “quand il y a une pièce non conforme dans une caisse, on véri- fie toutes les pièces.”

me fait mal…

voulu cacher des éléments ? R.K. : Daniel Bénazéraf est directeur de l’A.D.A.T., il fut son directeur de cabinet et avant le directeur général des services à Charquemont où Chris- tine Bouquin était maire. Ils se sui- vent depuis plusieurs décennies, c’est un élément dont on ne peut pas faire abstraction si la faute est avérée. Mon but n’est pas d’assassiner Chris- tine Bouquin puisqu’elle a pu être trahie. Mais si les faits sont avérés,

L.P.B. : La présidente doit-elle démission- ner ? R.K. : Non, tant que ce n’est pas prouvé. Elle doit offrir l’exacte transparence pour les élus et les citoyens. L.P.B. : Au-delà des manques de réponse sur ce dossier, estimez-vous qu’il existe un manque de transparence de cet exécutif, élu depuis un an ? R.K. : On pose des questions, on émet des demandes, on nous dit “je vais vous répondre”mais nous ne recevons rien. Un exemple concerne la com- mission à laquelle j’assiste (agricul- ture) : on vote des subventionnements pour le monde agricole avec le finan- cement par exemple d’une usine d’em- ballage pour lequel j’ai réclamé le dossier de subvention. La première réponse de la vice-présidente (N.D.L.R. : Béatrix Loizon) est de me dire que l’on en parlera à l’oral. J’ai insisté pour avoir accès aux pièces du dossier car j’ai découvert une ligne budgétaire un jour avant la commis- sion. Je n’ai jamais eu accès au dossier. Je dois faire le pont avec mes collègues du groupe Doubs social écologique et solidaire qui eux aussi vivent les mêmes choses dans leurs commis- sions : un manque de transparence flagrant. Moi, Raphaël Krucien, conseiller départemental élu aumême titre que les 38 autres conseillers, pourquoi n’aurais-je pas le droit de visualiser un dossier afin de le voter en conscience ! C’est aberrant ! L.P.B. : Cette méthode n’est pas nouvelle ! R.K. : Non, mais elle est exacerbée depuis cette mandature.

L.P.B. : Pensez-vous que la présidente a

“Un problème de transparence sur la

La réponse du Département “De la récupération politique de bas étage”

construction du budget.”

Ludovic Fagaut, premier vice-prési- dent du Département, répond aux accusations de la minorité. S elon Ludovic Fagaut, l’actualité de l’A.D.A.T. ne doit pas jeter l’opprobre sur l’ensemble du Département. “La présidente a pris des mesures en demandant une enquête administrative, en diligentant une enquête auprès du Procureur de la République, elle a mis à pied le directeur en attendant l’enquête, présente le premier vice-président. La présidente a toujours été éthique dans son engagement personnel, elle ne pouvait pas faire plus. Il ne faut pas mélanger les élus à ce que l’enquête déter- minera et tenter de toucher politiquement la présidente avec des raccourcis. C’est de la récupération politique de bas étage” attaque Ludovic Fagaut. Sur le manque de transparence énoncé par l’opposant dans notre interview, Ludovic

L.P.B. : C’est d’ailleurs un cabinet privé qui s’attelle à cette vérification ? R.K. : C’est une double peine puisque c’est le Département qui va le payer alors qu’il existe la Chambre régionale des comptes. Cette solution exacerbe le doute car cela ressemble à une situation d’urgence. Lors d’une com- mission départementale - le 30 novembre où était examinée une contribution de plus de 600 000 euros au bénéfice de l’A.D.A.T. -, nous avions alerté sur le fait que nous n’avions toujours pas connaissance de la date à laquelle se tiendrait son prochain conseil d’administration, après un an sans réunion des élus. L.P.B. : Quel sentiment vous anime ? R.K. : Cela entache la collectivité avec ce sentiment du “tous pourris”, ça

La majorité fait front derrière sa présidente.

Fagaut dément catégoriquement : “Ce sont des fadaises d’un élu qui s’est autoproclamé chef de la minorité. Je n’ai jamais vu une collectivité aussi transparente que la nôtre. Nous présentons régulièrement l’état d’avan- cement des projets, les retards. Je pense que certains élus ont besoin de travailler leurs dossiers” poursuit ce dernier. Sur la question de la subvention que Raphaël

Krucien cite en exemple, Ludovic Fagaut clarifie : “Elle a été présentée et votée en assemblée. Il s’agit d’une aide de 98 000 euros à une société qui lui permet de bénéficier du Plan de développement régional et des fonds européens F.E.D.E.R. C’est un levier. Venir sur un sujet comme celui-ci, qui a été voté, je ne comprends pas…” n

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