La Presse Bisontine 212 - Septembre 2019

LE GRAND BESANÇON 36

La Presse Bisontine n°212 - Septembre 2019

JUSTICE

Condamné, il se pourvoit en cassation Le Robinson de Cléron s’accroche à son rêve

Sur son terrain, il a construit de ses mains une cabane “écolo” dans laquelle il vit depuis 6 ans. Le tribunal lui demande de la détruire car elle est située en zone Natura 2000. Xavier Marmier se pourvoit en cassation.

d’un bois sur la commune de Cléron se lance dans la construc- tion de la cabane perchée sans permis de construire. Personne ne s’offusque de sa présence. 2014, changement de munici- palité. Xavier dépose un permis de construire pour se mettre en règle. Il est refusé. La commune de Cléron porte l’affaire devant le tribunal. Xavier gagne en pre- mière instance au tribunal civil en juillet 2016. La mairie fait appel et gagne en mars dernier. Le tribunal lui ordonne de déconstruire son lieu d’habita- tion et le condamne à remettre en état le site dans les 6 mois avec amende de 100 euros par jour. “J’ai décidé de me pourvoir en cassation, annonce le proprié- taire. Je compte bien rester là.”

U ne à une, il a monté les planches sur son dos au pied d’un foyard cente- naire enraciné au centre de sa parcelle d’1 hectare, ache- tée en 2008. Un travail de forçat d’environ trois ans qui permet aujourd’hui à Xavier Marmier d’habiter unemagnifique cabane en bois autonome à environ 7 mètres du sol, entre Cléron et Amondans. Il flirte avec la cano- pée et partage la vue avec sa compagne. “C’est ce dont j’ai tou-

sur sa parcelle. Ses toilettes sèches sont situées dans un cabanon au sol. Sa maison a une chambre en mezzanine et est bâtie sur un plateau en sapin douglas contrecollé. Un travail d’orfèvre. La présence de Xavier est à peine visible depuis la route départe- mentalemais à son grand regret, il est devenu une figure d’un “combat”même si lui n’aime pas cemot.Desmilliers d’internautes le soutiennent. Des personnes sont même venues le rencontrer. “Je voulais être tranquille au fond de mon bois et dix ans plus tard, je me retrouve désigné comme porte-flambeau d’une cause” dit avec le sourire cet adepte du yoga et ancien grim- peur-élagueur. Pour certains, il est celui qui représente ces per- sonnes désireuses d’un mode de vie proche de la nature, pour d’autres, celui qui a violé une règle. La justice vient - en avril - de lui ordonner la démolition de son cocon. Il semble pourtant très calme : “J’ai confiance dans la justesse de mon bon sens. Je vis ici en totale autonomie.” Tout a débuté il y a 6 ans. À l’époque, l’homme propriétaire

jours rêvé” dit cet intermittent du spectacle de 47 ans, qui n’a rien d’un hurluberlu. Tout juste a-t-il réalisé son rêve : vivre près de la nature, loin du monde, quasiment en autonomie avec l’eau qu’il récupère du toit, l’élec- tricité qu’il produit grâce à des panneaux. Aucun clou n’est planté dans l’arbre qui supporte la plate-forme de 44 m 2 dans laquelle il vit à l’année. Le chauf- fage est assuré par un poêle qui consume le bois mort ramassé

Xavier et Line sur la terrasse de leur cabane.

“Je compte bien rester là.”

Pourquoi le tribunal a-t-il pris cette déci- sion ? Parce que le lieu est situé en zone Natura 2000 et qu’il serait potentielle- ment exposé à des risques de glisse- ment de terrain. La commune craint que cet exemple ne donne des idées à d’autres. “Il faut déjà se donner du cou- rage pour construire cela et ensuite, il faut vouloir abandonner

gentillesse, réexplique, offre un melon, présente ses tomates en train de pousser. Line, sa com- pagne qui l’a rejoint ici, parle d’un havre de paix. Le couple de chouettes, les loirs, les che- vreuils le matin, accompagnent leurs soirées durant l’été. L’hiver, c’est forcément moins bucolique et bruyant lors d’épisodes ven- teux. Xavier a prouvé qu’il s’est fondu dans le décor. Il veut rester perché. 101 000 personnes le soutiennent sur les réseaux. ■ E.Ch.

un confort. C’est un boulot d’homme ! Cet argument est fal- lacieux. J’ai quand même un profond sentiment d’injustice car en France, on ne te laisse pas choisir ton propre mode de vie. Je n’ai pas l’impression d’être un gangster mais je retrouve à la barre d’un tribunal comme si c’était le cas.” D’innombrables articles ou reportages télé ont suivi “l’affaire de la cabane dans les bois”, dont le dernier paru dans Le Monde courant août. Le quadra ouvre sa porte avec

Aucun clou planté dans l’arbre : la cabane est suspendue.

URBANISME

Pourquoi l’habitat léger n’est-il pas reconnu ? “Si tu construis ta yourte de tes mains, on te considère comme un zonard !” L’association “Halem” se bat au niveau français pour obliger les collectivités à reconnaître d’autres

loi l’autorise… car c’est justement tou- ristique et que cela génère de l’argent. Depuis 2011, l’habitat démontable comme la yourte est accepté à condition d’autonomie et de réversibilité, c’est- à-dire ne pas artificialiser les sols. L.P.B. : Autoriser ces types de construction, n’est-ce pas ouvrir la porte à une forme d’anar- chie en matière d’habitat ? P.L. : Vivre dans une cabane, en auto- nomie, ce n’est déjà pas à la portée de chacun. La France a une problématique de logement aussi bien en ville qu’en campagne : ces habitats légers sont une opportunité de créer des héber- gements. Parce que tu as construit ta maison de tes propres mains, tu es considéré comme un zonard qui pollue ! C’est totalement l’inverse. Une yourte par exemple, elle n’a pas besoin de beaucoup de combustible pour être

chauffée, il n’y a pas besoin de béton… L’article L 112-2 du Code de l’urba- nisme rappelle que tout type d’habitat doit être pris en compte sans distinc- tion. L.P.B. : Pourquoi la cabane de Xavier est-elle devenue le porte-drapeau de vos “batailles”. Et pourquoi dites-vous qu’il a le droit de rester dans sa cabane, posée sur son terrain mais sans permis de construire ? P.L. : Sa médiatisation permet de mettre un accent sur le sujet. La Cour de cas- sation peut y être sensible. On lui refuse son permis parce qu’il est en zone Natura 2000 protégée. Or, lorsque l’on interroge les techniciens, on nous répond qu’il n’y a pas de problème tant qu’il a un mode de vie adapté qui pré- serve l’environnement. C’est le cas. ■ Propos recueillis par E.Ch.

Une personne qui habitait dans un bus impérial a interpellé le ministère du Logement. Une relation de base entre l’État s’est nouée. Nous contri- buons à ne pas laisser les “aménageurs du territoire” décider seuls du destin des habitats légers.

tenir via une pétition. Le cas de Xavier est pourtant loin d’être le seul exemple. Il y en a des centaines d’autres en France. L’habitat dit léger est devenu un phénomène de société prisé des jeunes. L’association Habitants de Logements éphémères ou mobiles (Halem) tente de faire évoluer les consciences. Entretien. La Presse Bisontine : Quel fut l’élément qui a déclenché la naissance de votre association ? Quel est son but ? Paul Lacoste (militant) : C’est un mouvement de base né en 2005 dans un camping de l’Essonne où 200 personnes vivaient à l’année. Les gens s’y sont réfugiés pour le cadre et des loyers moins chers, car en Ile- de-France, ce n’est pas simple de trou- ver une habitation. Puis le directeur du camping a coupé l’eau, l’électricité.

manières d’occuper le territoire et défend les habitants de logements

“L a cabane de Cléron” est devenue, en France, le symbole d’un bras de fer entre un individu désireux de vivre près de la nature, avec le plus faible impact possible sur le terrain dont il est le propriétaire, et une admi- nistration imperméable à ses argu- ments. Le tribunal correctionnel lui demande de la déconstruire. Plus de 100 000 personnes ont choisi de le sou- “éphémères” ou “mobiles”. Quels sont ses arguments ?

L.P.B. : Pourquoi vivre dans une cabane, une yourte, n’est pas autorisé, alors qu’elles le sont dans les zones touristiques ? P.L. : On nous oppose toujours le même argument : “Vous n’êtes pas raccordé aux réseaux” … alors que l’habitation est auto- nome en eau par exemple. Dans les lieux touristiques, la

“Tout type d’habitat doit être pris en compte.”

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