La Presse Bisontine 233 - Novembre 2021

LE DOSSIER 24

La Presse Bisontine n°233 - Novembre 2021

L’ÉGLISE CATHOLIQUE ENTRE HONTE ET REPENTANCE

Pour la première fois depuis que les enquêtes d’opinion existent, le nombre de croyants déclarés serait désormais inférieur au nombre de ceux qui ne croient pas en Dieu. Le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (C.I.A.S.E.) paru récemment arrive comme une nouvelle déflagration pour la hiérarchie catholique. Comment réagit-on dans le milieu ecclésiastique bisontin, et quelles conséquences faut-il craindre à long terme ? Le rapport qui fait honte à l’Église l Religion Environ 3 000 agresseurs

milieu dans lequel la prévalence des violences sexuelles est la plus élevée. Quant au nombre de clercs et religieux agresseurs sur l’ensem- ble de la période considérée, la commission Sauvé l’estime “entre 2 900 et 3 200.” L’état des lieux ainsi dressé révèle donc que le phénomène des vio- lences sexuelles dans l’Église catholique en France de 1950 à nos jours est massif, en diminution dans le temps mais toujours présent, qu’il repose sur des mécanismes pluriels, claire- ment identifiés, et présentant un caractère systémique. “Le traumatisme des victimes est aggravé par la qualité des auteurs. Une institution Église qui n’a pas pris la défense des victimes. Un droit canonique gravement défaillant. Et des obligations juridiques encore trop peu connues et respectées” conclut le rapport. Le diocèse de Besançon a mis en place une cellule d’écoute pour les victimes qui souhaiteraient aujourd’hui témoigner. Elle est joignable au 06 44 14 22 88 ou via le site Internet du diocèse (diocese-besancon.fr). n J.-F.H.

Dans le diocèse de Besançon, une quarantaine de victimes d’abus sexuels auraient été recensées. Un chiffre qui paraît bien maigre par rapport aux 330 000 victimes pointées à l’échelle nationale par le rapport Sauvé.

sexuelles également massives se sont produites à l’échelle de la société française : 14,5 % des femmes et 6,4 % des hommes, soit environ 5,5 millions de Fran- çais(e)s, ont subi pendant leur minorité de telles violences. Les violences commises par des clercs, des religieux et des religieuses représentent donc un peu moins de 4 % de ce total. Celles com- mises par des personnes en lien avec l’Église catholique (y compris des laïcs) représentent 6 % de ce total. La grande majorité (à 90 %) des violences sexuelles sur mineurs a donc été perpétrée dans le cadre familial ou amical, et enfin, 0,36 % dans les colonies et camps de vacances, 0,34 %

mentation. Les modalités de la prise de parole et de la sortie du silence des personnes victimes, telles qu’elles les ont relatées auprès de la commission, montrent combien ce processus est long, semé d’obstacles, et trop rarement suivi d’une correcte prise en compte par l’en- tourage ou par les institutions. La commission a également mené une analyse des parcours de vie des agresseurs, à partir des quelque 2 000 cas examinés dans les archives des diocèses et ins- tituts ainsi que des entretiens menés au printemps 2021 avec onze d’entre eux, nés entre 1933 et 1954. “Ces entretiens permettent aussi de connaître le regard porté par ces agresseurs sur leurs pro- pres actes, entre (fréquente) mini- misation, dénégation et (rare) reconnaissance pleine et entière” poursuit la commission. La commission s’est également attachée à situer ces violences, très élevées en valeur absolue, dans le contexte général des vio- lences sexuelles commises dans notre société. Car des violences

A près plus de deux ans et demi d’enquête et un consciencieux travail de fourmi, la commission indépen- dante sur les abus sexuels dans l’Église (C.I.A.S.E.) a rendu son verdict glaçant : elle estime à 330 000 victimes mineures de personnes en lien avec l’Église, dont 216 000 victimes de clercs, religieux et religieuses, commis entre 1950 et 2020. Deux tiers d’entre elles ont donc été com- mises par des clercs, religieux ou religieuses. “Les effectifs consi- dérables de personnes ayant ainsi été agressées, alors qu’elles étaient mineures, sont à la fois saisissants et consternants” concède le rap- port. Ces victimes ont été esti- mées à une quarantaine dans notre diocèse. D’où vient ce chiffre local ? “Ce n’est pas une projection statistique, mais est un chiffre minimal qui nous est remonté par les signalements que nous avons eus, on peut penser que toutes les victimes n’ont pas témoi-

gné” commente le service diocé- sain pour tenter d’expliquer ce chiffre apparemment sous- estimé, d’autant que le rapport Sauvé précise bien que la carte des diocèses d’incardination des auteurs de violences fait appa- raître en premier lieux, “les dio- cèses à l’ouest de la Mayenne, ceux du Nord, d’Alsace, de la Moselle, de Besançon et le diocèse de Lyon qui constituent un arc de catholicité d’où sont originaires un nombre important d’auteurs de violences sexuelles.” “Ces 330 000 infractions auraient été commises par des membres du clergé catholique (prêtres, dia- cres), religieux et religieuses, mais aussi par des personnes laïques, hommes ou femmes, travaillant dans un établissement scolaire de l’enseignement catholique ou un internat catholique, s’occupant du catéchisme ou d’une aumônerie catholique, ou animant des patro- nages, camps de vacances ou des mouvements de jeunesse catho-

liques (scouts, action catholique, autres mouvements…)” prend soin de préciser la commission. De ces données, il résulte d’abord que les violences sexuelles dans l’Église ne sont pas, contraire- ment aux idées reçues, l’apanage des seuls clercs, religieux et reli- gieuses : sur la période étudiée, ils sont certes responsables de 65,4 % des agressions au sein de l’Église, mais les laïcs sont, quant à eux, à l’origine de 34,6 % des agressions, soit plus d’un tiers. Dès lors que des adultes sont en contact avec des mineurs, le risque existe, dans l’Église catho- lique comme ailleurs, que se pro- duisent des abus de pouvoir, d’au- torité ou de confiance débouchant sur des agressions sexuelles. Il est aussi probable que, dans le temps, du fait notamment de la réduction du nombre de clercs et de religieux et de la montée en responsabilité des laïcs, la part des victimes de laïcs dans l’Église catholique soit en aug-

dans le cadre de l’école publique, 0,28 % dans les clubs de sport et 0,17 % dans le cadre d’activités culturelles et artistiques. L’Église catho- lique est ainsi, hors les cercles familiaux et amicaux, le

“Le traumatisme des victimes est aggravé par la qualité des auteurs.”

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