La Presse Bisontine 221 - Septembre 2020
L’INTERVIEW DU MOIS
La Presse Bisontine n°221 - Septembre 2020
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POLITIQUE
Les premières semaines d’Anne Vignot
“L’économie est évidemment une de mes priorités” L’été n’a pas été calme, et la rentrée s’annonce tout aussi agitée pour la nouvelle maire de Besançon qui a déjà commencé à imposer un style et une méthode. Les années Fousseret sont définitivement derrière… Interview de rentrée.
L es habitués du cabinet du maire n’y retrouveraient pas leurs petits… À la place du bureau occupé pendant près de vingt ans par Jean-Louis Fousseret, une table ovale entourée de fauteuils…Le bureau proprement dit est caché dans un coin de la pièce. Les murs nus n’ar- rivent pas à masquer les traces des climatiseurs que Madame la maire a fait retirer en arrivant. Une de ses premières décisions concrètes. Il fait donc plutôt chaud en cette fin du mois d’août dans le bureau d’Anne Vignot. Mais c’est ça aussi la méthode Vignot. Ne rien imposer, mais montrer la voie à suivre.Autre nouveauté : enfi- ler les habits de maire et de présidente de G.B.M. a sans doute eu pour effet de donner plus d’assurance à celle qu’on raillait jusqu’ici pour sonmanque de clarté et la longueur interminable de ses développements oraux. C’est une Anne Vignot plus concise et posée qui nous accueille… La Presse Bisontine : Cela vous met-il en colère si je vous appelle Madame le maire ?… Anne Vignot : Si j’emploie le terme de Madame la maire, c’est pour faire pas- ser un message, défendre une cause, la place des femmes, dans toute son approche. Pour autant, je ne vais pas m’arc-bouter sur cette question si on emploie le terme “le maire”. Si j’ai voulu insister sur cette tournure de “Madame la maire”, ça fait sans doute réfléchir sur la façon dont le pouvoir est exercé en France. C’est une manière aussi d’entamer le dialogue sur ce thème de la place faite aux femmes. L.P.B. : Toujours dans les symboles, une de vos premières mesures a été de supprimer la climatisation dans votre bureau ! Tous les services devront se plier à ce renoncement ? A.V. : Si je commence par moi, c’est juste pour montrer qu’on peut le faire. Il y a une urgence climatique qui est aujourd’hui indéniable. Il ne suffit pas d’en discuter, il faut agir, je veux juste faire de cet acte symbolique un exem- ple. Je n’imposerai rien évidemment aux services, mais si chacun peut s’in- terroger à son niveau, c’est comme ça qu’on avancera. L.P.B. : Même chose pour les dépenses : après avoir décidé de baisser votre rémunération de maire,vous avez vendu la voiture de fonction qu’utilisait votre prédécesseur. Tout le monde à vélo désormais ?
A.V. : Qu’on soit bien clair : j’ai gardé le véhicule 9 places qui sert à trans- porter du monde quand il y a des réu- nions à l’extérieur, et il y a encore la seconde berline avec laquelle je ferai les grands déplacements que je serai amenée à faire en France quand les voyages en train ne seront pas possibles ou trop compliqués. Il faut rester réa- liste. Et si j’ai voulu que la Ville se sépare d’une des deux berlines en ques- tion, c’est parce que je continue à faire tous les déplacements internes à la ville avec mon vélo électrique, celui que j’utilise au quotidien depuis des années. Mais encore une fois, je ne veux donner de leçon à personne. L.P.B. :Vous n’avez même pas pris de vacances cet été ? A.V. : Je suis juste partie un jour voir mon fils. J’avais prévu de prendre 5 jours mais j’ai finalement considéré que cette année, avec ce calendrier électoral bousculé, était très particu- lière. J’ai donc souhaité profiter de cet été particulier pour me plonger dans les dossiers et rencontrer calmement mes équipes. Je souhaite mettre en place une méthode de travail qui prend du temps.
votre crédibilité puisque la vigie des Vaîtes n’a toujours pas été démontée ? A.V. : Je reste strictement sur les pro- messes que je me suis engagée à tenir, à savoir que ce dossier sera remis à plat et réétudié dans la plus grande transparence. Un groupe d’habitants et un comité d’experts scientifiques seront constitués et c’est à l’issue de leurs conclusions qu’une décision sera prise. J’ai confié à un chercheur bison- tin dont personne ne pourra contester la rigueur et la légitimité le soin de constituer un groupe en toute auto- nomie. Ce groupe sera constitué avant le prochain conseil municipal du 14 sep- tembre. L.P.B. : Il n’empêche que vous avez reçu l’as- sociation “Jardin des Vaîtes” sans pour autant que le préalable du démontage de la vigie soit respecté ? A.V. : J’ai reçu en effet des membres de cette association mais qui ne repré- sentent pas toutes les personnes qui occupent illégalement ce terrain. C’est toute l’ambiguïté de cette situation. Ces personnes qui occupent le terrain ne cherchent pas à établir un vrai dia- logue mais à imposer leur point de vue. En ce qui me concerne, je reste sur le processus que j’ai annoncé, je ne veux pas jouer au chat et à la souris avec ces personnes, j’ai pris un arrêté d’occupation illégale pour rappeler le droit et je refuse d’agir sous la pression de quelques personnes. L.P.B. : Quand espérez-vous sortir de cette impasse ? A.V. : Je me donne six mois, en tout cas moins d’un an pour que l’avis des experts soit consolidé et les décisions définitives prises. L.P.B. : Les projets immobiliers pourraient donc être purement et simplement abandon- nés ? A.V. : Si le comité de scientifiques me dit que pour le territoire, sur le plan urbanistique, hydrologique, de dépla- cements ou du point de vue de la bio- diversité ce n’est pas possible de faire quoi que ce soit, alors oui, je me ran- gerai derrière son avis. Mais s’ils me disent le contraire, il y aura bien un projet. C’est ce qui me différencie de l’association “Jardin des Vaîtes” par exemple qui restera quoi qu’il arrive opposée à toute idée de construction. Personnellement, je suis dans le dia- logue.
Anne Vignot dans son bureau de maire, rue Mégevand.
L.P.B. : Autre sujet chaud de l’été : Planoise. Quelle méthode emploierez-vous pour qu’enfin le calme revienne ? A.V. : Là encore, je reste sur ma ligne de conduite. J’ai déjà rencontré l’en- semble des autorités compétentes (Police nationale, Police municipale, gendarmerie, procureur, services de l’État et de la Ville…) pour coordonner au mieux les choses. Je rappelle que la sécurité est une mission régalienne de l’État et sur ce point, le divisionnaire Michel Klein a engagé un travail de fond qui porte ses fruits. J’ai envoyé récemment un courrier à Gérald Dar- manin afin qu’il envoie encore d’autres renforts à Besançon et comme je m’y suis engagée, j’irai voir le ministre de l’Intérieur s’il le faut. Ensuite, le maire a une autre mission dans ces quartiers et c’est ma priorité à très court terme : c’est l’accompagnement des familles au plus proche afin de répondre à leurs problématiques économiques, sociales, familiales… La grande criminalité reste du ressort de l’État et de la Police nationale. Le deuxième niveau d’in- tervention est la nomination d’un adjoint dédié à Planoise, Yannick Pou- jet, mais sur ce point, j’inverse la méthode par rapport au mandat pré- cédent. L.P.B. : C’est-à-dire ? A.V. : Avant, un adjoint de quartier était un peu le réceptacle de tous les pro- blèmes d’un quartier, une sorte de zone-tampon chargée de recevoir et réorienter toutes les doléances des habitants. Ces adjoints étaient en quelque sorte des travailleurs sociaux mais ce n’est pas leur rôle. Quand je parle d’inversion de méthode, c’est que les politiques de tous les adjoints de cette ville doivent s’adapter aux spé- cificités des quartiers. L’adjoint dédié
au quartier devient alors un grand coordinateur chargé d’identifier les problématiques spécifiques du quartier en question pour adapter ensuite la politique à ces spécificités. Cette méthode, qui est expérimentale ici, devrait changer radicalement la manière d’appréhender les quartiers. L.P.B. : Quels sont les dossiers que vous sou- haitez rapidement voir aboutir en ce début de mandat ? A.V. : Nous les avons tous inscrits sur un grand tableau à partir duquel nous planifierons précisément les choses. Je pourrais très bien faire dans le bling-bling en créant rapidement un bout de piste cyclable et l’inaugurer, mais ce qui m’importe, c’est d’engager un travail de fond, structuré. Dans les priorités, il y aura notamment la ques- tion des mobilités, avec un vrai plan piéton qui a commencé à être travaillé. L’autre priorité, immédiate celle-ci, est de savoir répondre à l’angoisse des parents concernant la rentrée scolaire de leurs enfants et de pouvoir garantir à tous une rentrée dans des conditions optimales de sécurité. Nous sommes en ordre de bataille pour pouvoir accueillir un maximum d’enfants. Je ne veux pas subir cette question en attendant les directives des ministères, je veux être dans l’anticipation. L’autre grande priorité de ce début de mandat sera la mise en place d’un meilleur système de santé dans cette ville à travers notamment des centres de santé dans certains secteurs de la ville. Ce chantier est déjà engagé. Le plan
L.P.B. : D’autant qu’avec l’actualité de l’été - les Vaîtes, Planoise… - le début de mandat est quelque peu agité ! A.V. : Agité à l’image de la période spéciale que nous traversons où toutes les crises se conjuguent : clima- tique, économique, sanitaire, sociale. Ce mandat démarre dans ce contexte-là et la question à laquelle nous devons désor- mais répondre est : comment on met en place les politiques publiques en faisant face à l’ensemble de ces crises ? C’est le système entier qu’il faut contribuer à changer et c’est tout l’enjeu de notre pro- gramme. L.P.B. :Sur le chaud dossier des Vaîtes, n’estimez-vous pas avoir déjà perdu de
“Si j’emploie
le terme de Madame la maire, c’est pour faire pas- ser un mes- sage.”
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