La Presse Bisontine 217 - Février 2020

LE DOSSIER

La Presse Bisontine n°217 - Février 2020

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PLANOISE, SUPERMARCHÉ DE LA DROGUE LE RAS-LE-BOL DES RIVERAINS

Le quartier de Planoise est gangrené par les réseaux de trafiquants. Les points de deal, déstabilisés par les actions récentes des forces de l’ordre, sont devenus le théâtre de règlements de compte à répétition. Dans ce contexte de tension, les habitants disent stop.

Des gamins gagnent 100 euros par jour pour faire le guet l Planoise Plaque tournante et violence 60 euros le gramme de cocaïne. Si les dealers s’entendent peu ou prou sur les prix, ils se livrent une guerre de territoire à Planoise. Chaque rue à son réseau, mais l’arrivée de nouveaux venus bouscule l’ordre établi.

Au 14, avenue Ile-de-France, les trafi- quants ont prix sur les carreaux de carrelage… parce que la police municipale leur avait enlevé leur tableau ! affiché au feutre les

D u 1 au 20, rue de Fribourg, ils font le guet devant la cage d’escalier. Pareil du 1 au 18, rue de Cologne, square Van Gogh, au 1 et 3, rue de Champagne, 4, rue de Picardie, rue de Dijon, ou encore à l’angle du centre commercial Ile-de- France, point de deal historique du quartier de Planoise. “Ile-de-France est tenu par des anciens ! Ils sont encore à vendre du shit (cannabis) voire de l’herbe” témoigne un homme. Tous les autres points de deal de Planoise, soit une quinzaine environ, sont passés à l’héroïne, à la cocaïne devenue à la mode, ou aux cachetons. C’est plus ren- table. Si la substance change, la méthode reste la même : “Il y a un chouff (guet- teur), un rabatteur, un charbonneur (celui qui détient l’argent). Le chouff annonce au talkie-walkie la commande et envoie le client dans un étage… et la transaction se fait” indique un policier qui connaît parfaitement les méthodes de fonctionnement. Les charbonneurs qui circulent à scooter transportent

l’argent ou la drogue mais ne sont jamais côte à côte pour éviter de tout perdre en cas d’interpellation. En janvier, l’un d’eux a été interpellé avec 15 000 euros en liquide sur lui ! Il devra s’expliquer devant le procureur de la République. Les guetteurs sont souvent jeunes et rarement inquiétés. Ils n’ont aucune substance illicite sur eux. Les envoyer au poste de police de

la drogue déconcerte les habitants de Planoise, las d’entendre le nom de leur quartier revenir dans la rubrique des faits divers. “On les voit tous les jours devant la porte sans que la Police n’in- tervienne. On n’en peut plus. Devant ma petite-fille de 8 ans, l’un d’eux a fait une transaction. Elle m’a demandé ce que c’était : je lui ai dit des bonbons. J’ai peur” témoigne cette habitante d’Ile-de-France qui a fait part de son désarroi au préfet lors d’une réunion publique au centre Mandela. Aujourd’hui, ce sont par les réseaux sociaux et notamment Snapchat que clients et dealers se retrouvent. Pour- quoi la violence est-elle montée d’un cran avec ces fusillades à répétition en décembre, puis en janvier ? Elles ont fait 7 blessés. L’un d’eux, touché par une balle à l’avant-bras s’est d’ail- leurs volatilisé du service des urgences une fois l’opération réalisée sans que la Police n’ait pu l’interroger (samedi 18 janvier). Si la violence monte, “c’est parce que la Police est nettement plus présente depuis 2019” répond le préfet

du Doubs. En clair, elle gêne les affaires. “Faux, archifaux, répond un spécialiste de la question qui souhaite rester ano- nyme. Depuis que l’ancien D.D.S.P. (directeur de la sécurité départementale) est parti, la mission du nouveau ne s’est pas assez portée sur Planoise. Le G.L.T.D. (groupement local du traite- ment de la délinquance) ne fonctionne plus alors qu’il avait ses preuves depuis 2017 car on harcelait les dealers !” Si la violence est montée d’un cran, c’est aussi parce que “de nouveaux tra- fiquants tricards à Paris (Aubervillers exactement) sont venus et ont voulu prendre la place. Ils se sont fait tirer dessus…” D’ailleurs, les policiers muni- cipaux de la Ville de Besançon n’ont plus le droit depuis le 13 janvier de se

rendre en binôme dans les cages d’es- calier à la recherche de substances illi- cites. “Peu de personnes connaissent nos missions et savent que nous étions au cœur de l’action” témoigne l’un d’eux. Ces municipaux non armés avaient notamment découvert une bombe et un détonateur (La Presse Bisontine d’octobre 2018). Les élus font mine de découvrir un système qui a toujours existé. Seule différence aujourd’hui : les dealers sont armés et sans foi ni loi. Que risquent les consommateurs ? 48 heures de garde à vue prolongeable à 96 heures avec comparution immédiate. Le pro- cureur annonce une grande fermeté. Les policiers le prennent au mot. n E.Ch.

la Gare d’Eau n’est pas envisagé car trop de peu de place… surtout pour les relâcher quelques heures après. Les guet- teurs commencent par- fois à 10 ans. “Ils tou- chent jusqu’à 100 euros par jour” assure une autre source. Les parents voient leur gamin revenir avec un téléphone dernier cri ou la dernière paire de chaussures, mais fer- ment les yeux. La facilité d’acheter de

“Tricards” à Aubervillers, ils arrivent ici.

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