La Presse Bisontine 215 - Décembre 2019
DOSSIER I
La Presse Bisontine n°215 - Décembre 2019
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LES PILIERS DU COMMERCE DE CENTRE
Ils ont résisté à tous les bouleversements du paysage commercial : l’expansion des zones périphériques, la montée en puissance des achats en ligne, les travaux au centre-ville… Ève Boutique, une cinquantenaire sexy
Les Stocks Américains, c’est une autre institution solide du commerce bisontin. Les dix dernières années ont pourtant été compliquées explique son gérant. Les Stocks Américains font de la résistance
L e temps béni des années quatre-vingt où jusqu’à neuf vendeuses s’activaient pour servir les clientes est sans doute définitivement révolu. Ève Boutique est pourtant toujours bien là, un des plus anciens (et derniers) magasins indépendants de lingerie et sous- vêtements de Besançon. C’est l’histoire d’une entreprise familiale fondée par Charles et Denise Gorlin en 1969. “Au départ, mon grand-père avait le magasin “U.S.A.” juste à côté. Spécialisé dans les vêtements et les jeans, il a été le premier magasin de Besançon à être équipé d’un escalier mécanique. En 1969, Charles Gorlin a vendu “U.S.A.” pour créer Ève Boutique juste à côté. Ma mère Martine a intégré la boutique en 1971, puis je suis arrivée en 2006” résume Aurélie Demesmay-Trouillot, petite-fille des fondateurs et gérante du magasin. Elle est épaulée d’Ophélie Jean- denand,Valérie Flageolet et Laurence Déprez, cette dernière présente depuis 1982. Ces vraies spécialistes ont vu défiler des générations de femmes, et cette fois les filles et petites-filles de ces dernières. “Le conseil aux clients et le choix restent l’A.D.N. de la bou- tique, ce qui a changé, ce sont les habitudes de consommation. L’avènement d’Internet a un peu faussé la perception des clientes vis-à-vis des produits car on y trouve tout et n’importe quoi. Les gens ont toujours besoin d’être rassurés, d’essayer, et rien ne vaut encore la boutique. Les mêmes idées fausses circulent sur les prix : les produits vendus en boutique sont souvent, soit au même prix, soit moins cher que sur Internet” estime la gérante. Plus de 75 marques différentes coexistent chez Ève Boutique. La boutique de lingerie fête ses 50 ans cette année. L’enseigne familiale s’est adaptée sans perdre le fil de ce qui a bâti sa réputation : le choix et le conseil.
Q ui se souvient, même si son nom l’indique, qu’aux Stocks Américains au début des années cin- quante on pouvait trou- ver tout ce qui constituait le surplus des stocks militaires laissés par les troupes U.S. à la sortie de la guerre : vêtements militaires, mais aussi maté- riels divers (pelles, lampes…) et même du chewing-gum américain. Bien vire,
plus de 250 m 2 (toujours au 73, rue des Granges), puis une autre à Gray, une troisième en Alsace et une autre encore à Châteaufarine, l’enseigne se développe à vitesse grand V au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. “On a atteint le sommet de notre activité il y a dix ans. Depuis, les choses se sont com- pliquées” reconnaît Hervé Giraud-Telme, l’actuel gérant. Le déclencheur pour lui ne fait pas l’ombre d’un doute : “Ce sont les travaux du tram. Pendant trois ans, on a perdu 10 % de clientèle, sans en gagner une nouvelle. Je pense qu’en ville, nous avons deux moins de fréquentation qu’il y a dix ans. Le trafic n’est plus là” affirme-t-il. Aujourd’hui, le magasin Stocks Américains de Châteaufarine réalise deux fois plus de chiffre d’affaires que celui du centre-ville. Il y a encore dix ans, sept spécialistes du jean coha- bitaient en ville il y a encore une dizaine d’années, les Stocks sont les derniers. Signe de la mutation du centre-ville, non loin de là, l’ancien magasin Interprix de la rue Moncey, fermé depuis plusieurs années, doit être remplacé par une mutuelle. n J.-F.H.
Régulièrement remis au goût du jour, le magasin devrait subir des travaux de modernisation en profondeur l’année prochaine. “On souhaite que le magasin ait une avance sur son temps, avec une présentation différente, plus de numérique, sans renier les bases. Tout va changer sans que ça change” note la responsable qui elle aussi, en appelle à plus de clairvoyance des pouvoirs publics en matière de stationnement, “avec de vrais créneaux de gratuité mieux ciblés” et “moins de restrictions pour que les gens arrivent jusqu’au centre-ville.” Si Aurélie Demesmay-Trouillot reconnaît que les commerçants ne doivent pas tout attendre des pouvoirs publics et que de leur énergie seulement dépend leur longévité, elle estime pour autant que “les décisions prises par la Ville ont forcément un impact direct sur l’activité commerciale.” n J.-F.H. Aurélie Demesmay-Trouillot, avec sa maman Martine et Laurence Déprez, “piliers” historiques de la boutique.
le commerce bisontin créé par Fernand Giraud-Telme et son épouse Germaine, repris ensuite par leurs trois fils Gérard, Hervé et Bernard, s’est mis à ven- dre des vêtements de travail et du matériel de camping, puis des jeans, devenus la grande spécialité de l’enseigne avant de devenir au fil des ans un revendeur multi- marques en prêt-à-por- ter, d’abord masculin essentiellement, puis mixte. Une boutique de
“Deux moins de fréquentation qu’il y a dix ans.”
Chaussures Mouillebec, une institution depuis 1897
L’échoppe de la rue Battant a chaussé des générations de Bisontins. Présente depuis 53 ans pour “ses” clients, Brigitte Mouillebec, accompagnée de sa nièce, tient toujours le coup… parce que ce magasin, “c’est sa vie”.
E lle se souvient, petite, des sabots confectionnés par son arrière-grand-père, pendus au plafond du magasin. “Pour les présenter aux clients, il fallait les décrocher avec un long bout de bois” se remémore Brigitte Mouillebec, gérante du magasin du même nom au 95 de la rue Battant. Ce temps est révolu. Révolu comme la foule de clients venus acheter la dernière paire de chaussure à la mode. Dans les belles années, “nous étions jusqu’à quatre personnes pour servir les clients” commente la profession- nelle, une véritable Bousbotte (habitante de Battant) qui n’a jamais quitté son quartier. Si de fidèles clients viennent toujours trouver chaussure à leur pied, ils sont moins nombreux. La gérante ne le cache pas : la fréquentation a fortement chuté ces cinq der- nières années. “Bien sûr, le com- merce n’a jamais évolué aussi vite… mais nous ne sommes pas aidés. Notre clientèle - âgée - a des diffi-
ne dit qu’elle reprendra un jour le flambeau. Brigitte refuse d’ail- leurs de répondre à la question : “À quand la retraite ?” “Elle a un amour inconditionnel de sa bou- tique, c’est l’histoire de sa vie” com- mente sa nièce. Il faut dire que la boutique a du cachet avec ses pein- tures réalisées par l’artiste Léon Haffner (1952) représentant le quartier Battant. L’intérieur méri- terait d’être classé. Ce que Brigitte a mal vécu, ce sont les lettres de relance lui deman- dant de mettre aux normes d’ac- cessibilité sa boutique alors que dans le même temps, les clients ne pouvaient quasiment plus accé- der à sa devanture en raison de la présence, cet été, d’un S.D.F. toxicomane. Il aura fallu plusieurs jours et l’intervention des pompiers pour que l’homme soit pris en charge. Mouillebec chaussures, 122 ans d’histoire, fait partie de l’histoire commerciale bisontine. Et ça personne ne l’oubliera. n E.Ch.
cultés à venir jusqu’ici depuis que l’ancienne ligne de bus numéro 3 a été supprimée. On a connu des périodes difficiles dans le com- merce, mais jamais une comme celle-ci” dit-elle. Le haut de la rue Battant ne serait plus aussi passant qu’il ne l’a été ! “Nous avons bien à proximité le dernier parking gratuit de la ville… mais il est complet tout le temps. Depuis la rénovation du quartier, Battant est devenu une cité-dortoir” se désole la patronne qui demeure fidèle au poste, du mardi au samedi.
Ce magasin fait partie de sa vie. D’abord parce qu’elle a passé ici sa jeunesse puis a commencé à y tra- vailler en 1967 avec son papa, Robert. Aujourd’hui, sa nièce Véronique l’aide, mais rien
“Moins de bus, moins de passages.”
Brigitte Mouillebec (à droite) et sa nièce Véronique dans le magasin âgé de 122 ans qui n’a pas perdu son charme.
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