La Presse Bisontine 209 - Mai 2019

DOSSIER

La Presse Bisontine n°209 - Mai 2019

27

l Trois questions à…

l’affût, mais jamais au centre du jeu àmon avis. C’est la raison pour laquelle il faut toujours inciter les “Les partis extrémistes ne seront jamais au centre du jeu” Le commissaire européen Pierre Moscovici est venu à la rencontre des élus francs-comtois au bureau de représentation de la région à Bruxelles pour répondre à leurs inquiétudes notamment concernant les futurs financements européens.

ressources pour compenser.Mon message aux élus français est donc simple : mobilisez-vous pour défendre les acquis et les intérêts de votre région dans les discussions actuelles. Il faut impérativement appuyer le gou- vernement pour défendre les intérêts de la France et donc des régions dans le futur dis- positif. L.P.B. : Les élections européennes approchent à grands pas. Craignez- vous une arrivée en force des partis extrémistes au Parlement ? P.M. : Je reste persuadé qu’il ne se dégagera pas une majorité

gens se tournent vers l’Europe comme si c’était une entité exté- rieure. Ce n’est pas le cas ! Il suffit de s’adresser aux instances européennes pour s’apercevoir qu’on y trouve des gens ouverts et de bonne volonté. On critique souvent la bureaucratie euro- péenne. Il y a 33 000 fonction- naires à Bruxelles, mais qui représentent les intérêts de 500 millions d’Européens (N.D.L.R. : à titre de comparai- son, la Ville de Paris compte à elle seule plus de 50 000 fonc- tionnaires). Et c’est une admi- nistration de mission, chargé d’aider les collectivités locales et les citoyens à faire avancer leurs dossiers. n Propos recueillis par J.-F.H.

d’extrémistes à l’issue de ce scrutin, même si on peut crain- dre en effet une poussée de ces partis. Ils peuvent réaliser 30 %, ce qui est déjà énorme, mais s’ils atteignent ce score, ils n’au- ront au final “que” 30 % des sièges, ce qui ne fait pas une majorité. Si on y ajoute 5 % d’ex- trême gauche, on arrivera à 35 % d’anti-système. Depuis 1979, deux partis, le P.P.E. et le P.S.E. ont ensemble la majorité et on a l’habitude ici de fabriquer du compromis. Dans le prochain Parlement, ça risque tout de même de changer avec des par- tis extrémistes aux aguets, à

citoyens à aller voter. Plus la par- ticipation sera élevée et plus le poids des partis républicains sera important. L.P.B. : Mais l’Europe paraît toujours aussi éloignée aux yeux des citoyens ! P.M. : Il faut que les citoyens se sen- tent concernés par l’Europe. Les

“À Bruxelles, on y trouve des gens ouverts et de bonne volonté.”

L a Presse Bisontine :La Com- mission semble vouloir ser- rer la vis et réduire la voilure des fonds européens pour la prochaine programmation 2021- 2027. Vous confirmez ? PierreMoscovici : En effet, l’Europe s’est fixée des priorités nouvelles en fonction de l’évolution de son

environnement. Parmi ces prio- rités, il y a la sécurité, la sur- veillance des frontières d l’Eu- rope, la jeunesse, la défense, etc. Autant de domaines coûteux qui obligent l’Europe à redi- mensionner ses autres poli- tiques. Et je l’affirme : il ne faut pas compter sur de nouvelles

Zoom Les élections du 26 mai, mode d’emploi 56,5 % d’abstention, c’est le taux record atteint en 2014 en France pour la dernière élection européenne. Et encore, la France n’est pas le pire élève de la classe Europe en matière de participation électorale. En République tchèque, en Croatie, en Pologne par exemple, les taux d’abstention avaient dépassé les 75 % ! Le prochain scrutin européen a donc lieu en France le dimanche 26 mai, dans un mois. Il s’agira alors d’élire les 79 députés européens qui représenteront la France au Parlement européen de Strasbourg et de Bruxelles sur un total de 751 euro-députés. Pour la France, c’est cinq de plus que lors des élections de 2014. Le mode de scrutin a changé par rapport à la dernière élection européenne. Finies les listes par grandes régions comme la dernière fois, il n’y a désormais plus qu’une seule circonscription en France. Nous choisirons donc tous parmi les mêmes listes de candidats, quel que soit notre lieu de résidence. Et contrairement aux scrutins nationaux, l’élection au Parlement européen est à la proportionnelle. Cela signifie simplement que le nombre de députés élus de chaque parti dépendra du pourcentage du vote obtenu par leur parti. C’est le 3 mai que seront connues toutes les listes en présence en France. n

Pierre Moscovici est venu à la rencontre de la délégation bourguigno- comtoise au bureau de représentation

de la Région à Bruxelles.

“Bruxelles dicte sa politique économique à la France !” Les fausses vérités sur l’Europe Idées reçues Beaucoup de contre-vérités véhiculées par les euro- sceptiques circulent sur l’Europe. La Presse Bisontine en déconstruit quelques-unes pour vous.

La politique économique de la France est décidée en France. Les politiques économiques de tous les États membres sont discutées à Bruxelles,mais chaque État reste libre de décider du niveau et de la répartition de ses dépenses publiques. La Commission européenne n’impose rien, mais elle veille à ce que les États membres respectent les règles. Chaque citoyen français verse un peu plus de 80 centimes d’€ par jour au budget de l’Union européenne. Le bud- get global de l’Europe est de 158 mil- liards d’euros, soit moins d’1% du P.I.B. des États membres de l’Union. En com- paraison, le budget de la France était de 1 257 milliards (en 2016). Et après l’Italie et l’Espagne, la France est le troisième pays qui bénéficie le plus largement des subsides de l’Europe avec 11,3 milliards d’€euros reçus en 2016, dont une grande part est allée à l’agriculture (7,3 milliards). “L’Europe coûte trop cher à la France !”

“L’introduction de l’euro a fait chuter l’industrie française !” La production industrielle française a reculé, c’est vrai. Mais ce recul ne date pas de l’introduction de l’euro, il remonte à la crise économique de 2008. La France n’est d’ailleurs pas le seul pays dans ce cas. L’Allemagne, elle, a vu son industrie augmenter, c’est vrai aussi.Mais lorsqu’on compare le P.I.B. des deux pays, c’est-à- dire la production de biens et de services, les deux pays s’en sont aussi bien sortis. La France grâce à ses services, l’Alle- magne grâce à son industrie.

“La Suisse s’en sort mieux sans l’Union européenne !”

“La politique agricole commune est l’ennemie de l’agriculture française !”

“Travailleurs détachés : un déferlement de travailleurs low-cost !”

La Suisse s’en sort très bien car elle a dès le début choisi une approche “à la carte” du marché unique européen grâce aux accords bilatéraux qu’elle a conclus avec l’Union. Par conséquent, elle doit aussi se plier au respect de certaines règles européennes et elle contribue au budget européen (fonds Interreg…), sans pour autant avoir son mot à dire sur la législation et le fonctionnement de l’Union.

Plus de 350 000 exploitations agricoles françaises ont bénéficié des paiements directs de la P.A.C. (année 2015).Alors que l’agriculture peinait à couvrir les besoins vitaux des Européens jusqu’au début des années cinquante, la P.A.C. a permis à l’Union européenne de deve- nir la première puissance agricole et la première puissance exportatrice de produits agricoles au monde. La P.A.C. sert aussi à soutenir les revenus de tous les agriculteurs français à hauteur de 7 milliards d’euros par an, et en particulier les petites et moyennes exploitations ainsi que les jeunes agri- culteurs. Si la France ne faisait pas partie de l’U.E., elle peinerait à exporter ses produits. L’Europe garantit égale- ment la qualité à travers ses labels A.O.P. ou I.G.P.

Un travailleur détaché est un salarié envoyé à titre temporaire par son employeur dans un autre pays de l’Union, sur un chantier par exemple. La Pologne (et son fameux plombier) est le premier pays d’origine de ces travailleurs qui paient leurs cotisations sociales dans leur pays d’origine mais dont l’employeur doit respecter les règles du marché où se fait le déta- chement, notamment le salaire mini- mal et le temps de travail maximal. Le problème, ce ne sont pas les règles européennes, mais leur contourne- ment, c’est-à-dire la fraude. Et mal- heureusement, cette fraude est répan- due. La France a augmenté les contrôles et durci les amendes.

Depuis l’introduction de l’€ en 2002, au contraire, l’inflation a diminué en France et en Europe. Avant l’euro, l’inflation pouvait atteindre 10% par an en France (notamment dans les années quatre-vingt). Depuis l’euro, la hausse des prix n’a jamais dépassé les 2% par an. Un exemple souvent cité : le prix de la baguette de pain.Avant l’euro, la baguette coûtait en moyenne 4,30 francs, soit 0,66 euro. Aujourd’hui, elle coûte environ 0,90 euro, soit une hausse de moins de 2% par an. Le S.M.I.C. horaire, lui, a augmenté en moyenne de 2,4% par an depuis 2001. “Avec l’euro, tout a augmenté, sauf mon pouvoir d’achat !”

Made with FlippingBook Online newsletter