La Presse Bisontine 219 - Juillet 2020

La Presse Pontissalienne n°246 - Juin 2020

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“Le C.H.U. de Besançon est sorti de la tempête” La directrice générale du C.H.U. Minjoz à Besançon Chantal Carroger et le président de la Commission médicale d’établissement le professeur Samuel Limat reviennent sur ces trois mois hors du commun. L’établissement de soins bisontin avait su anticiper sa totale réorganisation avant l’arrivée de la vague de Covid-19.

L a Presse Bisontine : Trois après le début de l'épidémie de Covid-19, quelle est la situation au C.H.U. de Besançon ? Chantal Carroger : Je peux affirmer aujourd’hui que le plus dur est der- rière nous, le C.H.U. de Besançon est sorti de la tempête. Nous avons beaucoup moins de patients Covid (N.D.L.R. : quelques patients seu- lement sont encore hospitalisés à Besançon mi-juin) et le retour à une activité normale se poursuit. Plus de 500 patients sont sortis guéris depuis le début de l'épidémie. 264 agents du C.H.U. avaient été touchés par le virus, aucun n’est heureusement décédé. Dès le début de l’épidémie, nous avions entière- ment détricoté l’organisation du C.H.U. pour le retricoter en mode Covid. L'établissement a vécu un bouleversement total. Depuis le

17 mars, notre centre 15 avait reçu plus de 10 500 appels concernant des suspicions de Covid. Notre salle de régulation comportait 19 postes, elle fonctionnait de 8 heures à minuit ! L.P.B. : Racontez-nous l’arrivée du virus à Besançon ? C.C. : Le premier cas est arrivé le mercredi 4 mars. Dès le 5, nous avons mis en place une cellule de veille, avant même le déclenchement du plan blanc le 9 mars. Nous avons été un des tout premiers C.H.U. de France à le déclencher. Depuis cette date, cette cellule de veille s’est réu- nie tous les jours. Jamais il n’y a eu de mouvement de panique au C.H.U. de Besançon justement parce qu’on a pris le problème à bras-le- corps dès le début. Nous avons été également les premiers à faire appel à la réserve sanitaire. Et avant même que les textes officiels sortent, nous avions décidé de déprogram- mer tous nos actes de chirurgie non urgents afin de réorganiser les ser- vices. De 40 lits de réanimation avant le virus, nous sommes montés à 92. Le maximum de patients en réa qu’on ait accueilli, c’est 82, mi- avril, au plus fort de la crise. L.P.B. : Avez-vous eu à ce moment-là à “trier” les malades ?… Professeur Samuel Limat : Nous n’avons jamais eu à choisir entre telle et telle personne. Les protocoles de réanimation ont toujours été scru-

puleusement respectés. On avait bien sûr travaillé cette hypothèse extrême avec notre comité éthique début mars mais nous n’avons heu- reusement jamais été dans cette situation. L.P.B. : Le C.H.U. a-t-il souffert de pénuries de matériel ? C.C. : La sectorisation Covid rapi- dement mise en place a justement permis d’économiser des équipe- ments de protection individuelle. On a eu des inquiétudes concernant les stocks mais grâce à la mobili- sation de tous, nous n’avons pas connu de pénurie. C’est notamment grâce au travail de notre service hygiène qui a mis en place des orga- nisations moins consommatrices de ces équipements de protection. L.P.B. : On peut enfin parler d’un retour à la normale ? Pr S.L. : On tend en effet vers un retour à la normale mais on est toujours sur le qui-vive. S’il devait y avoir un rebond de l’épidémie, ce qui n’est pas le cas pour lemoment, on devrait de toute façon être prêt à supporter cette deuxième salve. Nous aurons un dispositif de veille pour réactiver, si besoin, des services Covid. Mais la réorganisation des services sera de toute manière très lente. On est encore loin sur ce plan-là d’un retour à la normale. La réorganisation peut sans doute s’avérer plus com- pliquée que l’organisation. Et une

Le professeur Samuel Limat, président de la Commission médi- cale d’établissement (C.M.E.) et Chantal Carroger, directrice générale du C.H.U. Minjoz.

chose est sûre : le fait de revenir à la normale dépendra clairement et uniquement du virus. L.P.B. : Cette crise va-t-elle vous faire réflé- chir sur l'organisation future du CHU ? Pr S.L. : Clairement oui. Concernant l’organisation des blocs opératoires par exemple, ou encore sur la ques- tion transversale des maladies infec- tieuses, de laquelle on ne parlait finalement pas beaucoup. Nous tire- rons également des leçons de la pra- tique de la télé-médecine. Ce genre d’enseignements doit nous faire revoir certaines de nos priorités en termes d’organisation. L.P.B. : Le personnel, extraordinaire, n’a pas ménagé ses efforts. Reconnaissez- vous aussi que les métiers de l’hôpital ne

sont pas suffisamment valorisés ? C.C. : L’hôpital public a été la clé de voûte du système de santé en France pendant cette crise, je pense que tout le monde sera d’accord sur ce point. C’est pourquoi le gouverne- ment ne peut pas faire l’économie de repenser complètement l’orga- nisation de l’hôpital. Les revalori- sations salariales sont légitimes si on veut un hôpital fort. Mais les questions de sous-effectifs et de recrutement ne vont pas se régler aussi vite car le privé continue à attirer davantage les jeunes soi- gnants. Le C.H.U. de Besançon a tout de même créé près de 400 postes en 5 ans. Mais l’attractivité de ces métiers doit évidemment passer par leur revalorisation. n Propos recueillis par J.-F.H.

LE BILAN SANITAIRE l Le Plan Blanc est levé depuis le 4 juin

Depuis cette date, le C.H.U. est entré dans une phase de veille active et ne baisse pas la garde, restant très attentif à la circulation du virus. L’ensemble des personnels ont pu rejoindre leur service d’origine et “vont pouvoir prendre un repos mérité” note la direction. La prime Covid-19, 1 500 euros à Besançon, sera versée aux personnels sur la paye du mois de juin. *Interview réalisée mi-mai et réactualisée

l E.H.P.A.D.

Ouvrir les portes… avec précaution “Se dépêcher de relancer les visites, les animations, les sorties” Libérer nos aînés, oui, mais pas à n’importe quelle

condition. Les maisons de retraite attendaient de l’Agence régionale de santé le protocole à suivre en vue d’un déconfinement.

L es établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (E.H.P.A.D.) ont payé un lourd tribut à la crise sani- taire. La maison de retraite de Thise en sait quelque chose. 26 de ses résidents sont décédés de l’épidémie sur les 80, de mars à avril. Un choc pour les familles, le personnel, les occupants. D’au- tres structures ont eu plus de chance à l’instar des Salins de Bregille à Besançon, de la mai- son de retraite d’Avanne, de l’E.H.P.A.D. Bellevaux, de la maison de retraite de Mamirolle pour ne citer que ces exemples où aucun cas de Covid-19 n’a été décelé. Parmi les gestes à souligner, celui de ces salariés de la M.A.R.P.A. de Pierrefon- taine-les-Varans qui ont accepté de se confiner avec les résidents

pour les protéger. Le retour à la normale dans toutes les structures est prévu le 22 juin…mais plus vraisem- blablement quelques jours après avec le retour des visites et ani- mations. L’Agence régionale de

pas en quelques minutes” observe Philippe Gonon, qui pré- side l’E.H.P.A.D. Bellevaux à Besançon. Il est intimement convaincu “qu’il faut se dépêcher de relancer les animations, les sorties, que les résidents puissent recevoir des visites.” Tous en ont besoin. Quant aux personnels, l’État a annoncé le versement d’une prime de 500 à 1 500 euros nets pour les soignants des E.H.P.A.D. Le Département du Doubs, en charge du social, a réagi et regrette la non-consi- dération par l’État du travail réalisé par les personnels de services d’aide à domicile (S.A.A.D.). La présidente du Doubs Christine Bouquin rap- pelle que l’attribution d’une prime aux aides à domicile enga- gés sur le terrain pendant la crise “représenterait pour le Doubs près de 2 millions d’euros.

L’État entend confier à chaque Département le soin de répondre ou non aux attentes légitimes de reconnaissance des profession- nels du domicile. Ce n’est pas acceptable” dit-elle. Le Département a voté en décembre dernier une enveloppe d’1,2 million d’euros pour sou- tenir l’attractivité de ces métiers. Des crédits ont été fléchés vers la revalorisation des rémuné- rations des intervenants à domi- cile et l’amélioration de leur environnement de travail. Ils seront versés à partir de juin aux dix services d’aide à domicile sous contrat avec le Départe- ment du Doubs qui se sont enga- gés à développer des actions nouvelles en faveur de leurs salariés. Cela passe par des primes, des mises à disposition de véhicules de service, des for- mations. n

santé n’avait pas encore délivré les protocoles de réouverture des E.H.P.A.D. le 18 juin. “Nous partons sur une réouverture le plus tôt possible mais nous atten- dions encore le 16 juin le proto- cole précis à sui- vre de l’Agence régionale de santé. Les évolutions dans une telle maison ne se font

1,2 million pour 10 services d’aide.

Les maisons de retraite vont retrouver une vie normale, comme ici à Bellevaux à Besançon.

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