La Presse Bisontine 197 - Avril 2018

ÉCONOMIE 32

La Presse Bisontine n° 197 - Avril 2018

DEVECEY Agriculture Avec leur biogaz, 300 bus par jour vont rouler, les sodas pétiller… Trois exploitants, appuyés par la coopérative Terre Comtoise, veulent créer une usine de méthanisation à Devecey et développer une nouvelle filière avec des cultures intermédiaires à vocation énergétique (C.I.V.E.). C’est une plus-value offerte aux agriculteurs.

David Petithuguenin, Clément Tisserand (président Terre Comtoise), Olivier Paget, Frédéric Cornu.

U ne première française. Voire européenne. Rien que ça. Le projet d’usine de méthanisation qui se dessine à Devecey, dans le Grand Besançon, promet d’être d’en- vergure (7 hectares) et unique. La mise en route du procédé industriel requiert un investis- sement d’environ 15 millions d’euros pour un fonctionnement

dustrie pharmaceutique, d’ali- menter en énergie verte une ser- re maraîchère bio, de permettre aux agriculteurs situés dans un rayon de 30 km de se garantir un débouché financier sur 15 ans, et enfin, d’offrir une part du gâteau à la population. Cette dernière pourra en effet financièrement participer au projet ! Une station-service “ver- te” sera créée afin que les camions puissent faire le plein et plus tard les particuliers.Tout ceci grâce à la C.I.V.E., un semi- végétal planté en septembre et récolté en avril. Plante haute- ment méthanogène, elle fera office de “matière première” quand d’autres techniques uti- lisent les effluents d’élevage pour alimenter le méthaniseur. “Cette réalisation s’inscrit dans la transition énergétique et le développement d’un nouveau modèle économique pour les agri- culteurs qui vont y trouver une plus-value significative pour une

dès 2020. C’est à cette date que du biogaz issu de la fermenta- tion de cultures intermédiaires à valorisation énergétique (C.I.V.E.) permettra à 300 bus par jour de rouler avec le bio- gaz produit à Devecey, de vendre du gaz carbonique de qualité alimentaire qui se retrouvera par exemple dans les sodas ou l’alimentaire, de le vendre à l’in-

durée garantie de 15 ans” indique David Petithuguenin, exploi- tant à Géziers, et moteur du pro- jet de méthaniseur avec Frédé- ric Cornu (Champlitte), Jean-Paul Robinet (Thurey-le- Mont) et Olivier Paget (Buthiers) au sein de “Naturalgie”. Situés en zone agricole intermédiaire, ces exploitants ont bien com- pris qu’ils ne pouvaient pas concurrencer les céréaliers de la Beauce et des pays de l’Est. Ils ont donc engagé cette “recon- version” agronomique et indus- trielle. L’initiative est soutenue par la coopérative Terre Com- toise (4 500 adhérents) qui réflé- chit à un partenariat. “Vu les difficultés que rencontre le mon- de agricole, nous avons de l’en- thousiasme à appuyer ce genre de projet afin que le monde pay- san trouve des nouveaux leviers économiques et agronomiques. Nous recherchons avec Natu- ralgie un partenariat gagnant pour nos adhérents en les accom-

nement) appuyée par une com- munication auprès des habi- tants de Devecey débute. La commune a donné son aval. Au-delà de sa faculté à pousser à 0 °C, la C.I.V.E. réduit l’éro- sion et le lessivage des sols, cap- te le CO2, limite la pousse des mauvaises herbes et donc l’uti- lisation de produits phytosani- taires. Tout “bénéf” ! Le digestat qui sera produit est en cours de certification biolo- gique. Il pourrait à terme être vendu. Les trois agriculteurs se sont rendus en Amérique lati- ne et au Danemark, pour prendre des notes. Agricole et industrielle, cette usine du futur qui valorise le CO2 “est un pro- jet viable et fiable” , conclut David Petithuguenin. Elle va surtout offrir une mobilité verte dans le Grand Besançon tout en cap- tant du CO2 naturellement. C’est du développement durable et local… n E.Ch.

pagnants techniquement et en structurant l’offre des C.I.V.E.” , indique Clément Tisserand, pré- sident du groupe Terre comtoi- se. En effet, l’équilibre du pro- jet tient dans le ramassage de la C.I.V.E. L’agriculteur, lors- qu’il aura coupé cette plante sur des champs jadis nus, pourra la stocker dans un des 6 silos satel- lites répartis dans un rayon de 30 km de rayon. D’autres pour- ront louer des espaces de stoc- kage s’ils le souhaitent.

Des camions Terre comtoise, qui roule- ront au biogaz local, feront le plein de matière pour l’ache- miner ensuite vers l’usine de Devecey. Un système de navettes se dessine. La mise en œuvre d’une enquête I.C.P.E. (Installations classées pour la pro- tection de l’environ-

La plante capte le CO2.

Voilà quoi pourrait ressembler l’usine de méthanisation qui va s’implanter entre Devecey et Bonnay.

Ils ont choisi de mettre du S.E.L. dans leur vie CONSOMMATION Pas d’argent, que du temps offert Au Besansel, on échange des idées, des plantes ou des services contre des sourires, des livres ou un repas. C’est le principe du Système d’échange local (S.E.L.) qui privilégie les relations humaines au financier.

I l en existe partout en France et même dans le monde. Les S.E.L. sont nés au Canada dans les années quatre-vingt, basés sur le principe de l’économie sociale et solidaire. Besan- çon dispose de sa propre association depuis 1997 et organise une bourse locale d’échange (B.L.E.) une fois par mois. “Nous nous réunissons à la Mai- son des familles ou chez un adhérent” , précise Chantal, sa représentante léga- le. Lors de ces “jours de blé” , comme les adhérents ont coutume de les appeler, chacun apporte ce qu’il est susceptible de donner ou d’offrir. “Cela peut être des fruits de son jardin, des vêtements… mais aussi un coup de main pour un déménagement ou une rénovation, voi- re une aide aux devoirs.” Chantal s’est ainsi vue, un jour, couler une dalle de béton “alors que je ne suis pas du tout bricoleuse” , s’amuse-t-elle. “J’ai sim- plement mis la main à la pâte.” De son côté, elle offre notamment de converser en anglais lors de balades. Ce qui l’intéresse avant tout, ce sont les liens tissés entre chacun et de “fai- re passer la convivialité avant le pro- fit.” Elle le reconnaît d’ailleurs, son compte s’est vite retrouvé en négatif au moment de son adhésion il y a 20 ans. Car s’il n’y a jamais d’échange d’ar- gent, chaque S.E.L. dispose de sa mon- naie symbolique. “À Besançon, nous utilisons la goutte de lait, sans doute en lien avec nos montbéliardes.” Une heure d’informatique vaut ainsi 60

gouttes de lait, comme une heure de jardinage ou de baby-sitting, tan- dis qu’un kilo de fruits revient à environ 10 gouttes de lait. Chacun est responsable de ses échanges et déci- de d’une valeur moyen- ne, de façon à ce que cela soit équitable pour tous. “Il y a une espèce de régu- lation naturelle qui se fait” , assure Chantal. “On ne peut pas que don-

La convivialité avant le profit.

ner ou que recevoir. C’est un état d’es- prit et de cœur.” Une charte, adoptée à l’adhésion, impose d’ailleurs de ne pas dépasser - 1 000 ou + 1 500 gouttes de lait. Tous les échanges sont notés sur une fiche. Le site Internet de l’association relaie également les offres ou demandes en cours. Les motivations sont variées d’après sa représentante légale. “Le S.E.L. favorise les rencontres au-delà de son quartier ou de son voisinage. Certains viennent aussi faire des éco- nomies ou y trouver un coup de main bien utile.” Les jeunes y compris, sem- blent adeptes de ce mode de vie alter- natif “qui fait aussi appel aux savoir- faire artisanaux et à la consommation saine.” Le fait de fonctionner en réseau permet enfin des échanges à travers le monde, avec par exemple la possi- bilité d’être logé à l’étranger grâce à la route des S.E.L. n S.G.

Les jours de blé, on retrouve divers objets sur les tables : des plantes à repiquer aux casiers à bouteille en passant par des produits faits maison.

Contact : www.besansel.fr ou seldebesancon@gmail.com

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