La Presse Bisontine 193 - Décembre 2017

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 193 - Décembre 2017

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SPORT

Le handball bisontin européen

“Je voudrais contribuer à redonner au club ses lettres de noblesse”

Sandrine Delerce occupe à l’E.S.B.-F. le poste de coach adjoint qu’elle partage avec Raphaëlle Tervel. Professeur d’E.P.S. à Besançon, celle qui fit les heures de gloire du club bisontin apporte son expérience et son réseau à “ses” filles.

L a Presse Bisontine : Pourquoi l’an- cienne championne du Monde de Handball (2003) que vous êtes a choisi de s’investir pour son ancien club, d’abord comme vice-présidente et coach adjointe depuis deux saisons ? Sandrine Delerce : J’ai joué ma der- nière année ici en 2009 et j’ai inté- gré ensuite le bureau directeur en tant que vice-présidente. Mais ce qui m’intéressait déjà, c’était d’être en lien avec les équipes de jeunes. J’ai surtout œuvré pour recons- truire l’image et le parcours de ces équipes en misant sur la formation à l’image de joueuses comme Ali- zée Frecon ou Marine Depuis, for- mées ici, que l’on voyait “petites” lorsque nous jouions ici. Les deux sont au club depuis l’âge de 8 ans. Je voudrais contribuer à redonner au club ses lettres de noblesse. L.P.B. : C’est une façon de rendre la pareille à l’E.S.B.-F. ? S.D. : Oui, mais je l’ai fait naturel- lement car j’ai emmené ma fille jouer ici (N.D.L.R. : elle est maman de 3 enfants).Avec une amie, Caro- line Dabonnot, elle aussi profes- seur d’E.P.S., nous avions la volon- té avec les équipes de jeunes de faire des tournois, d’amener de la bonne humeur, de la convivialité, de reconstruire la base en s’occu- pant de la formation. Je ne pensais pas forcément à l’élite. L.P.B. : Aucune envie de prendre les com- mandes de l’équipe phare ? S.D. : Je venais auxmatches de l’équi- pe 1 mais mon objectif n’était pas de m’occuper des filles. J’évoquais plutôt le budget,le recrutementmais en aucun cas être entraîneur pro- fessionnel ne m’avait intéressé. L.P.B. : Vous ne vouliez pas devenir entraî- neur parce que vous aviez déjà unmétier…

ficile de gérer des gamins en Rep + que les filles ici pour plein de raisons (rires) mais j’aime cette possibilité d’être avec des élèves, de côtoyer des gens, de revenir ici au club. L.P.B. : Combiner trois déplacements en moins de dix jours, dont un en Rus- sie (match perdu 30-22 le 11 novembre) pour le compte de la coupe d’Europe puis le match retour le 18 novembre à Besançon, poursuivre à côté l’ensei- gnement, c’est lourd. Avez-vous enco- re la motivation ? S.D. : J’ai arrêté de jouer à 35 ans. J’ai eu une période où il a fallu que je m’isole. J’avais besoin de profiter de mes enfants. Ensuite, il fallait savoir pourquoi on revient dans ce milieu, ce qu’on veut y faire. J’ai eu le temps de me res- sourcer. Aujourd’hui, j’ai un emploi du temps aménagé (70 %), ce qui me permet de partir en déplace- ment après accord de mon chef d’établissement. Ensuite, je récu- père les cours. L.P.B. : Donc vos élèves sont - aussi - vos premiers supporters… S.D. : Ils m’interpellent après une victoire, ou une défaite, et je retrou- ve des parents d’élèves qui sont venus nous voir pendant les matches de coupe d’Europe. C’est sympa. Besançon est une petite ville. L.P.B. : Le hand bisontin, c’est aussi une histoire de famille. Votre papa, Jacques Mariot ancien président du club, est tou- jours présent aux matches. Intervient- il dans vos choix ? S.D. : Non. Il nous demande par- fois pourquoi nous avons pris tel- le décision au niveau du sportif mais sans aucune ingérence. Il accompagne plutôt le club au niveau du sponsoring. L.P.B. : Aucune ingérence donc. Idem du côté du président et du conseil d’ad- ministration ? S.D. : Ils nous font confiance dans la gestion du groupe, les atteintes d’objectif. Personne ne se marche sur les pieds. En fin de saison, on demande par exemple si on peut recruter en fonction des moyens financiers dont dispose le club. Après, nous présentons nos choix. L’avantage, c’est que nous nous connaissons depuis presque 20 ans. Nous ne sommes pas dans un rapport hiérarchique mais dans une relation de confiance. Ils connaissent notre rigueur avec Raphaëlle. L.P.B. : L’E.S.B.-F. aspire à redevenir un grand club. A-t-il les moyens de ses ambitions ? S.D. : Le fait que Raphaëlle ait

Sandrine Delerce fait profiter son expérience sur le banc de l’E.S.B.-F. avant le match retour face aux Russes (18 novembre).

Bio express

Professeur d’E.P.S. au collège Victor-Hugo à Besançon, coach adjointe de l’E.S.B.-F.

signé pour trois nouvelles années nous donne une vision à plus long terme et apporte de la sérénité d’autant que des joueuses doivent resigner pour certaines. Savoir qui va entraîner est important pour elles. Du côté des bénévoles, on les voit se démener par exemple plusieurs heures avant le match. Ils assu- rent l’arrivée des spectateurs au moment où les règles ont beau- coup évolué. Ce n’est pas en quelques mois que l’on passe de la D2 à la coupe d’Europe. Il faut aussi que le club se structure et grandisse doucement. Cela deman- de du temps. On aurait mis en danger l’E.S.B.-F. d’avoir obtenu la coupe d’Europe l’an dernier. L.P.B. : Vous tutoyez le haut niveau avec une organisation pas encore profes- sionnelle. S.D. : Les déplacements se font en minibus, parfois en avion, il faut les gérer, les digérer. Cela demande une logistique. Rien que pour les exemples des visas pour la Russie, les bénévoles ont dû aller les chercher quelques jours avant notre départ. Nous avons aussi besoin de gens qui puissent nous accompagner plusieurs jours afin de gérer les à-côtés. Le club avance, les filles avancent. L.P.B. : Samedi 18 novembre, le com- plexe Ghani-Yalouz (ex-Palais des sports) reçoit un match de Coupe d’Europe face à Lada (Russie). Ce parfum de grands matches a manqué aux Bisontins. Peut- on s’enflammer ? S.D. : Avant 2003, nous avons fait des années de coupe d’Europe. Des échecs, nous en avons ramas- sé. Le mot d’ordre ici est de tout

optimiser et de faire lemaximum. On pardonnera si on ne va pas au bout, si on doit s’incliner face à meilleurs que nous. N’oublions pas qu’il y a deux ans, nous étions en D2 ! Avec Raph, nous nous sommes délecté d’avoir vu le Palais plein com- me un œuf face à Silkeborg. Le tra- vail réalisé depuis deux ans dans la préparation, la

le me tempère et parfois elle est bien contente lorsque je la ramè- ne. On a la même idée du hand avec un jeu pétillant, des joueuses qui comprennent vite. C’est aus- si dans la manière d’apprendre le hand à Besançon : celui de for- mer des joueuses complètes. L.P.B. : Votre sport a bien évolué par rapport à vos débuts ! S.D. : La vidéo est par exemple un outil incroyable qui n’existait pas il y a 15 ans. Là, chaque fille a pour le déplacement une clé U.S.B. et regarde le montage vidéo de 12 minutes, avec un condensé des attaques. Avant, on recevait une cassette V.H.S. d’un match en Colissimo, souvent mal filmée… L.P.B. : Besançon est-il revu comme un adversaire qui fait peur ? S.D. : Nous avons 21 joueuses capables de jouer en D1. Il faut demander à nos adversaires si l’on fait peur ! Mais oui, on a une gamme d’atouts qui font que les équipes qui nous rencontrent se préparent. Cette génération réagit bien. L.P.B. : De potentielles bleues dans l’ef- fectif ? S.D. : Elles sont jeunes, mais oui, certaines ont le potentiel. L.P.B. : Savoir que les collectivités vous soutiennent financièrement, que le public répond présent, forcément cela donne de voir plus haut ? S.D. : C’est un gage de confiance supplémentaire pour nous. Savoir qu’il n’y a pas une épée de Damo- clès au-dessus de notre tête don- ne de la sérénité. n Propos recueillis par E.Ch.

l

168 sélections en équipe de France l Championne du Monde en 2003 Deux Olympiades, à Athènes et Sydney l

“Les filles ont été submergées par l’émotion.”

récupération, est énorme, mais dans un même temps on remet cela en cause tous les samedis en demandant toujours un peu plus. L.P.B. : Les joueuses sont-elles encore trop tendres ? S.D. : Il faut que tout soit digéré. Tout est nouveau comme ce pre- mier match de Coupe d’Europe où l’on fait 15 tirs ratés et 10 pertes de balle les 15 premières minutes. L’humain a joué : les filles ont été submergées par l’émo- tion car 9 sur 16 n’avaient jamais joué un match de ce type. On ne peut pas plus aller plus vite. L.P.B. : Dans votre duo d’entraîneur, vous poussez les coups de gueule dans le vestiaire et Raphaëlle serait plus cal- me. Confirmez-vous ? S.D. : (rires) Je suis rentre-dedans, “Raph” est diplomate. Ce sont nos caractères qui veulent cela mais je pense que l’association est bon- ne car de temps en temps Raphaël-

La reconversion s’est faite naturellement pour vous ? S.D. : Je suis profes- seur d’éducation physique et sporti- ve au collège Victor- Hugo à Besançon après avoir passé 8 ans au collège Dide- rot situé en R.E.P. + (réseau d’éduca- tion prioritaire). Mon arrivée à Vic- tor-Hugo a coïncidé avec la demande de Raphaëlle Tervel de devenir son adjoin- te il y a deux ans. L.P.B. : Alors, est-il plus difficile de gérer une équipe de filles qu’une classe de collégiens ? S.D. : C’est plus dif-

“J’ai eu une période où il a fallu que je m’isole.”

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