La Presse Bisontine 193 - Décembre 2017

LE PORTRAIT

39 La Presse Bisontine n° 193 - Décembre 2017

BESANÇON

Homme de théâtre et de cœur

À bientôt 92 ans et après avoir dédié sa carrière au théâtre et au développement culturel de la Franche- Comté, ce Bisontin est toujours animé par la même passion. Celle de l’éducation populaire . Jacques Vingler, la figure tutélaire du milieu culturel local

P udique, il n’a pas souhaité se fai- re prendre en photo avec sa hau- te distinction lors de notre pas- sage. Ses insignes d’officier des Arts et des Lettres, remises fin 2016, ne le rendent pas moins fier. En recevant ce courrier du ministère de la Culture, Jacques Vingler était loin de l’idée de se voir décorer. Une démarche qui vient pourtant récompenser un enga- gement de longue date. On le connaît bien dans le milieu cultu- rel local, où on laisse volontiers entendre

trales en 1978. “On y proposait une for- mation en deux ans aux métiers du spec- tacle. Cela a débouché sur la création d’un diplôme universitaire.” Toutes les troupes de théâtre sont passées par là à l’époque. Nul doute que son travail a participé à révéler des talents : Jean-Luc Lagarce et Jacques Nichet ont notamment été ses stagiaires, avec d’autres artistes aujourd’hui rattachés à la Comédie Fran- çaise. Pour Jacques Vingler, cela a toujours été une évidence, “dès ma plus tendre enfan- ce, j’ai été attiré par le jeu d’acteur.” Ses grands-mères l’emmenaient, en outre, souvent au théâtre municipal pour voir des opérettes. C’est à 18 ans qu’il entre- ra en contact pour la première fois avec la création en grands groupes, lors de rencontres théâtrales mêlant jeunes Français et Allemands au sortir de la guerre, sous la direction de Chris Mar- ker. Puis en tant que professeur à L’Isle-sur- le-Doubs, il sera amené à animer la trou- pe amatrice de l’Union artistique lisloi- se. Il y réalise des spectacles “classiques” et en crée d’autres, en obtenant le 1 er prix au festival du théâtre universitai- re de Korbach en jouant en bilingue. Avant d’être détaché en 1962 à la Direc- tion régionale de la jeunesse et des sports, où il devient conseiller technique péda- gogique en art dramatique pour toute la Franche-Comté, il a été régisseur (puis assistant dans les années qui suivront) d’André Crocq sur des stages nationaux de réalisation à Pézenas, “dans la patrie

que le théâtre bisontin ne serait pas ce qu’il est sans lui. Un spectacle intitulé “Faire le Jacques”, dont il est le héros, sera d’ailleurs présenté eu Centre dra- matique national, le 19 décembre prochain. C’est la compagnie Gra- vitation qui a eu l’idée de lui faire ce clin d’œil après un premier volet consa- cré à Jacques Fornier, autre figure emblématique de la décentralisation théâtrale et de l’éducation populaire, avec qui il a multiplié les expériences et les rencontres artis- tiques. “C’est mon alter ego sur le plan profes- sionnel” , avoue Jacques Vingler. Les deux Jacques sont au principe de la création du Centre de rencontres théâ-

“Le théâtre est une forme d’éducation populaire.”

“Jouer est ouvert à tous. Par le théâtre, je cherchais à faire découvrir les potentialités de chacun”, note Jacques Vingler qui regrette que cette éducation populaire “soit aujourd’hui dédaignée par les cultureux.”

Bio express

l Né le 11 janvier 1926 à Besançon Diplômé de l’École normale et titulaire d’une licence de lettres modernes l Participation à la Comédie de Besançon et au Centre d’études et de recherches théâtrales l Rencontre de Jacques Fornier et fondation du Centre de rencontres en 1978 l

de Molière”. C’est là même qu’il avoue avoir “appris son métier” avec cette idée que “le théâtre est une forme d’éduca- tion populaire.” S’ensuivront une cinquantaine de mises en scène, des stages de “théâtre à la campagne”, des rencontres régionales de théâtre amateur, des stages inter- nationaux de linguistique appliquée et même après sa retraite en 1987, des conférences-ateliers à l’étranger : “Je faisais travailler l’intonation et l’arti- culation (méthode qui a depuis essai-

mé là où il est passé, notamment en Aus- tralie et au Maroc).” Au début des années quatre-vingt, Jacques Vingler s’était aus- si vu confier la direction artistique de l’Espace Planoise. Un lieu qu’il a parti- cipé à créer en répondant à l’appel à pro- jet quelques années après l’incendie du théâtre de Besançon en 1958. “J’avais proposé un espace modulable qui pouvait aussi bien accueillir un cirque que du théâtre… D’où l’idée de l’appeler plutôt “espace.” n S.G.

l Instigateur et ancien directeur artistique de l’Espace Planoise

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