La Presse Bisontine 198 - Mai 2018

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 198 - Mai 2018

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POLITIQUE

L’adjoint renonce à la mairie de Besançon

Yves-Michel Dahoui quitte le P.-S. et fait une croix sur ses ambitions municipales. L’adjoint à l’Éducation se dit “déçu mais pas amer.” Il jette quelques pistes de réflexion pour l’avenir. Interview-cash. “Le meilleur candidat pour Besançon serait Christophe Lime”

L a Presse Bisontine : Vous avez décidé de quitter le P.-S. et le groupe muni- cipal “socialistes et société civile répu- blicaine” en évoquant dans un com- muniqué les “manœuvres et dysfonctionnements permanents, d’un autre âge.” À quoi faites-vous allusion ? Yves-Michel Dahoui : Quand on a une sin- cérité dans ses convictions et qu’on ne trouve plus sa place, on en tire les conséquences. Les dissensions au sein du groupe sont trop nombreuses pour pouvoir y travailler sereinement. Je ne trouve plus mon compte au sein de ce groupe, ni dans son fonctionnement, ni dans le contenu de ses réunions. Voilà deux ans que j’essaie de mobili- ser le groupe autour des idées à bâtir pour cette ville et je me confronte sys- tématiquement à un mur. L’essentiel à mes yeux est de pouvoir élaborer un vrai projet pour cette ville et des pers- pectives, mais personne ne veut m’en- tendre. Sur le plan des idées, au sein de ce groupe, c’est l’encéphalogramme plat. Il n’y a aucun intérêt à ce que j’y reste. Les ambitions personnelles sont dérisoires quand elles ne sont sous- tendues par aucun projet, aucune pers- pective. L.P.B. : Vous aviez pourtant fait acte de can- didature il y a un an, avant même de propo- ser un projet pour Besançon ? Y.-M.D. : En parallèle à cet acte de can- didature, j’ai largement réfléchi à une perspective pour Besançon et son agglo- mération. Je l’ai écrite, je l’ai envoyée à mes collègues, mais personne n’a réagi. J’avais dit également que si j’avais été élu maire, je n’aurais fait qu’un mandat, il y a d’autres généra- tions qui suivent. Dans cette généra- tion suivante, il y a sans doute des capacités individuelles, mais il ne suf- fit pas de se montrer partout pour avoir une vision pour cette ville. Le niveau d’exigence doit être plus élevé que cela quand on prétend présider aux desti- nées d’une ville comme Besançon. L.P.B. : Vous visez clairement le président du groupe socialiste Abdel Ghezali dans ce réqui- sitoire ! Y.-M.D. : Je dis cela pour tous ceux qui pensent qu’il suffit de se déclarer can- didat pour être crédible. L.P.B. : Votre texte en plusieurs chapitres inti- tulé “Une ambition pour Besançon et son agglo- mération” ne va donc servir à rien si vous renoncez aussi à vous présenter en 2020 ?

ser plus d’énergie à essayer de convaincre un groupe à défendre des idées. L.P.B. : Vous êtes également déçu que le mai- re Jean-Louis Fousseret n’ait pas manifesté un peu plus d’enthousiasme à soutenir votre démarche ? Y.-M.D. : Le maire a toujours dit qu’il ne désignerait pas de poulain ou de dauphin et qu’il soutiendrait le can- didat choisi par le P.-S. Bon, entre- temps, la donne a changé pour lui… Mais il continue à dire qu’il ne dési- gnera personne pour lui succéder, je respecte sa position. Je maintiens aus- si que malgré nos divergences poli- tiques, on a fait ensemble un super boulot à la culture lors du mandat pré- cédent et à l’éducation lors de ce man- dat. L.P.B. : On perçoit néanmoins que vous sem- blez moins vous éclater à l’éducation qu’à la culture… Des regrets ? Y.-M.D. : Aucun, car c’est moi qui avais demandé l’éducation pour avoir un nouveau défi à relever. Et la tâche a été immense dès le début du mandat avec les nouveaux rythmes scolaires, l’organisation du périscolaire, etc. Je ne ressens ni frustration, ni déception. J’ai également estimé que la culture et l’éducation sont deux domaines com- plémentaires. Dans mes différents mandats d’adjoint, y compris mainte- nant, le maire a toujours été loyal avec moi et a toujours soutenu mon action. L.P.B. : Vous pourriez aussi quitter le P.-S. et son groupe municipal mais maintenir vos ambi- tions municipales pour 2020. Qu’est-ce qui vous en empêche ? Y.-M.D. : Je vois qu’on s’oriente à nou- veau vers des transactions d’appareil et c’est de cela que j’ai vraiment mar- re. Comme les citoyens, j’aspire à tel- lement autre chose désormais ! C’est comme cela, par des transactions d’ap- pareils que certains comme Éric Alau- zet ont construit leur carrière. Ce n’est pas ma conception. L.P.B. : Vous auriez pu alors être séduit par la volonté d’Emmanuel Macron de bousculer l’ordre des choses ? Y.-M.D. : Mais qu’est-ce qu’a fait Emma- nuel Macron sinon créer un nouvel appareil politique avec En Marche ? Et avec toutes les frictions qui vont avec, y compris sur le plan local… Il est vrai que seuls les imbéciles ne chan- gent pas d’avis mais avec En Marche, il y a eu aussi les opportunistes qui ont changé d’avis… L.P.B. : Le désaccord est donc profond avec le maire ? Y.-M.D. : Sur les idées politiques, c’est clair. On ne peut pas se dire de gauche quand on soutient un programme ultra- libéral. Ma sensibilité à moi, c’est cel- le d’un Bernard Cazeneuve, un social- démocrate qui ne s’est pas prostitué avec quiconque d’autre. L.P.B. : Croyez-vous au renouveau du P.S. ? Y.-M.D. : Pas du tout, y compris sur le plan local. Le P.S. local veut donner sa chance àAbdel Ghezali. Il est sans dou- te un candidat par défaut, je lui sou- haite bon vent…

Yves-Michel Dahoui : “En 2020, la politique sera finie pour moi.”

sembler sera compliqué.

la place des chefs de service, souvent les chefs de service prennent la place des élus. Ce n’est pas mon cas. J’invi- te tout le monde à faire le bilan de ce qui a été fait sur le plan de la culture ou de l’éducation ces dernières années. Je crois que ce qui compte, c’est le bilan d’une action. L.P.B. : Vous jetez l’éponge avec un sentiment d’amertume ? Y.-M.D. : Non, je suis déçu, mais pas amer. L.P.B. : Vous vous retirez donc de la vie poli- tique en 2020 ? Y.-M.D. : En 2020, oui, la politique sera finie pour moi qui ai commencé très tôt, dès le début des années quatre- vingt-dix en étant secrétaire fédéral du P.-S. La seule chose qui pourrait me faire changer d’avis, c’est d’aider celui ou celle qui pourrait avoir besoin de moi pour rassembler la gauche à Besançon et la faire gagner. L.P.B. : À part Christophe Lime, qui pourrait trouver grâce à vos yeux pour l’après-Fous- seret ? Y.-M.D. : On peut évoquer Alexandra Cordier ou Guerric Chalnot au sein de L.R.E.M., mais il faut attendre ce qu’ils auront à proposer pour cette ville. À gauche, je peux également citer Nico- las Bodin qui a un réel potentiel, mais il ne fait pas assez savoir ce qu’il sait faire. Contrairement à d’autres qui font trop souvent savoir ce qu’ils ne savent pas faire… Mais je reste quel- qu’un qui est très attaché à ses convic- tions de gauche, qui a horreur des petits arrangements entre amis et qui n’a jamais voulu tripatouiller avec ses convictions. Je reste juste déçu de ne pas être parvenu à convaincre. n Propos recueillis par J.-F.H.

L.P.B. : Et si votre renoncement arrangeait pas mal de monde ?… Y.-M.D. : Je sais bien que personne ne va être attristé par mon départ car ils se disent que ça leur donnera une chan- ce de plus. Mais il faut savoir recon- naître son échec. Je n’ai pas pu convaincre qu’il doit y avoir un vrai débat, alors je renonce. C’est sans dou- te mon côté gaulliste. Je ne vais pas me battre tout seul. L.P.B. : Envisagez-vous de démissionner de votre fonction d’adjoint ? Y.-M.D. : Aucunement. Je resterai jus- qu’en 2020 car quand je commence quelque chose, j’ai l’habitude de le finir. En 2014, j’ai pris un engagement auprès du maire, je le respecte. J’ai des diffé- rends avec le maire,mais aucun conten- tieux. L.P.B. : Alors maintenant que vous n’êtes plus dans la course aux municipales, qui serait le meilleur candidat à votre avis ? Y.-M.D. : Le meilleur serait sans aucun doute Christophe Lime. C’est celui qui a le plus l’étoffe pour être maire de cet- te ville. Encore faut-il qu’il donne une vision plus globale pour l’aggloméra- tion. Christophe Lime a des convic- tions, une fidélité à ses idées, un vrai parcours, un engagement, contraire- ment à tous ces élus qu’on dit repré- sentant la nouvelle politique et qui ne vont pas révolutionner la vie politique nationale, pas plus que locale. Tout le problème pour Christophe Lime sera que son étiquette politique P.C.F. n’est pas très porteuse… Christophe Lime sera le meilleur candidat si un jour la gauche bisontine parvient à se ras- sembler. C’est tout à son honneur qu’il reste fidèle au P.C.F., mais avec cette étiquette, trouver les capacités à ras-

L.P.B. : Revenons à votre vision pour Besançon. Que manque-t-il à cette ville pour briller ? Y.-M.D. : L’ancien préfet de Franche-Comté Nacer Meddah avait dit une fois : “Vos forces, ce sont vos atouts, vos faiblesses, ce sont aussi vos atouts.” Sous-entendu que Besan- çon ne doit pas devenir une ville-musée figée sur elle-même. Pour Besan- çon, on doit avoir un esprit visionnaire, avoir de l’audace. La politique doit s’inspirer des phi- losophes, des intellec-

“Pour la suite, on peut aussi évoquer Alexandra Cordier ou Guerric Chalnot.”

tuels. On a ici un potentiel de richesses et de créateurs tellement inexploité, tant sur le plan culturel qu’économique avec un tissu de P.M.E.-P.M.I. formi- dables. À l’échelle de l’agglomération, la complémentarité ville-campagne doit impérativement être valorisée, c’est une des caractéristiques uniques de cette agglomération. Pour la ville, il y a 25 ans déjà je prônais de redon- ner son aspect de ville thermale à Besançon. L.P.B. : Si vous ne vous êtes pas imposé com- me un successeur naturel, c’est peut-être par- ce qu’on a pu entendre parler d’Yves-Michel Dahoui comme n’étant pas un gros bosseur… Ce genre de critique vous touche ? Y.-M.D. : Je ne suis pas de ces élus qui se prennent pour des chefs de service en effet… Dans cette ville, on a peut- être pris l’habitude de confondre les responsabilités politiques et les res- ponsabilités organisationnelles. On constate que quand les élus prennent

Y.-M.D. : Cette vision que j’ai mûrement réfléchie vient des nombreux contacts que j’ai entre- tenus depuis des années avec des gens demilieux très différents et qui ont nourri cette réflexion dont les résultats res- tent bien sûr à la dis- position de ceux qui vou- draient la porter. Je renonce à lamairie par- ce que pour porter cet- te ambition, il faudrait que je puisse m’appuyer sur un collectif.Mon ini- tiative n’était pas indi- viduelle. Maintenant, je ne veux pas dépen-

“Au sein du groupe socialiste, c’est l’encéphalo- gramme plat.”

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