La Presse Bisontine 188 - Juin 2017

La Presse Bisontine n° 188 - Juin 2017

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l Témoignages Leur relogement organisé Ils se sont résolus à quitter le quartier Bien qu’attachés aux 408 où ils ont passé plusieurs décennies, ces habitants ont accepté la nécessité

vée aux 408 en 1990, avant la réhabi- litation. Mais dans le même temps, elle est soulagée de s’être vue propo- ser par G.B.H. un appartement tout neuf rue Pierre Vernier, dans le quar- tier de la Butte. Bien sûr, il faut se fai- re de nouvelles habitudes, tisser de nouveaux liens, apprivoiser de nou- veaux voisins. “Aux 408, il y a le tram.

Il va falloir que je familiarise avec les réseaux de bus” dit-elle. Son quartier des 408, elle l’a vu évo- luer au fil des ans, mettant un point d’honneur à maintenir propre son petit univers, malgré les dégradations de l’immeuble du 29. “Malgré le laisser- aller, j’ai toujours fait mes escaliers par exemple. Je n’ai jamais supporté le

“ç a me fera quand même mal au cœur de voir tom- ber l’immeuble” lâche Martine Guinchard arri- d’un déménagement. Entre déchirement et soulagement.

manque de propreté. J’ai dit aux jeunes du quar- tier : “Je vous respecte, alors vous me respectez.” Et ça s’est toujours très bien passé.” En 1994, Martine Guinchard s’est vue imposer un premier déménagement suite à l’opération de réhabili- tation dont avait béné- ficié le quartier, passant d’une baignoire-sabot à une vraie salle de bains dans l’immeuble rénové. “J’ai élevé mes enfants ici. Vivre ici ne les a pas empêchés de faire des études.” Mais il y a eu aussi au cours de ces presque tren-

bien prendre des décisions pour ce quar- tier et se résoudre à le quitter” pour- suit Martine Guinchard. Patrice Vuillaume, lui, est arrivé ici en 1973 avec son épouse. Il aura donc pas- sé 45 ans aux 408 où il y a élevé ses trois enfants. Il vient de s’installer dans un autre logement social rue de Trey après avoir été accompagné par G.B.H. et le C.C.A.S. “Aux 408, j’habi- tais dans un duplex au 11 ème étage après la réhabilitation de 1993. Je suis déçu de quitter ce quartier où jamais je ne me suis senti en insécurité. Les gens ont une très mauvaise image des 408, mais ce n’est pas une zone de non- droit. Aux 408, c’était une belle vie” estime M. Vuillaume qui passe d’un grand T5 aux 408 à un T3 rue de Trey pour un loyer à peine moins onéreux. Les quelques familles qui restent enco- re sur place commencent, à quelques rares exceptions près de personnes âgées, à se résoudre à poursuivre leur vie ailleurs. Vivre dans un immeuble aux trois-quarts vide adoucissant sans doute la peine de devoir le quitter d’ici quelques mois. Avec la fin des 408, ce sont des centaines d’histoires de familles qui se referment. Des joies, du parta- ge, mais aussi le côté sombre d’un quar- tier en proie aux violences ordinaires, aux trafics et au sentiment d’aban- don. n J.-F.H.

“Je vous respecte, alors vous me respectez.”

te ans, les périodes sombres du quar- tier, notamment il y a quelques années quand une famille faisait régner la terreur. “Ils cassaient pour casser, et nous menaçaient tous. Tout le monde se regardait de travers. Heureusement que la police et la justice ont fait leur travail. Mais il faut reconnaître qu’au- tant dans les années quatre-vingt-dix l’ambiance était excellente, sympa- thique, avec de l’entraide, autant ces dernières années la société a évolué et le mal-être a grandi, comme c’est le cas dans de nombreux endroits. Il fallait

Martine Guinchard aura passé 27 ans aux 408 : “J’ai de temps en temps mon petit coup de blues.”

l Commerce

Comment survivre à la déconstruction ?

Le nouveau cachet des 408 suscite des

interrogations à la pharmacie Poumon du quartier, la pharmacie de la Grette maintient son chiffre d’affaires malgré le départ des habitants qui étaient ses clients. Jusqu’à quand ? Deux choix s’offrent à la propriétaire.

C’ est son quartier, celui où elle travaille, où elle a pas- sé son enfance dès l’âge de 8 ans avant de le quitter pour finalement revenir. Maryse Bois- nard-Pépin, pharmacienne et pro- priétaire de la pharmacie de la Gret- te entrevoit la déconstruction avec circonspection. Des souvenirs vont s’envoler… mais aussi son chiffre d’affaires assuré en moitié par les habitants des 408. Proche de la retraite, la pharmacienne - qui emploie deux préparatrices et une assistante - doit se poser les bonnes questions. Les réponses sont d’autant plus difficiles à trouver qu’en 2002, la gérante a reconstruit à neuf l’officine suite à un incendie volontaire. Une preuve qu’elle croit en ce lieu. “Mais si je reste ici, je ne pourrai pas affronter les travaux combinés au départ des clients. Ce sera une perte de 50 % du chiffre d’affaires. Soit je me tourne vers un transfert obligatoire, soit je vends…” émet la professionnelle de santé.Mary- se Boisnard-Pépin réfute toute idée

selon laquelle les 408 sont dangereux mais regrette le manque d’informa- tions liées à la rénovation urbaine. Grand Besançon Habitat qui gère la déconstruction propose - à plus long terme - un nouvel emplacement au commerce de santé, en face de la bou- langerie. Une hypothèse qui n’enchante guère la pharmacienne : cela nécessi- terait de racheter du terrain, recons- truire. “En 1996 lorsque le quartier a été réhabilité, je pensais que l’on était reparti pour plus de 30 ans ! Ce fut une

que l’on en sache un peu plus sur le devenir du quartier car nous n’en sommes qu’aux prémices, précise l’ad- joint. L’objectif à terme est de dévelop- per cet espace qui est proche du centre- ville, où l’on pourra accéder facilement. J’ai vu également des déconstructions où des commerçants n’ont pas tant per- du que cela car leur clientèle avait ses habitudes et revenait, même si elle n’ha- bitait plus là. Ce n’est pas parce que l’on vide le quartier qu’il n’y aura plus de clients et ce n’est pas parce qu’on le remplit qu’il y en aura beaucoup plus. Nous veillerons à la situation des com- merçants” promet l’élu. Les portes de la pharmacie et du super- marché sont ouvertes. Pour le plus grand bonheur des derniers habitants. n

réhabilitation ratée. On nous a parlé du futur quartier (en face des 408) mais je n’en sais pas plus” dit-elle. Thierry Morton, adjoint au commerce à Besançon, promet d’al- ler à la rencontre des commerçants du quar- tier, à savoir la pharma- cie et le magasin Éco- market qui n’a pas souhaité apporter de commentaires. “Il faut

“Je pensais le quartier reparti pour 30 ans.”

E.Ch.

Maryse Boisnard-Pépin, de la pharmacie de la Grette à Besançon.

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