La Presse Bisontine 233 - Novembre 2021

Le portrait 43

La Presse Bisontine n°233 - Novembre 2021

MUSIQUE

De la Biélorussie à la France

Anastassia Louniova, ou le langage universel de la musique Arrivée en France pour échapper au régime politique en vigueur dans son pays natal, la Biélorusse d’origine vient d’être distinguée par la société académique des arts à Paris. La professeure de musique bisontine est en train de réhabiliter un instrument ancestral : le cymbalum. Parcours.

Q uel chemin parcouru depuis ce jour funeste où la jeune Anastassia a dû quitter sa Biélorussie natale pour emprunter un chemin vers l’inconnu qui la mènera, au gré du hasard, jusqu’à Besançon où elle a posé ses valises en 2012. “Je suis arrivée fin 2012 en France, j’étais alors enceinte de huit mois. J’ai traversé l’Allemagne en bus, j’ai débarqué à École-Valentin : je ne parlais pas un mot de français” se souvient-elle. Après trois ans de galère, Anastassia obtient sa régula- risation et les papiers officiels qui lui donnent le sésame qu’elle attendait désespérément : le droit de travailler. Car dans ses maigres bagages, Anas- tassia Louniova transportait une vraie richesse : sa formation, et son talent

faire ses preuves. Son statut en poche, elle va pouvoir entamer les démarches auprès des écoles de musique du sec- teur. “Dès que j’ai été régularisée, j’ai rempli les dossiers pour participer au concours Talents des cités. J’ai été lau- réate Bourgogne-Franche-Comté avec mon projet de créer une association multiculturelle. Je suis allée retirer mon titre au Sénat” se souvient-elle. Un peu plus tard, la jeune fille désor- mais française réalise un grand projet artistique avec le Conservatoire régio- nal de Besançon, notamment en orga- nisant des master-classes avec des jeunes des quartiers défavorisés “dont les parents n’auraient jamais eu les moyens de les inscrire au Conservatoire.” Mission réussie pour la musicienne qui intégrera ensuite le C.A.E.M. de Planoise en tant qu’enseignante. Parallèlement à son parcours d’ensei- gnante,Anastassia Louniova continue à nourrir sa passion pour l’instrument avec lequel elle a grandi : le cymbalum, cet étonnant instrument à cordes frap- pées qu’on appelle parfois le piano tzi- gane. Dans son pays natal, le cymbalum est un des instruments fétiches des musiciens. Anastassia met un point d’honneur à faire revivre les musiques ancestrales, les mélangeant avec audace avec les musiques actuelles, électro notamment, pour composer des titres originaux dont elle a fait un premier album en 2018 avec le groupe qu’elle a créé en 2016 : Lounata. “Ce premier album est un travail scientifique qui met en lumière les musiques ancestrales d’Europe centrale, dont certaines remon- tent au IV ème siècle, ainsi que d’autres

de musicienne et de chanteuse. “Je fais de la musique, et notam- ment du cymbalum, depuis que je suis toute petite. À 5 ans et demi, je jouais déjà plus de 25 heures par semaine…J’ai obtenu une récompense du ministère de la Cul- ture de mon pays où j’avais prévu de faire une belle carrière. Mais les choses ont tourné autrement là- bas…” dit-elle avec un petit voile dans les yeux. C’est donc en France qu’Anastassia devra

Anastassia Louniova avec son instrument fétiche, le cymbalum.

Son projet : pouvoir

financement participatif. “Cet album sera plus personnel, composé de musiques folk, électro, transe.” Un troi- sième opus est déjà en préparation dans son petit studio maison, donnant la voix aux instruments rares du monde. En parallèle, Anastassia Lou- niova donne des cours à l’école de musique Amuso, basée rue de l’Épi- taphe à Besançon. Son projet actuel, c’est d’obtenir les équivalences pour devenir professeure de conservatoire en France. L’aboutissement d’un par- cours semé d’embûches, mais guidé par la passion inébranlable de la musique, de la création et du partage. n J.-F.H.

gement et d’éducation arts-sciences- lettres. Fondée en 1915, cette société a pour vocation de reconnaître et de promouvoir les femmes et les hommes qui par leur talent et leur travail par- ticipent au rayonnement de la culture dans les domaines artistiques, litté- raires et scientifiques. Une vraie fierté pour elle, qui a pu se produire le jour de la remise des prix pour un petit concert de cymbalum dans le cadre prestigieux de l’hôtel Intercontinental où était organisée la cérémonie. “Un vrai moment de partage et d’émotion” dit-elle. Actuellement, Anastassia Louniova finalise la réalisation d’un deuxième album intitulé “Au fil de l’eau” pour lequel elle a lancé une plateforme de

musiques anciennes du monde entier. J’essaie de transmettre ces traditions musicales par l’apport d’autres styles dans les compositions : jazz, électro, etc.” explique la musicienne. Avec son groupe, elle fait plusieurs concerts, notamment à la Rodia à Besançon. Il y a quelques années,Anastassia Lou- niova a la chance de pouvoir intégrer le projet Orpheus XXI du célèbre Jordi Savall, cet ensemble musical composé pour l’essentiel de musiciens exilés. “Nous avons joué notamment au musée de l’immigration à Paris, c’était très émouvant.” Le parcours peu ordinaire de cette musicienne venue de l’Est lui a valu d’êtremédaillée d’argent lemois dernier par la société académique d’encoura-

enseigner au conservatoire.

En savoir plus : lounata.com

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