La Presse Bisontine 191 - Octobre 2017

SPECIAL HABITAT

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La Presse Bisontine n° 191 - Octobre 2017

“LA SUPPRESSION DE LA TAXE D’HABITATION

EST UNE ESCROQUERIE INTELLECTUELLE” L’association des maires du Doubs (A.M.D. 25) présidée par Patrick Genre tenait son assemblée générale le 2 septembre. L’actualité est chargée et les inquiétudes nombreuses pour des élus locaux qui se sentent souvent mal considérés par l’État.

L a Presse Bisontine : La suppression annoncée de la taxe d’habitation ravira les ménages modestes qui la payent. Qu’en pense le président des maires du Doubs ? Patrick Genre : C’est du populisme et de la communication. C’est une

escroquerie intellectuelle et c’est une mesure totalement inéquitable. Sachant que 80 % des ménages seront exo- nérés parce que soi-disant cette taxe n’est pas équitable, elle le serait pour les 20 % restants ? Il y a déjà 42 % des ménages français qui ne la payent

“Nous attendons de la clarté

pas ou qui en sont partiellement exonérés. Et dire que l’État compensera à l’euro près, ce n’est pas crédible. Aucun gouvernement n’a jamais respecté ce genre de paroles. De plus, cette mesure va aboutir à une véritable ingé- rence, une mise sous tutelle des communes par l’État. Si 80 % de cette ressource se trans- forme en dotation de l’État, non seulement on perd le dynamisme des bases fiscales, mais on perd notre autonomie. On touche là à la libre gestion des collectivités, à notre liberté. Au final, le contribuable qui en apparence sera gagnant, va y perdre car cette perte d’autonomie fisca- le va obliger les communes à utiliser d’autres leviers. Avec ce genre de mesures, le gouver- nement transfère le singe de la fiscalité des épaules de l’État aux épaules des collectivités. Et au final, la suppression de la taxe d’habita- tion ne sera qu’une fausse bonne nouvelle. L.P.B. : Qu’attendent les maires et les élus locaux du nouveau gouvernement ? P.G. : De la clarté dans les engagements, et de la stabilité. Il y en a assez que chaque Premier ministre ou président de la République veuille marquer son passage par une réforme territo- riale. L.P.B. : Estimez-vous néanmoins que sur ce point, le nouveau gouvernement fait mieux que le précédent ? P.G. : Pas du tout, au contraire ! On nous annon- ce par exemple au cœur de l’été que les éco- nomies que les collectivités locales devront fai- re ne sont plus de 10milliards, mais de 13milliards d’euros. C’est 30 % de plus ! Comment faire pour faire encore plus d’économies ? Va-t-on mettre en concurrence les collectivités entre elles, les vertueuses qui ont déjà fait des éco- nomies et qui sont déjà “au ras des pâquerettes” devront-elles encore faire plus d’efforts ? On a lancé les mutualisations, les regroupements de communes, la suppression de syndicats inter- communaux… Si on continue, on va arriver à toucher à la qualité de l’offre de services publics. Que penseront les citoyens quand on leur annon- cera qu’on est obligé de fermer des centres aérés, d’augmenter la cantine ou la piscine de 15 % ou de fermer des médiathèques ? À Pon- tarlier, on n’en est encore pas là car chaque année on essaie de baisser nos budgets de fonctionnement, on a regroupé des services comme les centres techniques municipal et intercommunal… Mais si on nous demande d’aller encore plus loin, à un moment, on ne saura plus faire. Soit le service public se dégra- dera, soit on augmentera les impôts, soit on baissera les investissements. Je n’appelle pas cela une démarche vertueuse. n Propos recueillis par J.-F.H.

dans les engage-

ments, et de la stabilité” dit Patrick Genre.

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