La Presse Bisontine 185 - Mars 2017

28 DOSSIER I

La Presse Bisontine n° 185 - Mars 2017

l Tendance

Crise des installations Les médecins libéraux accompagnent les jeunes diplômés

Le statut du médecin de famille ne fait plus rêver les étudiants en médecine. Pourtant des leviers existent. Le point avec le Docteur Éric Blondet, président de l’U.R.P.S. Bourgogne-Franche-Comté Médecins libéraux.

à une heure de Besançon, plutôt que de s’installer en zone rurale.Même son de cloche pour Aline, étudiante bison- tine en 4 ème année. “La priorité est d’avoir une vie de famille, du temps pour soi, et de ne pas être exploitée.” Pour le président de l’Union régionale des professionnels de santé (U.R.P.S.) de Bourgogne-Franche-Comté Méde- cins libéraux, le Docteur Éric Blondet, la crise des installations s’appuie sur un même constat : “La formation ini- tiale des médecins s’effectue exclusive-

ment enmilieu hospitalier. Depuis seu- lement deux années, on propose un sta- ge chez un généraliste. Il faut un ensei- gnement de compagnonnage pour les jeunes étudiants.” Pourtant, selon les statistiques de l’U.R.P.S., l’installation n’est pas forcément en crise, mais arri- ve tardivement. Moins de 10 % des médecins diplômés s’installent dans l’année. Il faut compter cinq à neuf années de remplacement avant l’ins- tallation et la reprise d’une patientèle. Et pas question de compter sur la haus- se du numerus clausus : “On en verra les effets d’ici 19 ans, ce n’est pas la solu- tionmiracle” ,prévient lemédecin.Même les maisons de santé pluridisciplinaires (M.S.P.) et le travail collaboratif, pré- sentés par les pouvoirs publics comme la panacée, n’attirent pas nécessaire- ment les jeunes diplômés. “On rencontre deux modèles de M.S.P., relate le pré- sident de l’U.R.P.S. Celles à l’initiative des professionnels, soutenue par les poli- tiques, et qui fonctionnent très bien. Et en parallèle, les volontés politiques appuyées sur un ressenti et non sur une étude. On ne peut pas forcer un méde- cin à s’installer dans une zone où il n’y a pas de Poste, de haut débit, de ser- vices…ça ne fonctionne pas ! C’est pour cela que l’on rencontre beaucoup deMai- son de santé vides. ” Le levier repose donc avant tout sur un accompagnement des jeunes médecins. “Lever les inconnues nous paraît fon- damental. Aujourd’hui, nous n’avons plus de petites cliniques comme avant, mais on assiste à des restructurations d’établissements privés qui ont lesmoyens

de développer les méde- cines et chirurgies lourdes. Signalons d’ailleurs que le monde libéral prend aujourd’hui en charge 50%desmalades atteints de cancer en Franche- Comté.” Pour le neuro- chirurgien, les jeunes cherchent avant tout à être éclairés sur les condi- tions d’exercice en libé- ral, que ce soit sur les plans juridique, contrac- tuel, concurrentiel… Nouveau modèle émer- gent, la communauté pro- fessionnelle territoriale de santé consiste à faire travailler ensemble des infirmiers, kinés, méde- cins… sur un projet de soins.Une réflexion com- mune autour des mêmes patients, sur une problé-

S i le Doubs reste le département le moins sous-médicalisé de la Franche-Comté,les craintes liées à l’installation subsistent chez les étudiants et les jeunes médecins, qui sont nombreux à privilégier un

début de carrière dans le public. “Hors de question de s’installer à la cam- pagne !” La sentence est sans appel pour Charlotte, 30 ans, fraîchement diplômée en psychiatrie, et qui a pré- féré prendre un poste en hôpital public

“Le libéral prend en charge 50 % des malades atteints de cancer.”

matique définie, par exemple le diabè- te. “Si le politique accompagne ces pro- jets, cela redonnera du souffle. Mais il faut laisser faire les professionnels et les accompagner. Arrêtons de stériliser les initiatives locales par des contraintes administratives, et écoutons les projets !” En somme, si les jeunes médecins, la “génération 35 heures”, ne veulent plus de la vie des anciens médecins de cam- pagne,“ils sont prêts à s’investir,à condi- tion d’être guidés, et non bloqués par des barrages administratifs et stérili- sants.” n C.G.

Le D r Éric Blondet, président

de l’U.R.P.S. Bourgogne- Franche- Comté

Médecins Libéraux.

l Technologie Des outils innovants Télémédecine : la révolution numérique au service des patients Se faire soigner et échanger avec son spécialiste par écrans interposés, sans se déplacer : voici une des perspectives d’avenir offertes par la télémédecine. À Besançon, une plateforme d’innovation en télémédecine est portée par le C.H.R.U. et le Professeur Moulin depuis plus de 15 ans.

L a télémédecine est présen- tée par les pouvoirs publics comme un des leviers d’ave- nir pour répondre aux nou- veaux défis sanitaires, que sont le vieillissement de la population, l’augmentation des maladies chro- niques, l’inégalité d’accès aux soins, la crise de la démographie médicale… Grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, elle autorise l’acte médical à distan- ce, d’un établissement hospitalier à un autre, ou entre un patient et un professionnel de santé. Besançon fut longtemps leader français dans ce domaine. Et pour cause, le C.H.R.U. développe depuis 2001 une “platefor- me d’innovation en télémédecine”. Por- tée par le Professeur Thierry Moulin, chef du service de neurologie, elle relie les centres hospitaliers de la région, le groupement hospitalier de territoi- re, les E.H.P.A.D… En partenariat avec les acteurs académiques de la for- mation et de la recherche (Université de Franche-Comté, notamment avec l’unité mixte C.N.R.S., Femto-S.T.), éco- nomiques (pôle de compétitivité des microtechniques, notamment la socié- té Covalia), et le soutien de l’A.R.S. et du Groupement de Coopération Sani- taire “Emosist”, des outils innovants

sont testés et mis à disposition des praticiens. Une démarche qui s’inscrit “dans le sens de l’Histoire” pour le P r Moulin : “La télémédecine répond éga- lement à une autre problématique, cel- le de la transmission des connaissances et des compétences qui se développent à une telle vitesse qu’il est impossible pour un professionnel de suivre ces évo- lutions permanentes.” Dès 2001, au sein de cette plateforme, la prise en charge des urgences neu- rologiques régionales était déjà pos-

sonnes âgées dans les E.H.P.A.D. pour- ront consulter un gériatre, ou un autre spécialiste sans se déplacer, garantis- sant une équité d’accès aux soins, une qualité des soins, plus de confort pour le patient, des économies de coût de transport” illustre le Professeur. Pro- chain cap : faire entrer la télémédeci- ne dans les cabinets des médecins géné- ralistes, et dans les maisons médicales, afin de renforcer le maillage de proxi- mité. Un projet qui devra être construit en concertation avec l’U.R.P.S. Méde- cins libéraux, et avec tous les profes- sionnels de santé libéraux. Pour lui, il n’est pas question pour autant de parler de “déshumanisation” de la médecine. Au contraire, cet acte renforce les liens entre professionnels, moins isolés de leurs pairs, et entre le patient et son spécialiste. “On peut mettre en place des consultations déma- térialisées plus fréquentes : le fait de voir son spécialiste plus souvent en télé- médecine renforce paradoxalement les liens humains, car il y a une meilleu- re connaissance, et ce dans les deux sens.” Aujourd’hui, le frein principal au déploiement de cette pratique, selon le P r Moulin, est le manque de lisibi- lité du modèle économique, comme des moyens mis en œuvre par les pouvoirs

sible par téléconsulta- tion avec les patients. Les domaines d’appli- cation se sont élargis au fil des années : cancé- rologie, suivi à distan- ce des plaies chroniques, des complications liées au diabète…évitant aux patients de la région de se déplacer à Besançon. De nouvelles perspec- tives et de nouveaux champs s’ouvrent désor- mais, sans pour autant “remplacer le médecin ou le chirurgien” rassu- re le neurologue. “La gériatrie est un domai- ne pertinent : les per-

Besançon fut longtemps leader français dans ce domaine.

Des outils innovants sont mis à la disposition des spécialistes.

publics nationaux et locaux. Les moda- lités de financement doivent pouvoir s’inscrire de façon pérenne dans la réglementation de l’assurance-mala- die. Sur le terrain, si Besançon fut à la pointe dans ce domaine entre 2000 et 2011, elle affiche aujourd’hui un léger retard. “Sans haut débit, sans des volontés politiques d’aménagement du territoire fortes, nos capacités res- teront limitées. Nous attendons aussi

que la Région nous accompagne de manière novatrice sur tous ces enjeux : dynamisme en recherche et dévelop- pement, organisations innovantes, attractivité et qualité… Car la finali- té est bien le maintien à domicile, la préservation de la qualité de vie des gens chez eux, venant renforcer la cohé- sion sociale et l’équité pour tous les Francs-comtois.” n C.G.

Made with FlippingBook - Online Brochure Maker