La Presse Bisontine 200 - Juillet-Août 2018

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 200 - Juillet-août 2018

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TOURISME Le vice-président de la Région évoque les grandes orientations

“100 millions d’euros seront investis dans le tourisme régional”

L a Presse Bisontine : L’ancien directeur général des services de la Ville de Besan- çon que vous êtes (il est en retraite en 2015), vous êtes passé de l’action publique à la décision politique. Quelle est votre ambition touristique régionale ? Patrick Ayache : Je me suis pris très vite de passion pour cette politique publique que je connaissais peu avant d’être élu. J’ai compris que nous pouvions obte- nir des résultats assez rapidement si nous arrêtions une stratégie ambitieuse et très ciblée en adossant les moyens financiers adéquats. La présidente de Région a bien voulu me faire confian- ce. Les premiers résultats sont làmême si l’essentiel reste à faire. L.P.B. : Il reste beaucoup à faire, c’est vrai, notamment en matière d’hôtellerie haut de gamme qui reste l’un de nos points faibles, particulièrement de l’ancienne Franche-Com- té ? P.A. : À Besançon selon une étude, il manque environ 300 chambres et nous sommes prêts à aider les investisseurs à créer les structures nécessaires. D’ici 2022, près de 100 millions d’euros vont être investis par la Région pour le tou- risme régional. Les projets bouillon- nent ! Nous avions prévu 18 millions d’euros pour favoriser l’hébergement touristique : je pense que l’on va dépas- ser très rapidement ce chiffre avant l’échéance de 2022. Nous avons égale- ment prévu 36 millions pour les grands équipements structurants, 22 millions d’euros pour l’itinérance. Là aussi les projets autour des canaux explosent, notamment au niveau du canal de Bour- gogne. On pourrait investir très rapi- dement 4 millions d’euros tant ces pro- jets sont nombreux. On commence par lancer ce plan d’investissement autour des canaux le long de la Saône et du Doubs. Les professionnels ont compris cet intérêt pour ce mode touristique. Enfin, nous apportons 15 millions d’eu- ros pour les activités touristiques. À cela, il faut ajouter les 6 millions d’eu- ros que nous donnons au C.R.T. pour la promotion. L.P.B. : Les budgets “tourisme” des deux anciennes Régions ont été fusionnés. Forcé- ment l’enveloppe est plus importante mais le territoire plus vaste. Ces 100 millions, n’est- ce pas un effet d’annonce ? P.A. : Non. C’est ambitieux et ce mon- tant est bien plus important que les Réunis à Arc-et-Senans par la Région, les acteurs du tourisme ont entendu parler de Chine, de vins de Bourgogne, et d’investissements. Patrick Ayache, vice-président de la Région en charge du tourisme lève le voile sur les défis à relever et rassure : les ex-Francs-Comtois ne seront pas oubliés.

Patrick Ayache ici à la Saline royale d’Arc- et-Senans lors de la conférence régionale du tourisme en Bourgogne- Franche- Comté en début de mois.

vignoble de Bourgogne et la Franche- Comté, les beaux paysages, les lacs du Jura. L’idée, c’est que les Chinois vien- nent à Paris et que nous leur dévelop- pions un pack ici et qu’ils puissent repartir depuis Dole. Cet aéroport a une autre qualité : il peut se dévelop- per parce qu’il n’y a pas d’habitations à proximité. L.P.B. : On a l’impression que la Région mise tout sur la Chine… P.A. : Non. Ce n’est pas pour autant que nous baisserons nos efforts sur les clien- tèles qui viennent déjà chez nous : les Suisses, Allemands, Belges… L.P.B. : Êtes-vous d’accord avec Marie-Guite Dufay lorsque celle-ci dit que les Comtois ne savent pas communiquer ? P.A. : Oui c’est vrai. Les Comtois ne sont pas dans la démonstration. L.P.B. : Besançon joue-t-elle petit bras en matière de tourisme ? P.A. : Non ! Besançon est parti un peu tardivement mais Jean-Louis Fousse- ret a bien compris l’enjeu et le posi-

tionnement du Grand Besançon sur l’outdoor et le trail par exemple. C’est une bonne stratégie. L.P.B. : L’inscription de la Citadelle à l’Unes- co promettait des milliers de visiteurs en plus : ils ne sont forcément pas là. Comment faire ? P.A. : Sans doute, mais l’inscription au patrimoinemondial n’est pas une garan- tie de succès, c’est le projet autour du site labellisé qui crée le succès. Je me souviens en tout cas du travail réalisé par Jean-Louis Fousseret et les équipes pour obtenir ce label. C’était une vraie aventure. L.P.B. : Un mot sur le Pass tourisme qui devrait arriver en 2019. P.A. : Nous voulons, à l’image de la Car- te jeunes, proposer un florilège de ser- vices avec ce pass. Ce ne sera pas sim- plement une petite carte en carton pour dire “allez de tel endroit à tel endroit” mais un service offert aux usagers pour les inciter à se rendre sur d’autres sites régionaux. Peu de régions le font enco- re. n Propos recueillis par E.Ch.

deux budgets précé- dents réunis puisque ce sont en vérité 125 millions qui sont dépensés. Par souci d’honnêteté intellec- tuelle avec la prési- dente Marie-Guite Dufay, nous avons tenu à faire le distin- guo entre ce qui révè- le des dépenses de fonctionnement (com- munication et promo- tion) et l’investisse- ment. Ce sont 100millions pour l’em- ploi, les entreprises, le territoire. Il y a une vraie volonté politique de faire du tourisme un levier du développement écono- mique. L.P.B. : Dommage d’en prendre conscience seulement maintenant… P.A. : Les collectivités n’ont pas consi- déré le tourisme à sa juste valeur. Aujourd’hui, toutes les régions s’en emparent. Le tourisme est passé de 5,7 à 6,3 % de notre P.I.B. Notre soutien a permis de créer des emplois qui sont non délocalisables. Nous sommes par exemple en passe de créer une vallée de la gastronomie entre Dijon et Mar- seille. Il y a 30 ans, le tourisme, c’était prendre l’autoroute pour descendre à la mer. Aujourd’hui, un regain pour le slow tourisme arrive. On doit proposer une offre gastronomique et hôtelière. L.P.B. : Y a-t-il trop d’autoflagellation de notre part lorsque nous affirmons que nos sites tou- ristiques peinent à décoller ? P.A. : Non. Je crois que nous pouvons vraiment doper la fréquentation des sites en les dotant de l’outillage numé- rique nécessaire. Nous nous y attelons. Nous voulons une stratégie marketing pour nos grands sites que nous aide- rons en développant par exemple la réalité virtuelle, en créant un cluster où les entreprises innovantes pourront “Nous visons les touristes chinois à fort pouvoir d’achat.”

proposer leurs inventions.

L.P.B. : Lesquels seront retenus ? P.A. : Les 5 grands sites de France et les sites Unesco. Tout n’est pas encore arrêté. Il y aura un partenariat public- privé. L’enjeu est faramineux, car l’his- toire est encore plus belle lorsqu’elle est racontée par exemple en 3D. L.P.B. : Du côté des professionnels du touris- me à Besançon et en Franche-Comté, l’im- pression est donnée que la Bourgogne tire la couverture. Pour preuve la campagne de publi- cité dans le métro parisien où seulement le mot “Bourgogne” était présenté. Comprenez- vous la frustration ? P.A. : J’ai compris la frustration. Mais cela renvoyait à une marque. Ne l’ou- blions pas : lorsque nous discutons à l’international, le mot magique, c’est la Bourgogne. À nous de faire ruisse- ler les touristes sur tous nos sites. Il faut éviter le repli identitaire. L.P.B. : Vous étiez à HongKong avec la prési- dente Marie-Guite Dufay il y a quelques semaines. Pour y faire quoi ? P.A. : Nous avons rencontré 60 tour-opé- rateurs là-bas au salon Vinexpo grâce au Comité régional du tourisme et à la Chambre de commerce et d’industrie qui ont fait un travail extraordinaire de préparation. Grâce à nous, les tour- opérateurs ont pu entrer et visiter notre stand où la qualité française était sym- bolisée par le stand de la Bourgogne- Franche-Comté. Nous visons les tou- ristes chinois à fort pouvoir d’achat. Nos correspondants asiatiques nous connaissent bien et sont amoureux de nos vins de Bourgogne. On a senti un engouement ! L.P.B. Comment les attirer ensuite à Besan- çon, puis dans le Haut-Doubs ? P.A. : Nous avons imaginé une ligne aérienneHong-Kong-DoleTavaux.Nous sommes prêts à faire des travaux sur la piste. Des compagnies aériennes sont intéressées et ce sujet a été évoqué durant le séjour. La localisation de l’aé- roport est formidable : il est entre le

Repères

l Saison record Le Doubs en matière touristique a connu une saison touristique 2017 excep- tionnelle. L’hôtellerie a connu une progression de + 9,4 % avec 763 973 arri- vées et 1 074 185 nuitées) et surtout l’hôtellerie de plein air (+ 14,9 % soit 109 073 arrivées et 355 036 nuitées). l Grand Besançon En nombre de nuitées des touristes français, c’est sur le Grand Besançon avec 34 % des nuitées totales du département que l’impact est le plus fort, suivi par le Haut-Doubs (24 %), le Pays de Montbéliard (17 %), Doubs central (12 %), Loue-Lison (8 %) et enfin le Pays Horloger (6 %). l Citadelle La Citadelle de Besançon reste le site le plus visité du Doubs avec 281 288 visiteurs en 2017 (+ 4 % par rapport à 2016), suivie par la Saline royale qui voit sa fréquentation augmenter de 27 % (127 587 visiteurs) et celle de Dino- Zoo à Charbonnières-les-Sapins de + 1 % (124 931 visiteurs), la cathédrale Saint-Jean (124 000), le musée des Maison comtoises à Nancray (41 522), et plus loin le F.R.A.C. (19 000), la maison natale de Victor Hugo (16 334).

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