La Presse Bisontine 194 - Janvier 2018

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 194 - Janvier 2018

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TRANSPORTS

Laurent Sénécat, directeur de Kéolis

“Il faut redonner un cap et une envie aux agents de se défoncer pour Ginko”

L a Presse Bisontine : Quels sont, selon vous, les arguments qui ont permis de remporter l’appel d’offres face à votre concurrent Transdev ? Laurent Sénécat : C’est en premier lieu, notre capacité à proposer un projet de réseau permettant une hausse de 9 % de la fréquentation à horizon 2024. Nous avons fait une offre raisonnable appuyée sur de nombreuses études menées depuis un an. Notre état d’esprit ensuite, qui consiste à mettre le client au centre des préoccupations : rela- tion client personnalisée, présen- ce sur le réseau, projet de lutte contre la fraude, desserte amélio- rée de la gare Viotte aux heures de pointe, desserte de soirée… Enfin, notre volonté d’associer les acteurs du territoire aux projets, à com- mencer par les salariés avec les- quels nous souhaitons recréer du lien, et fédérer pour donner à Gin- ko une réelle impulsion. L.P.B. : Avez-vous déjà mis les pieds dans l’entreprise ? L.S. : Non, pas encore. À partir du 15 décembre, nous avons calé des interventions comme l’inspection des véhicules. Ensuite, le 31 décembre, ce sera un état des lieux comme vous le faites lorsque vous quittez ou entrez dans votre appartement. Nous regarderons le plein des cuves, relèverons les comp- teurs… pour que le 1 er janvier tout soit opérationnel. L.P.B. : Transdev aurait-il pu vous cacher des éléments ? L.S. : Drôle de question… Nous ne l’avions pas fait en 2010 quand nous avons transmis à Transdev les clés de l’entreprise. Je suis convaincu que l’équipe en place sera tout aus- si responsable. L.P.B. : Vous n’arrivez pas en terre incon- nue. Cela a-t-il facilité les échanges ? L.S. : Moi et d’autres ont travaillé à l’époque où Kéolis gérait le réseau bisontin. On connaît. Je pense que l’Agglomération n’a pas choisi un groupe mais une équipe, attachée au territoire, avec un directeur qui ne change pas tous les deux ans. L.P.B. : Vous savez ce réseau déficitaire. On annonce 2 millions d’euros de plus à la charge de la C.A.G.B. Confirmez-vous ? L.S. : Le Grand Besançon a fait le choix d’investir non pas 2 mais 3 millions d’euros supplémentaires circuler jusqu’en 2024 dans l’agglomération. Pour la première fois, le directeur livre sa feuille de route. Le 1 er janvier, Laurent Sénécat et les équipes de Keolis prendront les clés des bus et tram Ginko pour les faire

agents de se défoncer pour Gin- ko. L.P.B. : Une augmentation des tarifs ? L.S. : Non, pas en 2018. En 2019, le prix du billet passera de 1,40 à 1,50 euro. L.P.B. Vous avez rencontré en novembre les syndicats et représentants du per- sonnel. Y aura-t-il des licenciements ? L.S. : Non, nous ne mettrons pas en place de Plan de Sauvegarde de l’Emploi (P.S.E.). Une réduc- tion de l’effectif sera en revanche nécessaire pour permettre de res- pecter nos engagements contrac- tuels et économiques. Elle tou- chera davantage le personnel de structure que les conducteurs, et se fera de façon progressive, en fonction des opportunités de départs volontaires ou en retrai- te. Il y a 34 agents de maîtrise, soit 1 agent pour 16 alors que Kéo- lis, c’est 1 agent pour 35 personnes. En fin de contrat, l’effectif de l’en- treprise sera peu ou prou iden- tique à celui du réseau Ginko avant le lancement du tramway. L.P.B. : Et les salaires ? L.S. : Il n’y a pas de remise en cau- se de l’accord d’entreprise. L.P.B. Quid de la maintenance du tram ? L.S. : Nous négocions et souhai- tons continuer à travailler avec le constructeur C.A.F. tout enmaî- trisant davantage les plans de maintenance. Nous sommes convaincus que le tram doit aus- si être une chance, une opportu- nité pour les salariés de l’entre- prise d’évoluer, d’acquérir de nouvelles compétences. Tout est une question de curseur et d’équi- libre. Nous croyons aussi à la poly- valence : chez nous, un conduc- teur peut être détaché pour faire du contrôle de billet. L.P.B. : Les grèves à répétition ont des répercussions : un commentaire ? L.S. : Le mouvement actuel n’a plus aucun sens. Le délégataire en place a répondu en partie aux attentes des organisations syn- dicales, notamment sur la fin du sous-effectif. Le Grand Besançon et Kéolis ont rencontré tous leurs représentants, afin de partager les projets, rassurer les person- nels et apporter des réponses concrètes, sur le maintien des accords d’entreprise et des acquis sociaux ou les moyens alloués aux transports publics par la collec- tivité. La grève pénalise de nombreux voyageurs chaque week-end, en particulier en soirée et dans de nombreux quartiers bisontins. Elle perturbe l’activité et la vie des commerces du centre-ville. Elle nuit à l’image de Ginko de façon durable et marquée alors que Kéolis souhaite ardemment donner une nouvelle impulsion au réseau bisontin en impliquant tous les acteurs, à commencer par ceux de l’entreprise. n Propos recueillis par E.Ch.

Laurent Sénécat, directeur de Keolis Besançon Mobilités.

chaque année, le million supplé- mentaire étant possible aumoyen d’une optimisation fiscale. C’est dire si le transport public reste une priorité pour les élus de notre agglomération. L.P.B. : Pouvez-vous vous permettre de perdre 6 millions d’euros comme votre prédécesseur l’a supporté (uniquement sur l’exercice 2016) ? L.S. : Nous n’avons pas répondu à perte ! Il va falloir gérer en bon père de famille et augmenter la fréquentation. Nous avons des pistes. L.P.B. : Comme parcourir moins de kilo- mètres et donc d’offrir moins de ser- vices aux utilisateurs ? On annonce une baisse de 8 % de l’offre : confirmez- vous ? L.S. : Non. 5 336 000 kilomètres commerciaux seront réalisés en moyenne par an sur la durée du contrat contre 5 434 800 kilo- mètres réalisés en 2016, cela fait - 1,8 % et non pas - 8 %. L.P.B. : Les lignes bis vont souffrir… L.S. : Il y a ici l’habitude d’un fort maillage. On ne va pas le sup- primer mais certaines lignes se font concurrence comme dans le quartier des Orchamps où il y avait deux lignes : il n’y en aura plus qu’une. On va faire un stan- dard sur la fréquence horaire.

tage ? L.S. : Les lignes majeures, tram- way (1 et 2) et Lianes (lignes essen- tielles), bénéficieront d’une fré- quence attractive tout le temps, même pendant les petites vacances scolaires. Elles représentent 85 % du trafic. Les itinéraires et fré- quences des autres lignes seront ajustés aux potentiels des diffé- rents quartiers, avec pour volon- té néanmoins de conserver une bonne couverture du territoire, permettant à un maximum d’ha- bitants de bénéficier d’un arrêt à moins de 300 mètres de son domi- cile. Il faut pouvoir compter sur Ginko et notamment que le client n’ait pas besoin de regarder sa fiche horaire mais qu’il sache qu’un bus va passer toutes les 10 minutes même pendant les vacances. L.P.B. : D’autres évolutions à prévoir ? L.S. : Dès septembre 2018, nous augmenterons la fréquence du tram qui relie la gare Viotte. 12 minutes, ce n’est pas suffisant ! Et nous renforcerons les allers- retours vers le Campus d’autant que l’école d’infirmière déména- ge là-bas. Nous allons aussi pous- ser à 1 heure du matin les trams le jeudi, vendredi, samedi, le dimanche à 23 h 30 (moins 1 heu- re). En revanche, nous arrêterons une heure plus tôt en semaine.

le tramway, que beaucoup jugent lent ? L.S. : Il y a effec- tivement des choses à amélio- rer car le tram n’est lancé que depuis 2014. Je prends l’exemple du réglage du feu à Canot que l’on peut réduire. On peut aussi sur certains arrêts diminuer le temps d’attente car on n’a pas besoin du même temps d’arrêt à

Bio express Laurent Sénécat

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47 ans

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l De 1995 à 2000, il est à Besançon, chargé du marketing et qualité de service pour Kéolis l De 2000 à 2006, il gère le réseau de transport de Reims et de 2007 à 2014, il participe à la mise en place du tram à Dijon. l Depuis 2010, à Paris, il pilote les équipes qui répondent aux appels d’offres Le 1 er janvier 2018, il dirigera le réseau Ginko.

“Une réduction de l’effectif sera nécessaire.”

Chamars qu’à un autre arrêt moins utilisé. Le transport public, c’est de l’horlogerie de précision. L.P.B. : Le nombre de voyageurs dans le tram augmente mais n’explose pas. Comment attirer encore plus ? L.S. : 34 000 voyages par jour à bord de T1 et T2, c’est déjà pas mal même si nous pensons que nous pouvons faire encore mieux. Nos pistes d’action : améliorer la desserte de la gare S.N.C.F. Viot- te, renforcer la desserte de soirée en fin de semaine, assurer un ser- vice bus plus fiable, sur lequel on puisse compter, informer, com- muniquer. Il faut redonner un cap à ce réseau et une ambition. Il faut aussi redonner l’envie aux

L.P.B. : Qu’y a-t-il de perfectible dans

L.P.B. : Pouvez-vous nous en dire davan-

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