La Presse Bisontine 212 - Septembre 2019

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n°212 - Septembre 2019

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POLITIQUE

Éric Alauzet, le candidat désormais investi

“Je ne suis ni le fils spirituel de Jean-Louis Fousseret, ni son dauphin”

Après avoir reçu la bénédiction des instances de son parti L.R.E.M. au début de l’été, le député bisontin s’emploie désormais à rassembler le plus largement possible autour d’un projet qu’il veut ambitieux et fédérateur.

L a Presse Bisontine : Revenons une fois pour toutes sur votre désignation en tant que candidat officiel de L.R.E.M. pour les prochaines municipales de Besançon le 10 juillet dernier. Elle a été plus serrée que prévu face à la candidature d’Alexan- dra Cordier. Les questions de parité et de renouvellement ont failli vous coûter cette investiture ? Éric Alauzet : J’ai toujours été serein par rapport à cette question. La commission d’investiture a décidé à l’unanimité et en moins de cinq minutes de me sou- tenir. En général, le bureau exécutif suit les recommandations de la com- mission et le débat n’a été lancé qu’en bureau exécutif par Stanislas Guérini et Marlène Schiappa sur cette question de parité. Un débat un peu hors-sol d’ailleurs car il ne concerne pas que Besançon. Et de toute manière, si le bureau exécutif avait choisi Alexandra Cordier, la procédure serait repartie devant la commission d’investiture, seul organe qui connaît vraiment le profil des candidats. La parité quant à elle sera respectée sur le plan natio- nal, comme elle l’a été aux dernières législatives par L.R.E.M. Elle le sera évidemment aussi sur le plan local si je suis élu, mais dans les faits. C’est- à-dire que des dossiers comme l’urba- nisme ou l’économie ne reviendront pas systématiquement à des hommes. L.P.B. : Écartée de la course à l’investiture, Alexandra Cordier pourrait-elle néanmoins jouer un rôle majeur lors de la campagne etcraignez-vous une “dissidence” ? É.A. : Les gens qui travaillent autour de nous jouent déjà un rôle majeur et j’ai vocation à rassembler très large- ment, d’abord mon camp, et ensuite tout le monde qui voudra bien prendre notre sillage. Ce qui compte, c’est l’in- vestissement des gens, leur bonne volonté, leur compétence, leur ouverture

avec tout ce qu’ils comportent comme dogmes. Je revendique mon apparte- nance à L.R.E.M., je suis toujours un écologiste convaincu, mais ce que je souhaite avant tout, c’est faire respirer notre réflexion en même temps que cette ville. J’ai d’abord besoin de connaî- tre les valeurs des gens, pas leur éti- quette, afin de construire un pro- gramme autour des trois piliers suivants : l’écologie, l’humanisme et l’entrepreneuriat. L.P.B. :Cette étiquette de “girouette” vous colle encore à la peau. Comment vous en débar- rasser ? É.A. : Mamarque de toujours,mon enga- gement de la première heure depuis plus de trente ans, c’est l’écologie. Quand on est écologiste un jour, on l’est pour toujours. Ce sera d’ailleurs un axe central du projet.Mais enmême temps, j’ai toujours considéré que l’éco- logie devait envahir toutes les grandes questions, j’ai donc toujours défendu une écologie très pragmatique un peu comme les Grünen en Allemagne qui sont pragmatiques et concrets. C’est ce qui m’a distingué des Verts qui ont souvent fait le yo-yo entre idéologie et pragmatisme. Contrairement à ce qu’on raconte parfois, je n’ai jamais été socia- liste ni au P.-S. Pour le reste, je suis justement fier d’évoluer. C’est la raison pour laquelle j’ai adhéré à En Marche, toujours pour une question de prag- matisme. À mon sens, évoluer est une qualité. Ceux qui sont dans les slogans, voire la violence verbale, qui sont dans lemépris ou qui sont sûrs d’avoir raison, ceux-là ne m’ont jamais correspondu. Les gens connaissent mes capacités d’écoute, d’attention. En tant que méde- cin, je suis d’abord un praticien. C’est la même chose en politique. L.P.B. : Vous devrez sans doute aussi vous réconcilier avec des retraités qui sont restés sur la formule que vous aviez employé de “génération dorée”. Comment comptez-vous vous y prendre ? É.A. : Comme ce terme de “girouette”, cette formule malheureuse a hélas été mise en scène et caricaturée, notam- ment par des organisations comme “Contribuables associés” et ces carica- tures ne sont pas à la hauteur du sujet. Quand les sociologues parlent d’âge d’or, ils font référence à ces générations qui ont connu le plein-emploi et les périodes d’augmentation des niveaux de retraite. En moyenne, ce sont des personnes qui vivent mieux que leurs parents et qui ont de meilleures pers- pectives que leurs enfants en matière de retraite.Mais c’est évidemment une moyenne qui ne doit pas faire oublier qu’il y a beaucoup de retraités pauvres. Quand j’évoquais cette question, je voulais bien sûr parler de ces retraités les plus aisés qui pouvaient contribuer au redressement des comptes.

Éric Alauzet lancera une nouvelle phase de sa campagne à la rentrée suite aux milliers de contributions qu’il a recueillies.

différents. Pas par prin- cipe, mais une rupture est forcément nécessaire. Avec un monde qui change de plus en plus vite, nous aurons à gérer une transition écolo- gique, générationnelle et numérique. Il va donc falloir lancer des poli- tiques très innovantes, très différentes. Sachant qu’on ne renie pas pour autant, et on la reven- dique, l’histoire sociale, innovante et écologique de cette ville. Besançon est une ville où on a l’ha- bitude de construire les choses ensemble. J’ai l’ambition de régler par le dialogue et l’écoute les préoccupations des habitants de cette agglo-

là-dedans. C’est surtout depuis l’in- vestiture dont j’ai bénéficié pour les législatives de 2012 grâce à l’accord national Verts-P.-S. alors que Jean- Louis Fousseret était candidat pour le P.-S. C’est sans doute aussi difficile à vivre de savoir que la fin du mandat approche, que beaucoup de maires de l’agglo qui le soutenaient me soutien- nent désormais. Et je ne suis ni son fils spirituel, ni son dauphin. Les Bison- tins ont sans doute aussi le sentiment qu’une page se tourne et qu’il y en a une nouvelle à écrire. Tout cela peut être difficile pour lui, je peux le com- prendre. L.P.B. : Alexandra Cordier avait proposé un projet de téléphérique entre le plateau de Saône et la ville. Quel serait votre projet-phare ? É.A. : Plutôt que de faire une proposition plus ou moins réaliste, je souhaite avant tout donner de la profondeur et de la consistance à notre projet, lui donner du sens. Un sujet transversal peut être celui de la santé. C’est un sujet qui balaie l’économie et le social. La santé, c’est d’abord mieux respirer dans cette ville, avec de la végétalisa- tion. La santé, ce sont aussi lesmobilités actives (marche, vélo…). C’est aussi la question de l’alimentation et des circuits courts. C’est également l’économie avec des milliers d’emplois à la clé, c’est la médecine et l’innovation avec l’immu- nologie. C’est aussi le social avec l’accès aux soins, des maisons médicales pluri- disciplinaires dans le Grand Besançon. C’est peut-être moins fun que certains grands projets, mais je veux en priorité donner du sens à nos priorités. L.P.B. : À l’approche de l’échéance, qui crai- gnez-vous le plus : la droite ou vos anciens alliés de gauche ? É.A. : J’ai le cuir tanné, j’ai une certaine expérience et c’est sans doute un signe si j’ai toutes les cibles sur le dos. Il fau- dra que certains, notamment sur l’aile gauche, fassent face à leurs propres contradictions avant de porter un juge- ment sur les projets des autres. ■ Propos recueillis par J.-F.H.

L.P.B. : Votre campagne va monter en régime à partir de ce mois de septembre ? É.A. : La campagne, je l’ai commencée il y a maintenant neuf mois et c’est une montée en charge exponentielle. On finalisera le programme d’ici la fin de l’année à partir desmilliers de contri- butions que nous avons recueillies à travers la vingtaine de groupes de tra- vail que nous avons constituée. 2 300 questionnaires ont été recueillis en contact direct avec les habitants, et pas par un simple clic, auprès de toutes les couches sociales, dans tous les quar- tiers. Des 200 actions identifiées, nous avons tiré une trentaine de priorités. Tout cela donnera un programme qui sera prêt à la fin de l’année. L.P.B. : Et la liste viendra ensuite ? À part Frank Monneur votre directeur de campagne, quels seront les autres membres de cette future liste ? É.A. : Pour l’instant, je ne connais même pas le noyau de cette future liste ! Et les gens qui nous entourent ne se posent même pas la question. Certains vont se révéler au cours de cette campagne et je ne veux surtout pas m’enfermer maintenant dans ces questions-là alors que le potentiel est devant nous. Le temps de la liste viendra en janvier. L.P.B. : Frank Monneur n’était d’ailleurs pas votre meilleur allié quand il était au P.-S. ! É.A. : C’est sûr que si on schématise, lui était plutôt chevènementiste et moi tendanceVoynet, pas vraiment proches à l’époque…Mais au-delà des jeux de rôle politiciens et des postures, j’ai trouvé en Frank un homme qui a su également évoluer, d’ailleurs dès 2014 quand il a lancé son projet municipal avec des personnes de bonne volonté de tous horizons. Lui comme moi nous souhaitons dépasser les clivages. L.P.B. :Si vous êtes élu maire de Besançon en 2020, serez-vous en rupture par rapport à Jean-Louis Fousseret ? É.A. : Quand une ville est gérée depuis vingt ans par lemêmemaire, forcément que son successeur prendra des rails

“C’est sans doute un signe si j’ai toutes les cibles sur le dos.”

mération mais que tout ce travail de proximité soit intégré dans une vision globale pour cette agglomération. Et j’estime donc faire autorité avec mon expérience d’ancien adjoint, de député, pour embarquer la population dans un projet ambitieux. Besançon peut par exemple défricher des chemins nouveaux pour devenir une référence nationale en matière de transition éco- logique notamment. Avec l’alliance de l’urbain et du rural, cette agglomération a la configuration pour. C’est la force de notre projet et du rassemblement qu’on veut porter. L.P.B. : Le soutien de Jean-Louis Fousseret se fait attendre. L’espérez-vous d’ici mars ? É.A. : Je retiendrai l’exemple de Robert Schwint qui à mon sens a été une réfé- rence en termes de passage de témoin et d’attitude, alors même que Jean- Louis Fousseret en 2001 n’était pas son candidat préféré. Robert Schwint est un bel exemple à suivre. L.P.B. : Comment expliquez-vous sa rancœur à votre endroit ? É.A. : Il y a beaucoup de psychologique

et aussi leur bienveil- lance. Pour Alexandra Cordier, tout dépendra donc de son implication derrière nous.Mais c’est sûr qu’il n’y aura pas de place pour ceux qui contestent encore ma désignation. Je veux une équipe très ouverte constituée de personnes qui s’inscrivent dans le sillage et la méthode que j’ai adoptée depuis le début. L.P.B. :Vous semblez ne pas vouloir mettre en avant votre étiquette L.R.E.M. ? É.A. : Ce n’est pas mon objectif qui est juste- ment de me sortir de toute étiquette politique partisane et donc des clivages gauche-droite,

“Faire respirer notre

réflexion en même temps que cette ville.”

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