La Presse Bisontine 204 - Décembre 2018

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n°204 - Décembre 2018

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POLITIQUE

L’adjoint aux relations internationales

“Les prochaines municipales se joueront sur l’engagement citoyen”

Thibaut Bize, le plus jeune adjoint bisontin, est également le secrétaire départemental sortant du Parti communiste. Il revient de Palestine où Besançon mène une action de coopération décentralisée. Retour d’expérience… et point de vue sur la situation politique municipale.

L a Presse Bisontine : Vous revenez de Palestine où une délégation bisonti- ne y a passé une semaine. Que la Ville Besançon va-t-elle faire là-bas ? Thibaut Bize : Besançon est jumelée avec le camp palestinien d’Aqabat Jaber en Cisjordanie où nousmenons une action de coopération interna- tionale axée sur l’eau et l’assainis- sement, le tourisme, l’éducation et depuis cette année la gestion des déchets. Ce camp est habité par des personnes et leurs descendants qui avaient été chassés de leur territoi- re en 1948 à la création de l’État d’Israël. Ce camp devait être com- me tous les autres camps, tempo- raire, et ça fait 70 ans que ça dure. Les habitants s’y sont sédentarisés dans des habitations en dur et natu- rellement, les réseaux d’eau, d’as- sainissement, la collecte des déchets sont à améliorer sans cesse. C’est sur ces sujets que les techniciens de laVille et de l’Agglo viennent appor- ter leur expertise, avec le soutien des élus chargés de ces questions à la Ville et à l’Agglo. L.P.B. : Concrètement, quelles sont les dif- ficultés rencontrées ? T.B. : La plupart des puits de capta- ge d’eau sont la propriété des colons israéliens et les ressources en eau sont donc limitées, et contrôlées par une société israélienne. Avec les Palestiniens, après avoir trouvé un nouveau puits, on est en train d’ins- taller une pompe pour aller cher- cher de l’eau et garantir une meilleu- re indépendance au camp. Ce voyage récent a permis de suivre la mise en œuvre de ce nouveau puits. On tra- vaille également sur la collecte des eaux usées et à leur raccordement à une nouvelle station d’épuration qui sera financée par des Japonais du côté de Jéricho. Dans la même logique, et c’est la nouveauté, nous avons ajouté un volet gestion des déchets à la convention qui nous lie à Aqabat Jaber, l’idée étant d’amé- liorer la collecte afin de limiter la pollution des nappes phréatiques et de prévoir une nouvelle organisa- tion de la collecte des déchets. L.P.B. : L’aide internationale est donc indis- pensable ? T.B. : Bien sûr, d’autant plus que Donald Trump a décidé récemment

de passer de 10 à 12 millions d’eu- ros d’aides, puis à 20millions l’an- née prochaine. Et à notre échel- le, nous avons voté au conseil municipal de Besançon unemotion dans ce sens. L.P.B. : Combien coûte à Besançon ce genre d’action au profit de la Palestine ? T.B. : Sur tous les volets, c’est une enveloppe de 35 000 euros : 5 000 euros donnés par l’Agglo- mération sur l’eau, 5 000 autres euros pour le volet déchets. Et la Ville verse également 5 000 euros sur le volet éducation (notamment éducation à l’environnement qui forcément, n’est pas leur préoc- cupation première) et 10 000 sur le tourisme solidaire (une autre action destinée à développer la fréquentation touristique dans ce secteur, notamment avec l’itiné- raire de randonnée le Sentier d’Abraham, récemment balisé). Au total, cette action représente une dépense de 18 centimes par habitant duGrandBesançon.C’est une somme très modeste. L.P.B. : Certains Bisontins pensent peut- être que cet argent devrait plutôt servir aux Bisontins ? T.B. : La coopération ne doit plus être l’affaire que de l’État, c’est la raison pour laquelle cette notion de coopération décentralisée est née.Beaucoup d’associations bison- tines travaillent d’ailleurs sur ce sujet et c’est sous leur impulsion que l’on met en place ces actions. Ces actions relèvent de la solida- rité internationale. Après notre lourd passé colonial, on ne peut pas être insensibles à la volonté d’un peuple d’être libre. L.P.B. : Vous, les élus communistes, sou- tenez clairement la cause palestinien- ne ? T.B. : Clairement, mais cela ne signifie pas qu’on est anti-israé- lien. Nous avons toujours été dans les batailles pour l’autodétermi- nation des peuples. Pourquoi les Palestiniens n’y auraient pas droit ? Nous sommes contre toutes formes de colonialisme,qu’ils soient juifs, chrétiens, arabes, vietna- miens ou autres. L.P.B. : Sur ces points, vous soutenez donc la position officielle de la France ? T.B. : La France a tout de même une position contradictoire. C’est très bien qu’elle ait décidé d’aug- menter sa contribution à l’U.N.R.W.A., car les précédents gouvernements ne l’avaient pas fait. Mais je trouve un peu éton- nant que de l’autre côté, on accueille Benyamin Netanyahou en France en même temps qu’il bombardait Gaza et commettait des crimes de guerre. L.P.B. : Au niveau bisontin, cette aide à la Palestine ne fait pas débat ? T.B. : En général, toutes les déci-

Thibaut Bize cède sa place du numéro 1 du P.C.F. dans le Doubs.

sions à ce sujet sont votées à l’una- nimité au conseil municipal. Il n’y a peut-être que Philippe Gonon qui s’abstient car il estime qu’on devrait agir pareil avec des asso- ciations israéliennes pour des rai- sons de neutralité. L.P.B. : Restons à Besançon : vous, les élus communistes, considérez-vous tou- jours faire partie de la majorité munici- pale ? T.B. : On continue à mener toutes nos délégations et dans ce sens- là, nous faisons toujours partie de la majorité municipale. En même temps, on ne peut pas nier que les désaccords se creusent sur cer- tains sujets avec le maire et pré- sident de l’agglomération. L.P.B. : Vous pensez notamment à l’épi- sode autour de l’arrêté anti-mendicité ? T.B. : Pas seulement. Sur certains sujets importants comme le futur plan de renouvellement urbain où la reconstruction d’à peine un logement déconstruit sur trois est prévue, nous ne laisserons pas prendre ce genre de décision sans réagir. Ce n’est qu’un exemple par- mi d’autres. L.P.B. : Vous pourriez quitter la majori- té ? T.B. : Tant que le programme de 2014 n’est pas remis en question, il n’est pas question de la quitter. Si certains nous reprochent de ne pas quitter lamajorité, nous répon- dons que nous préférons plutôt que de mener une politique des apparences, mener une politique des résultats. C’est ce que nous faisons tous les jours dans nos délégations. On ne dit pas qu’on est de gauche, on fait des choses de gauche. L.P.B. : Franchirez-vous la ligne rouge en ne votant pas le prochain budget de la Ville ?

T.B. : C’est un peu tôt pour le dire, mais le risque est réel si des choses venaient à se confirmer sur cer- tains dossiers com- me le logement social dont je fais une ques- tion essentielle, ou d’autres dossiers comme le C.C.A.S. dont le budget devra forcément augmen- ter. Il y a d’autres sujets qui nous dérangent franche- ment comme l’accueil des réfugiés dans cet-

tiellement sur l’engagement citoyen. De toute manière, on ne pourra pas s’éparpiller pour ces municipales. Il faudra construi- re une stratégie ensemble pour pouvoir gouverner ensuite cette ville ensemble. L.P.B. : L’engagement citoyen, c’est aus- si la marque d’En Marche non ? T.B. : Sauf qu’on s’est vite aperçu que chez eux, la gouvernance est très verticale, le chef donne ses directives et les autres le suivent. On veut essayer de fonctionner justement autrement. L.P.B. : Un vrai rassemblement de la gauche bisontine, ça doit se faire aus- si avec les Insoumis. Ils sont infré- quentables ? T.B. : La porte est ouverte à tous, mais quand on essaie de leur par- ler, c’est comme si on parlait à un mur. On serait très contents qu’ils soient avec nous, mais on ne peut pas faire boire un âne qui n’a pas soif… L.P.B. : Qui est le meilleur successeur de Jean-Louis Fousseret selon vous ? T.B. : Celui qui connaît le mieux les dossiers, qui a la plus grosse capacité de travail et qui maîtri- se le mieux ses sujets, c’est bien sûr Christophe Lime. Ce qui ne fait pas de lui le meilleur pour rassembler la gauche évidem- ment avec son étiquette politique. Pour gagner, pour l’instant, on n’a pas de solution miracle. C’est justement pour cela que tout doit partir des citoyens. Toutes les petites velléités individuelles qui émergent en ce moment me gon- flent. On n’est pas en train de chercher le nouveau Roi Soleil ! Pourquoi d’ailleurs ne pourrait- on pas réfléchir à une présiden- ce tournante pour ce conseil muni- cipal ? n Propos recueillis par J.-F.H.

Bio express

l Thibaut Bize a 34 ans, il a une fille de 2 ans l Il est enseignant au lycée professionnel de Montjoux l Il est adhérent au P.C.F. depuis 2002 l Secrétaire départemental du P.C.F. de 2013 à 2018. l Élu conseiller municipal délégué aux animations sportives en 2014 et 2017 l Suite à la démission de Solange Joly en 2017, il a été élu adjoint aux relations internationales, à la coopération décentralisée et aux jumelages

“Avec les Insoumis, c’est comme si parlait à un mur.”

te ville. Même si c’est de la com- pétence première de l’État, laVil- le peut faire mieux. Personne ne peut accepter que de jeunes mineurs dorment dehors. L.P.B. : Vous avez déjà fait un pas de côté en créant cet intergroupe avec les élus verts notamment ? T.B. : Nous avons créé ce groupe pour pouvoir peser davantage dans le maintien du cap et du pro- gramme municipal. On travaille tous les lundis ensemble, dans un bon esprit. L.P.B. : Avec des visions pourtant radi- calement opposées entre verts et com- munistes sur certaines questions com- me l’Europe par exemple ! T.B. : Oui, mais si nous avions les mêmes avis sur tout, nous ferions partie dumême mouvement ! Sur les valeurs, les dossiers locaux, la façon de travailler ensemble, on s’entend très bien. L.P.B. : Cet intergroupe sera donc la base d’une future liste pour les municipales de 2020 ? T.B. : Sans doute pas complète- ment, mais ça peut y contribuer. Une chose est sûre : les prochaines municipales se joueront essen-

de se désengager du programme de l’U.N.R.W.A., l’Of- fice de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine. Les États-Unis don- naient 350millions d’euros, c’est dire lemanque d’argent auquel les Palesti- niens sont désor- mais confrontés. Le gouvernement français, et on peut le saluer, a décidé

“Nous sommes contre toutes formes de colonialisme.”

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